Le rideau est tombé sur la CAN 2008. Le sixième triomphe des Pharaons d’Egypte par 1 but à 0 sur les Lions indomptables du Cameroun a été le point d’orgue de cet événement sportif qui a tenu en haleine un mois durant les amoureux du ballon rond à travers le monde.
Cette année, la CAN a été rehaussée par le grand nombre de vedettes du football africain en lice. De tous les grands noms, seuls Adebayor, non qualifié, et le Camerounais Webo, blessé, n’étaient pas au rendez-vous. 99 buts ont été marqués. Samuel Eto’o, avec 5 buts est sacré meilleur buteur. Il porte son total de buts en CAN à 16 buts, améliorant ainsi le record du plus grand artificier de l’histoire de la CAN (14 buts) que détenait Laurent Pokou depuis 38 ans.
Le public ghanéen a mis de l’ambiance pour que la fête soit belle, en dépit du coup de massue que lui ont asséné les Lions indomptables en privant les Black Stars de la Finale de leur CAN.
Pourtant, tout n’a pas été beau dans cette CAN. La polémique sur le ballon d’or attribué à Frédéric Kanouté parce que Didier Drogba à qui il était destiné n’a pas été autorisé à se rendre à Lomé pour le recevoir n’honore personne. Le ballon d’or doit récompenser les meilleurs joueurs et non servir d’instrument de règlement de comptes.
La noix d’or va, sans conteste, aux commentateurs télé français et à leurs consultants africains qui avaient envahi les ondes de toutes les chaînes francophones. C’est ainsi que nous n’avons eu droit qu’aux pitreries agaçantes de Christophe Jammot sur Eurosport, relayé par ses doungourous Moustapha Hadji, Boubacar Sarr et Patrick Mboma. Ils étaient régulièrement rejoints par la plupart des entraîneurs français associés de près ou de loin à une sélection africaine.
Sur les chaînes d’Afrique subsaharienne du réseau AFNEX, entité de LC2 Médias, trônait le sémillant Charles Biétry, agent de joueur et sergent recruteur pour Rennes et ses compères Hamed Paraiso et Charles Moukory, français d’origine camerounaise comme il se plaît à le répéter à l’antenne.
Charles Biétry n’est pas un inconnu du public sportif. La publication Les Cahiers du football lui décerna le micro de plomb 2004 via le vote de ses lecteurs, « distinction » réservée au pire commentateur TV de l’année. Charles Biétry s’était distingué (notamment lors de l’Euro 2004) par ses désormais célèbres élucubrations. Le commentaire qui le consacra pour cette récompense satirique (avec 21% des voix) fut le suivant : « Alors attention, là, coup franc pour la Suisse. Alors regardez bien Alexander Frei. Tous les joueurs de Rennes m’ont dit qu’ils n’ont jamais vu quelqu’un qui les frappait aussi bien à l’entraînement que Frei. Et d’ailleurs en championnat … Il n’en a jamais marqué un, donc c’est peut-être pour maintenant. … [voix un peu plus basse] Ah ben non, c’est pas lui qui tire ».
Se départant de toute objectivité, les commentateurs télé de cette CAN ont avec un étonnant cynisme, pris le parti de la falsification. D’entrée de jeu, ils décrètent comme grands favoris de la compétition les Eléphants de Côte d’Ivoire et les Black Stars du Ghana, pays organisateur. Ils font fi de la réalité qui leur saute aux yeux, à savoir que l’équipe conduite par Didier Drogba et celle de Mensah ne sont, somme toute, que des sélections assez moyennes, qui n’ont participé qu’à la dernière phase finale de la Coupe du monde. A la différence des Eléphants, les Black Stars eux ont un palmarès africain très prestigieux pour avoir remporté quatre CAN, exploit qu’ils partagent avec les Lions indomptables. Seulement, le dernier titre du Ghana remonte à 26 ans.
Maniant avec effronterie l’hyperbole, nos commentateurs émérites ont répété ad nauseam que Didier Drogba était à la tête d’un « dream team » composé de joueurs de classe mondiale sur toutes les lignes qu’aucune équipe ne pouvait arrêter. Dans le même temps, ils ont tôt fait d’enterrer nos Lions indomptables. Le faux-pas devant les Pharaons en match de poule semble corroborer leurs préjugés.
