Alors que l’Asie a accueilli sa première Coupe du monde, l’Afrique court toujours désespérement après la sienne. Le Maroc lorgnait bien sur l’édition 2006, mais l’Allemagne lui a finalement été préférée. L’horizon le plus proche est donc fixé à 2010, mais sans aucune certitude. Le problème épineux des infrastructures ajourne toujours un éventuel feu vert de la FIFA.
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En Afrique, le dossier est d’autant plus sensible que, depuis des années, cette région du monde, prodigue en joueurs de grand talent, est l’objet d’une fuite des crampons en règle, destination l’Europe.
«Certes, depuis la nouvelle réglementation promulguée par la FIFA, qui interdit de faire signer des contrats à des joueurs de moins de 18 ans, cette scandaleuse évasion à la source pourrait être un peu tarie. Mais les clubs ont appris à contourner la loi: ils font venir les joueurs dans leurs centres de formation sans leur faire signer de contrat», s’insurge Faouzi Mahjoub, un observateur privilégié du football africain.
Autrement dit, le marché est resté «sauvage», avec des transactions qui s’embarrassent d’autant moins de règles que le Vieux Continent fait plus que jamais figure d’eldorado. Reste que toute cette région du monde n’est pas désarmée de la même manière face à cette primauté européenne, largement illustrée par l’équipe du Sénégal, dont 99% de la sélection jouait l’an dernier dans des équipes de l’Hexagone.
«En réalité, il n’y a pas une, mais plusieurs Afrique du football. La première, illustrée en particulier par l’Afrique de l’Est, est totalement démunie ; en revanche, dans un certain nombre de pays (Maroc, Tunisie, Sénégal, Cameroun, Nigeria, Afrique du Sud…), il y a de l’argent dans le soccer, jusqu’à plusieurs centaines de milliers de dollars injectés par la FIFA, mais il ne profite qu’à quelques-uns», poursuit Faouzi Mahjoub.
À cet égard, l’exemple des joueurs camerounais restés trois jours en attente à Roissy, avant de s’envoler pour le Japon, pour une sombre histoire de primes, est un exemple éloquent. Pourtant, la signature d’une convention en décembre 2000 entre le ministère des Sports et la Fédération camerounaise de soccer sur la répartition des recettes permettait de penser qu’un trait avait été tiré sur ces errements traditionnels au moment des grandes compétitions.
D’un strict point de vue géographique, les contours de l’économie du soccer africain épousent peu ou prou ceux du développement: quasi absente en Afrique de l’Est et dans l’Afrique sub-saharienne, elle émerge notamment en Afrique du Nord et en Afrique du Sud.
Au Maghreb par exemple, l’Étoile sportive du Sahel, en Tunisie, a conquis ses galons de grand club omnisports, avec quelque 4,5 millions d’euros de budget, en majorité consacrés à son équipe professionnelle de soccer. «Les grands clubs du pays profitent des efforts considérables effectués par le gouvernement. Cela va de la mise à disposition des installations en passant par le renforcement du service médical ou encore l’exonération de charges sociales sur les salaires des joueurs. Parallèlement le mécénat privé et les droits de télévision constituent autant de recettes supplémentaires, explique Othman Jenayah, le président de l’Étoile sportive. Pour toutes ces raisons, nous nous sentons très loin des dérives en usage dans d’autres pays et en particulier de cet esclavagisme des Temps modernes qui concerne les joueurs.»
Une telle situation pour un club de soccer en Afrique est encore très exceptionnelle. Non seulement les infrastructures de qualité font cruellement défaut, mais les revenus viennent encore et surtout de commanditaires locaux et les droits de télévision sont quasi inexistants. Sur ce dernier point, l’Afrique pâtit à la fois de conditions de retransmission défaillantes et, pour cette Coupe du monde, de bisbilles entre TV Africa, l’opérateur qui détient l’exclusivité des droits de retransmission, et les télévisions nationales. Pour autant, toutes ces difficultés n’empêchent pas d’avoir la foi.
Avec l’international français Patrick Vieira, les anciens joueurs Bernard Lama et Jimmy Adjovi-Bocco ont uni leurs efforts pour créer au Sénégal un Institut de formation aux métiers du soccer, à l’intention des jeunes âgés de 13 à 18 ans. La première promotion est attendue pour la rentrée prochaine. «Il s’agit d’offrir les meilleures chances aux jeunes sportifs africains, en utilisant le soccer comme un outil de développement social, économique et culturel tout en veillant à garantir à ces jeunes une insertion professionnelle sécurisée», explique Jimmy Adjovi-Bocco. Une action méritoire mais qui, en Afrique, reste encore au stade de prototype.
Frédéric de Monicault
Le Figaro