Qu’on brûle donc les vieux dossiers, qu’on tourne le dos et la page et qu’on mette en branle le mouvement de renouvellement de notre ménagerie, ici et maintenant. Nous vous invitons à participer, d’un cœur sec, à l’arasement d’un passé que nous assumons avec fierté et à assister à un gigantesque autodafé dont les cendres sont porteuses de grands espoirs.
Notre collègue Sanga Titi a, dans une édition précédente, constaté la fin d’une tranche de vie des Lions et reconnu sans faux-fuyants la dure nécessité d’un renouveau. Depuis la funeste nuit allemande de mercredi 17 novembre, la majorité des camerounais a approuvé le débranchement des moyens qui maintenaient artificiellement en vie le grand malade. Plus de perfusion, plus de cataplasmes, plus d’analgésiques. L’euthanasie, maintenant.
Le renouveau des Lions indomptables présente un certain nombre de défis. Au cours des prochaines semaines, nous allons exposer clairement notre point de vue, que nous sommes prêts à défendre à tous les niveaux.
Le facteur clé du renouveau des Lions indomptables, nous en sommes convaincus, concerne les rapports qui doivent exister entre les pouvoirs publics camerounais et notre équipe nationale de foot. Ces rapports, nous le reconnaissons à l’unanimité, doivent être rénovés. Le football chez nous demeure une activité d’amateurs. Cela veut dire que l’argent, l’intendance et les installations sont essentiellement fournis par les pouvoirs publics. Que ces derniers s’emploient donc à occuper toute la place et à se faire entendre est tout à fait normal. Moi-même, lorsque je mets quelques millions dans une affaire, il ne faut pas me chercher. Parce que dans ce cas, lorsqu’on me cherche, on me trouve.
La FIFA même, qui ne jure que par l’indépendance des fédérations nationales, n’est pas viscéralement opposée à la présence de l’État sur le front du football. Elle sait très bien que même dans les pays riches, ce sont les États qui font et assument les investissements les plus onéreux et se retrouvent souvent ; j’en veux pour preuve le Portugal, en butte à des dettes élevées tenant à l’organisation de grandes manifestations.
Prenons acte de cette situation et, au fond, félicitons-nous en. Cela dit, la présence des pouvoirs publics sur le terrain du foot au Cameroun pose quelques problèmes, qui sont d’une part liés à la nature même de l’administration publique en général et, d’autre part, à la performance de l’Administration camerounaise.
L’Administration est par nature une machine qui s’autoalimente et qui est prompte à oublier son mandat, à savoir l’amélioration du bien-être des populations, pour ne penser qu’à elle et à sa propre survie. Elle est totalitaire et s’accommode mal de la contestation. À ces tares s’ajoute, au Cameroun, la longue liste d’échecs récoltés par l’Etat dans la conduite des affaires, qu’il s’agisse de la gestion des grandes entreprises ou de l’exploitation de petits réseaux. Notre suspicion et nos craintes sont d’autant plus exacerbées que l’intervention de l’État présente le défaut, sans doute corrélatif de son avantage pour lui, d’être impersonnelle. On ne sait presque jamais qui a fait quoi, qui est responsable de quoi, qui dirige quoi. C’est ce qui explique que les populations, laissées dans le noir, font invariablement donner Etoudi ou Mvomeka pour obtenir éclaircissements et réparations, pour de simples broutilles.
Qu’on nous comprenne bien : le choix des hommes et des femmes effectué par le Prince ne nous intéresse pas. Un ministre des Sports remplace un ministre des sports et un autre ministre des sports, et ainsi de suite. Peu nous chaut donc à cet égard. Les hommes et les femmes passent, le système perdure. C’est là que se situe le problème. L’ordre du jour est de trouver un équilibre entre le rôle de l’Etat investisseur et les aspirations légitimes de nos membres, trop souvent ignorées.
Faut-il exciper de la turpitude intrinsèque des pouvoirs publics pour demander qu’ils se mettent volontairement au ban de la galaxie foot au Cameroun ? Il y a des combats qui ne valent pas la peine d’être menés. La présence de l’État ne va pas s’estomper. Et cela, on le réaffirme, n’est pas au programme de nos revendications. Ce que nous voulons, c’est établir un rapport de forces avec l’État. Rien de nouveau à cet égard, nous l’avons déjà dit. Mais il convient de le répéter, car pour faire pièce aux appétits totalitaires des pouvoirs publics, il n’y a d’autre choix que l’affrontement républicain. Il s’agit de faire sentir notre poids à tout instant, de rappeler l’État à son devoir, parfois bruyamment, parfois en recevant quelques horions, mais toujours avec la conviction que c’est la seule voie.
Le choix est clair : les pouvoirs publics camerounas doivent commencer, enfin, à jouer le rôle de « facilitateur » de la gestion des Lions indomptables. Qu’ils assument enfin les fonctions de supervision générale, à distance, et portent bien haut l’étendard de la défense des droits des Camerounais auprès des professionnels reconnus auxquels ils auront donné les moyens et l’autorité voulue pour réaliser les ambitions de notre Famille et de tout le peuple.
C’est clair que les cataplasmes que l’État a appliqués sur la plaie par le passé n’ont jamais fonctionné. Cellule provisoire, unité administrative ou diktats et oukases du Minjes, rien n’a fonctionné à la satisfaction du plus grand nombre. Les Lions indomptables ne sont pas l’équipe nationale de pétanque. En dépit du grand respect que j’ai pour cette discipline, placer les Lions indomptables sous la même tutelle administrative que la petanque, une tutelle assurée par des fonctionnaires jouissant du luxe d’un emploi à vie mais qui n’ont jamais chaussé une paire de godasses, a toujours constitué pour nous une immense aberration ne pouvant mener qu’à l’échec. Moralement donc, l’État a perdu le pouvoir de régenter les Lions indomptables à sa guise. Il doit accepter, sportivement, de jouer les seconds rôles.
Ou plutôt, de jouer un autre rôle, à notre avis beaucoup plus important parce plus noble, celui d’arbitre, d’avocat du peuple et de censeur. Mais avant de mettre ses nouveaux habits, il doit impérativement, tout de suite, mettre un terme aux fonctions de supervision des Lions indomptables par toute unité administrative publique en « facilitant » le recrutement par la fédération (Ndlr: recommantion de la Fifa) d’un vrai patron pour les Lions indomptables qui aura, seul et en toute indépendance, la responsabilité technique et la responsabilité administrative de l’équipe.
L. Ndogkoti, ndogkoti@camfoot.com