Nos commentateurs à la noix, relayés par leurs consultants noirs, des prête-noms en réalité, répètent à satiété que les Lions indomptables sont « vieux, sans âme, sans jeu et sans jus », une bande de rigolos dont l’entraîneur, un alcoolo sénile, vient à peine d’être recruté sur internet.
Les Pharaons ne trouvent guère grâce aux yeux de nos bonimenteurs qui cachent à peine leur condescendance. Ils mettent entre guillemets leur victoire de 2006 qui n’aurait été possible que parce que c’était « leur » CAN. Et de rappeler qu’ils avaient eu toutes les peines du monde à se qualifier dans un groupe comprenant la Mauritanie, le Burundi et le Botswana.
Pis encore, des entraîneurs français de seconde zone s’érigent en experts du football africain dont ils ignorent l’histoire. L’internet n’ayant pas réponse à tout, on a entendu sortir de leur bouche d’indicibles énormités. Pour certains, c’était la 9è CAN de Rigobert Song. Pour d’autres, la Finale de 2008 était la revanche de celle que l’Egypte perdit en 1986 face au Cameroun. En fait, en revêtant la casquette de commentateurs, ces messieurs s’arrangeaient à mieux occulter leur véritable identité de marchands ou recruteurs de joueurs africains pour les clubs français.
J’ai beau tendre l’oreille, je les ai à peine entendus expliquer des phases de jeu compliquées ou des décisions d’arbitrage controversées. Ils ont davantage vanté les sélections dirigées par leurs amis et les joueurs de leurs clubs ou ceux qu’ils comptaient placer auprès de clubs français.
A ce jeu, Jodar, le coach des Aigles du Mali l’a emporté haut la main sur les autres à propos de l’avant-centre ghanéen Junior Agogo. L’attaquant ghanéen, en fin de carrière, est sociétaire de Nottingham Forest, club de troisième division anglaise. Autant dire qu’il est sans club. Du coup, il devient la « trouvaille extraordinaire » de la CAN, dixit Jodar. Et de surenchérir : « du côté de Nottingham Forest, ils doivent se frotter les mains et remercier le ciel que la CAN se déroule en janvier », sous entendu après le mercato d’hiver. Tout tourne autour du fric à se faire sur les joueurs.
Jodar prend ses désirs pour des réalités. Claude Leroy, sélectionneur du Mali a-t-il fait signe à l’arbitre pour lui signaler son intention de faire sortir un de ses joueurs, que Jodar y voyait déjà la décision du coach de faire sortir Agogo pour que le stade le salue avec un « standing ovation ». Mais pas du tout ! Ce n’est même pas lui qui devait sortir.
Quand les Eléphants et les Black Stars sont éliminés en demi-finale sans gloire, on aurait pensé que nos bonimenteurs feraient leur « méa culpa » devant un désaveu aussi cinglant de leur expertise. Que non ! C’est mal les connaître. Sans sourciller, ils rectifient le tir et essaient de se rattraper. Et chacun va de sa petite phrase : « les Lions indomptables, à défaut de talent, sont portés par une force mentale inégalable en Afrique ». « C’est une armée de guerriers ». « Les Pharaons présentent le plus beau football d’Afrique, avec du talent sur toutes les lignes ». Tiens ! Ils venaient tout juste de le découvrir ?
Nul n’est dupe. Le chroniqueur ivoirien Ouattara Gaoussi a raison de cracher du fiel. Les commentateurs ont trompé les Ivoiriens. « Se contentant de croire aux qualificatifs qui fusaient de tous les horizons, écrit-il dans Le Patriote, Drogba et ses camarades ont été victimes de la pauvreté tactique de leur jeu et de leur trop grande suffisance. Attendue, la Côte d’Ivoire a répondu sur papier et non sur le terrain ».
Les lions indomptables n’ont pas égalé le record de victoires de l’Egypte mais ils n’ont pas démérité. Ils ont cloué le bec à leurs détracteurs. En éliminant le pays organisateur et en se hissant à la deuxième marche du podium, ils ont montré qu’ils restent l’une des meilleures sélections nationales d’Afrique et du monde.
Ce qu’il convient de retenir de cette mésaventure, c’est que nos pays doivent être maîtres de leur communication. Si nous ne prenons pas au sérieux notre communication pour en faire un des piliers de notre indépendance, nous demeurerons à la merci des gris-gris de ces charlatans, sorciers blancs et de leurs doungourous noirs qui envahissent les ondes tous les deux ans pendant la CAN et nous font prendre des vessies pour des lanternes.