Camfoot.com : Revenons chez les lions, comment vous avez perçu le passage de brassard entre Sam et Rigo ?
Roger Milla: Le passage de brassard ne doit pas créer une polémique inutile. Le brassard pour moi, c’est tout simplement parce qu’on désigne quelqu’un pour passer une information, qui part parler pour une équipe devant l’arbitre ou les autorités administratives. Le brassard ne doit pas être là pour commander les autres joueurs. On a eu des grands joueurs qui ont eu ou refusé des brassards dans cette équipe. Si Sam a pris le brassard, qu’il montre que c’est lui le patron en ramenant les victoires comme les autres l’on fait. Il doit bien jouer et que lui-même emmène la discipline dans cette équipe.
Camfoot.com : Imaginez qu’on vous enlève votre numéro 9 fétiche pour le donner un autre. Est-ce que vous allez bien gérer cela ?
Roger Milla: Pourquoi ne devrais je pas ? Ce n’est qu’un numéro comme le brassard n’est qu’une étoffe de tissus qui vous donne le statut de porte parole. L’entraîneur avait ses raisons pour donner le brassard a Eto’o, pour un changement je ne sais pas de quoi. Mais, je vais vous préciser que ce n’est pas l’entraîneur qui donne le brassard a un joueur dans cette équipe nationale, mais le ministre si Paul l’a fait, ce qu’il avait l’aval du ministre. Rigo a porté ce brassard pendant dix ans, il a prouvé avec au moins deux CAN, que Samuel Eto’o prouve aussi. Pour le bonheur du Cameroun.
Camfoot.com : A l’époque on parlait du « 1984 », étiez-vous au courant ?
Roger Milla: Moi ce ne m’intéresse pas. C’est n’importe quoi. Les gens n’ont pas voulu être logiques et dire la vérité. Quand on a une situation qui va mal dans une équipe, il faut percer l’abcès. Les gens avaient peur de dire que c’est Samuel Eto’o qui mettait le désordre dans cette équipe ? Vous parlez du 1984, moi je ne voyais pas Njitap, Song ou Kameni prendre le dessus sur Samuel. C’était Samuel le problème, il faut dire la vérité pour qu’on fasse table rase dessus.
Camfoot.com : Mais qu’est ce qui a donc changé ?
Roger Milla: Il a fallu que je frappe du poing sur la table, pour qu’on change le staff qui était là, pour que les choses changent. Pourquoi vous les journalistes, vous ne pouvez pas dire cela ? Si on n’avait pas dégagé Otto Pfister, les gars allaient continuer à faire du désordre. Il faut être objectif.
Camfoot.com : Mais vous n’avez pas l’impression que cette déclaration peut déstabiliser l’équipe ?
Roger Milla: Il faut dire la verité, les camerounais veulent l’entendre. Pour l’équipe nationale, il ne faut pas s’amuser avec. Si tu as quelque chose pour faire avancer l’équipe, il faut le dire. C’est pour le bien de l’équipe nationale du Cameroun et non pour Roger Milla. Si on veut aller loin, on doit se dire les vérités en face.
Camfoot.com : Qu’est ce que vous répondez à ceux qui disent que vous les « vieux lions » vous gênez ?
Roger Milla: Les vieux, c’est qui ? Qui rodent même autour de ces Lions ? Et même tant que nous pouvons prodiguer à cette équipe pour la bonne marche de notre équipe nous serons toujours là. Ce n’est pas leur équipe. Ils n’ont aucun droit ou titre foncier dans cette équipe. Si les vieux lions n’avaient pas donné le prestige à cette équipe, ils ne seraient pas là où ils sont. Qu’ils ferment leur bouche et restent avec leurs milliards là bas. Notre équipe nationale, on ne badine pas avec. S’ils veulent, je le leur dirais en face. En plus, ils n’ont qu’à nommer ceux qui les empêchent de bien fonctionner. Si c’est moi, je m’en excuse, mais ils doivent se dire que si je suis là, ce que le ministre m’a sollicité. Je suis dans mon droit de me retrouver au vestiaire d’aller les féliciter et les prodiguer mes conseils. Celui qui n’est pas content qu’il reste dans son club.
Camfoot.com : On vous a vu couler des larmes, lors de la CAN 2008, après la défaite du premier match…
Roger Milla: Exactement. Pourquoi ceux qui disent que les vieux ne veulent pas les laisser prospérer sont venus me voir pour qu’on forme l’équipe après la défaite du premier match face à l’Egypte ?
Camfoot.com : Donc vous confirmez que ce sont les joueurs et vous qui avez sélectionné les joueurs à la dernière CAN ?
Roger Milla: Je l’affirme et le réaffirme. Oui, nous avons, les cadres et moi, sélectionné les joueurs qui devaient continuer la compétition et vous avez vu, nous sommes arrivés en finale.
Camfoot.com : Mais c’était quoi le rôle d’Otto Pfister ?
Roger Milla: Venez prendre dans ma bouche. Ou alors allez demander aux joueurs Song, Eto’o, Njitap. C’est trop facile de dire qu’on dérange. Mais moi je suis objectif et constructif, je veux que cette équipe aille loin. Elle a un nom à conserver.
Camfoot.com : Mais, c’est grave si c’est vous qui avez constitué cette équipe. A quoi servait donc la « commission Milla » si ce n’est critiqué votre propre travail ?
Roger Milla: Non pas du tout. Cette commission a été mise en place pour décortiquer quel match ? Juste le premier match et la finale. Les matches où nous avions sélectionnés les joueurs, n’avaient pas de déchets comme ceux coachés par Pfister.
Camfoot.com : Un message pour le football camerounais ?
Roger Milla: Que tout le monde travaille pour son succès. Les locaux doivent travailler pour espérer être sélectionné.
Camfoot.com : Mais travailler sur quelle infrastructure ?
Roger Milla: Nous on a travaillé avec quelle infrastructure ? Mais on a été en quart de finale de la coupe du Monde, on a gagné des CAN. On travaillait au stade militaire, sur des stades secs à Bamenda et autres stades. En plus, les infrastructures vont arriver. Voilà un Palais de sports qui est là, des stades vont arriver, le Chef de l’Etat l’a promis. Donnez-lui juste le temps pour le faire. Il faut lui faire confiance et moi j’ai confiance.
Entretien mené par Joseph Dzéné à Yaoundé
Les autres articles du dossier
– La situation du Cameroun : « Il suffisait de changer le staff »
– Inside the Lions… : « Rigo nous a rapporté deux CAN, qu’Eto’o en fasse autant »
– « 1984 », un mythe dépiécé
– « La danse du Lion ? Difficile à battre »
– L’équipe nationale junior : « Une génération sacrifiée, un gâchis pour le Cameroun »
– La Coupe du Monde : « Le Ghana a envoyé un signe fort »