« À partir d’aujourd’hui, le seul responsable technique des Lions Indomptables est Artur Jorge. Je le répète, vous êtes le seul responsable technique des Lions indomptables. Vous aurez les mains libres dans l’accomplissement de votre mission. Je n’admettrai aucune entrave, encore moins d’immixtions intempestives dans votre travail. Vous aurez deux interfaces dans l’accomplissement de votre mission. D’une part le Minsep pour des questions d’ordre administratif et d’autre part, la Fédération camerounaise de football pour des questions d’ordre technique ». C’est en ces termes que M. Philippe Mbarga Mboa, Ministre des sports et de l’éducation physique a installé le nouveau sélectionneur des Lions indomptables dans ses nouvelles fonctions lundi après-midi.
En martelant ainsi ces mots, le Ministre tenait solennellement à mettre un terme à l’ingérence des officiels dans la gestion technique de l’équipe, affirmant ainsi l’indépendance totale de l’entraîneur.
La cérémonie d’installation, dans l’ensemble, avait quelque chose d’onirique. On a eu l’impression que le Cameroun tout entier s’était donné rendez-vous dans la modeste salle de conférence du Ministère. De la direction de la FECAFOOT aux cadres du Ministère, des petits vendeurs d’arachides ambulants aux chroniqueurs de la presse sportive, des responsables de clubs de football aux simples badauds désoeuvrés, tout le monde a été admis à cette cérémonie et M. Mbarga Mboa les a pris à témoin. Ce faisant, il ôtait à Artur Jorge tout subterfuge et faux-fuyant.
Quelque chose est en train de changer dans la gestion du football camerounais. Le contrat qui lie Artur Jorge au Cameroun jusqu’en juillet 2006, avec comme clause principale l’impératif d’amener les Lions à se qualifier pour la coupe du monde 2006 a été signé par les deux parties devant tout le monde. Les journalistes présents ont pu poser les questions aux protagonistes. Le maître de céans a d’ailleurs invité tous les médias à accompagner les entraîneurs et les Lions indomptables sans réserve jusqu’à la victoire finale.
La rédaction de Camfoot.com a entendu cet appel et nous y adhérons pleinement. Les premiers gestes de refondation de notre équipe nationale s’inscrivent grosso modo dans la logique que nous n’avons eu de cesse de préconiser. Les Camerounais se sont divisés sur le profil de l’entraîneur qu’il fallait aux Lions indomptables. Dans nos précédents articles, nous avions appelé de nos vœux le recrutement d’un grand nom mondial : Karel Bruckner, « Pacho » Maturana, ou quelqu’un de cette trempe et nos dirigeants nous ont offert Artur Jorge et son alter ego, Raul Aguas. C’est ce que le Portugal a de meilleur comme entraîneurs, en dehors de José Mourinho à Chelsea et de Carlos Queiroz à Manchester United. Ce choix cadre globalement avec nos attentes. Au couple lusitanien, Mbarga Mboa a associé un trio camerounais, satisfaisant ainsi ceux qui réclamaient des techniciens nationaux. Compte tenu de leur qualité, ce ne seront pas des comparses.
Notre rédaction a dénoncé la gabegie, les prévarications et les grenouillages qui avaient libre cours autour de Bidoung Mpkatt et morigéné Etame Massoma pour ses ingérences dans la gestion technique de l’équipe. Nous ne pouvons que saluer l’arrivée de Jules Nyonga, de Patrick Mboma et de Yannick Noah dans l’encadrement des Lions indomptables.
Deux aspects, cependant, semblent préoccupants. Le premier est la présence de Lucidio Ribeiro autour des Lions indomptables et le second, le statut quo apparent au sein de la direction administrative du Ministère.
Lucidio Ribeiro est à la tête d’un empire polyvalent qui regroupe la revue Afrique Football, l’agence-conseil en communication Foot Élite et les Éditions M.M.P. Il gère la carrière de joueurs et d’entraîneurs. Il organise aussi des événements sportifs et des matches amicaux pour certains clubs et des équipes nationales. C’est à ce titre qu’il fut jadis chargé d’organiser les matches amicaux des Lions indomptables. Or chacun le sait, les matchs amicaux des Lions indomptables se comptent sur le bout des doigts.
Le plus préoccupant est le risque de conflit d’intérêt que peut entraîner le double statut de Lucidio Ribeiro, à la fois agent de plusieurs footballeurs camerounais et d’Artur Jorge. Comment ne pas sentir le roussi ? Peut-on imaginer qu’Artur Jorge ne soit tenté d’appeler en sélection les poulains de Ribeiro qui partagent pourtant la même écurie que lui? Et ce n’est pas tout. Mr Ribeiro est le promoteur du Trophée l’Étoile d’Or d’Afrique Football qui consacre le meilleur joueur africain de l’année. Dans quelle mesure est-il capable de faire preuve d’objectivité dans l’attribution de ce trophée dont le jury est composé d’entraîneurs dont certains lui versent ses émoluments ? Nous ne ferons de procès d’intention à personne, mais nous sommes fidèles à notre promesse d’informer et d’allumer les clignotants.
Le deuxième motif de préoccupation est la présence dans les rangs des mêmes individus qui dirigent les affaires administratives depuis l’ère de Bidoung Mpkatt. Les problèmes qui ont, de tout temps, accablés nos équipes nationales se trouvent profondément enracinés dans les structures administratives : amateurisme, incompétence et cupidité. Il nous est revenu que les Lions indomptables voyagent des heures durant dans des avions militaires dépourvus de tout confort et que, très souvent, quand il leur arrive d’emprunter un vol commercial, ils doivent s’acheter eux-mêmes leurs billets d’avion que les autorités ont du mal à rembourser. Or, cette responsabilité incombe à la direction administrative de l’équipe nationale que Bidoung avait, un temps, remplacée par la « cellule administrative provisoire » de triste mémoire.
Cela étant, il reste que ce sont les joueurs qui tapent sur le ballon, qui marquent les buts et enrayent les offensives des adversaires. Sur ce front, c’est la veillée d’armes. Le mandat d’Artur Jorge précise qu’il doit prospecter sur place et dans la diaspora afin de repérer de nouveaux joueurs. L’une des clés du succès s’y trouve. La concurrence n’existait plus dans l’équipe de Winnie Schäfer. Blessés ou en forme, les titulaires étaient assurés de leur place tandis que Emana, Ndiefi, Ngassam Falemi, et les autres avaient scellé un pacte avec le banc des remplaçants, quelle que soit leur forme. Pour tous ces athlètes, l’heure d’un nouveau départ a sonné. Notre cœur, fragile, est suspendu à leurs godasses.
Ainsi se présente l’état des écuries d’Augias que M. Philippe Mbarga Mboa se doit de nettoyer pour éviter que le travail qu’il accomplit actuellement ne soit en vain. Vivement le 25 mars !
Sanga Titi, sanga@camfoot.com