Une fois l’élimination des Lions consommée, une fois la larme de dépit écrasée en cachette ou bien ostensiblement, la mémoire collective des Camerounais a retrouvé son penchant naturel à la « rienfairetude ». Le football après tout, ont repris comme un seul homme médias, observateurs et supporters, n’est pas la seule activité au Cameroun, passons donc à autre chose.
Sottises et billevesées que tout ça, bien sûr. Le football représente tout pour nous, parce que c’est notre seule fierté, c’est le produit le plus reconnu que nous offrons sur le marché mondial, c’est le principal agglomérant de l’unité du pays. Dire qu’il ne représente rien et laisser faire, c’est continuer de se mentir à soi-même.
C’est maintenant, justement, qu’il faut parler de football. C’est maintenant qu’il faut accentuer la pression, exiger des comptes, demander des explications, se faire entendre, participer à la réflexion sur un domaine qui n’est la propriété exclusive ni du ministère des Sports, ni de la Fécafoot, ni de quelques pique-assiettes. C’est le temps de savoir ce que les dirigeants du foot ont en tête, les plans qu’ils échafaudent pour l’avenir, les mesures qu’ils entendent prendre pour préserver notre place et sauvegarder notre réputation.
Ne rien dire ne nous a jamais rien rapporté. Entre 1992 et 2000, le Cameroun n’a rien gagné ; nous n’avons rien dit. Rien n’a été fait. Ce n’est pas vrai que la défaite est une leçon pour les dirigeants de notre football. Nous avons assisté à des démissions en direct chez les autres, à des autocritiques qui étaient sincères, à des mouvements de prise de responsabilité. Chez nous, rien. On fait le dos rond, on attend que le petit orage passe. Il faut que cela change.
Les sujets à aborder sont illimités. Notre football est en danger de zaïrisation. Il y a nettement urgence.
Le nettoyage des écuries d’Augias qu’est devenu le foot camerounais doit commencer par le haut. Quelqu’un peut-il nous dire quels rapports il existe entre le ministère des Sports, la Fécafoot et les Lions indomptables ? Qui relève de qui, qui fait quoi, qui décide ? Nous pensons que la Fécafoot est l’organe qui doit gérer le football.
Le président de cette fédération n’était pas le chef de la délégation camerounaise à la CAN. Les administrateurs des Lions sont des fonctionnaires du ministère des Sports, qui ne relèvent donc pas de la Fécafoot. Quelles sont donc les attributions de M. Iya, quelle est l’étendue de son autorité, à quel titre se trouvait-il donc à Sousse ?
Rappelez-vous, il n’y a pas si longtemps, les menaces de mise sous tutelle qui pesaient sur la Fécafoot. La FIFA, par la CAF interposée, avait menacé de suspendre la Fécafoot si un certain nombre de mesures n’étaient pas prises. Encore une fois se pose la question de la légitimité, de la représentativité et de l’obligation de rendre compte des organisations publiques. Ces trois éléments déterminent le respect que suscite une institution ayant des objectifs clairs, un champ de compétence bien délimité et une Direction bien élue et responsable devant le peuple.
Le ministère des Sports n’est pas le ministère des Lions indomptables. C’est le ministère du handball, du volley, du basketball, de la marelle et de la course de fond… La Fécafoot peut marcher, si seulement la palinodie camerounaise pouvait, pour une fois, cesser. Donner les moyens financiers pour l’action, définir le champ des compétences, exiger des responsables qu’ils rendent des comptes, voilà la mission du ministère. Au terme de ce processus naîtrait une Fécafoot respectée et dirigée par une personne dont l’autorité sera reconnue sur la scène nationale et internationale. Notre bon ministre n’aurait plus à faire des va-et-vient incessants, comme un vulgaire garçon de courses, à surveiller tout, à présider partout.
On pourrait aussi – il faudrait absolument – parler des relations qui existent entre les Lions et certaines personnes morales. PUMA est le commanditaire principal des Lions. Pourquoi ne saurions-nous pas les tenants et les aboutissants de ce partenariat ? Qu’y gagnons-nous ? Qu’espère Puma ? Quelles sont les principales contraintes ? Parce qu’il faut bien le dire ici et maintenant : ça commence à bien faire! Les Lions sont devenus le cobaye d’une entreprise allemande. Nous voulons savoir à quel prix nous avons vendu l’âme de notre principale possession, nous souhaitons savoir à quelle sauce PUMA bouffe du lion.
PUMA a habillé Serena Williams et habille l’Italie, la Pologne, la République Tchèque, la Tunisie gagnante de la CAN 2004, etc… Pourquoi ne s’amuse-t-il pas à tenter des coups de marketing sur elles, sur ces équipes ou sur d’autres grandes équipes du monde qu’elle parraine? Les fesses d’Eto’o sont-elles plus soyeuses que celles de Serena ? La sortie du maillot des Lions est devenue une énorme source de distraction qu’il importe de fermer. Le dernier maillot des Lions, comme l’avant-dernier du reste, n’est pas un maillot de football. C’est un gag. Nous sommes la treizième équipe de football du monde, nous ne sommes pas de vulgaires supports de réclames publicitaires. Les Lions ne jouent ni pour frimer, ni pour amuser la galerie, ni pour faire vendre des espadrilles.
Parlant justement de cette place de choix qu’occupent les Lions, pourquoi ne jouent-ils pratiquement pas de matchs amicaux avec des formations de renom ? Est-ce à dire que d’autres équipes ne se bousculent pas au portillon pour se mesurer aux Lions ? Par peur de la défaite ou pour des raisons plus prosaïques ? Qui décide. De quel droit, à quel prix, on peut savoir ?
Il n’est pas question, dans la réflexion que nous allons engager, d’esquiver la question de l’entraîneur des Lions. Nous voulons un entraîneur à la hauteur de notre réputation. Finis les has-been européens qui viennent se refaire un nom sur notre dos, finis les aventuriers qui viennent se faire du CFA pour ouvrir des restaurants de luxe en Bavière ou en Corse. Nous voulons un technicien reconnu, un homme de poigne et indépendant, un homme enfin qui aime le Cameroun. S’il ne parle ni l’anglais ni le français, qu’il parle donc le fulfuldé, le bassa, l’ewondo, le bangangté ou toute autre langue du pays. Sinon, qu’il garde sa science loin de nous. Mais qu’on le laisse travailler en paix, et qu’on le juge en fonction des résultats. On a eu des Russes, des Yougoslaves, des Français, des Allemands, des Camerounais. Les Européens se sont enrichis ; les Camerounais ont été ridiculisés parce que leur échec avait été planifié dès leur entrée en fonction.
Pourtant, j’estime qu’on a actuellement tout à gagner à revenir avec les Camerounais, surtout parce que nous en avons qui, je le crois fermement, non seulement connaissent le foot, mais ont en outre la stature voulue pour faire pièce aux velléités totalitaires du ministère des Sports. Omam Biyick, Bell, Ekéké, nommez-les… Mettons voir un de ces donneurs de leçons aux commandes ; testons voir la probité et l’intégrité de ces messieurs « Propre » !
Il y a quelqu’un à Yaoundé qui s’appelle M. Corfou. Directeur technique national, c’est-à-dire en fait le patron des entraîneurs de foot du pays. Invisible pendant une manifestation aussi importante que la CAN, je ne crois pas qu’il ait vraiment voix au chapitre, que ses conseils soient sollicités ou suivis. Peut-on savoir pourquoi ? Quel est son rôle, de qui relève t-il ?
Donc à vos plumes, citoyens ! Mvomeka est plus près de vous que vous ne pensez. Tous ceux qui sont réfractaires au changement, tous ceux qui n’aiment pas le Cameroun comptent sur votre apathie pour s’incruster, pour perdurer.
Mais le Cameroun reste un pays étonnant dont il faut se garder de désespérer.
Que je vous raconte ceci : Il y avait quatre honorables députés à Sousse pendant la CAN. Il y avait toute la Fécafoot, tous les présidents de club, un représentant du ministère de la Culture, un représentant du Premier ministre, quelques barbouzes pour surveiller tout le monde, un représentant de la Présidence, et beaucoup de braves types qui, allez donc savoir pourquoi, ne veulent plus rentrer au pays.
Tous ces gens ne viennent pas seulement pour le foot, vous le savez comme moi. Faites un retour en arrière et pensez au retour des Lions au pays après les campagnes du Nigeria et du Mali. Gros porteur pratiquement gratuit, marchandises de toutes sortes, douaniers en fête à Douala et à Yaoundé. Le bonheur, quoi ! La CAN tunisienne représentait sans doute un bon investissement pour un homme d’affaires sans état d’âme. Eh ! bien non, les choses n’ont pas bien marché cette fois-ci. Les gabelous étaient au poste, et n’entendaient pas à rire. Le Cameroun, je vous dis, continuera toujours de nous surprendre.