La direction marketing sous Seidou Mbombo Njoya avait réussi un gros coup dans sa négociation avec le sponsor Guinness. Et de ce fait, la société brassicole a mis à sa disposition plusieurs millions de FCFA pour contribuer à payer les salaires des joueuses. Telle que nous le rapporte une source interne, elle espérait que ce soit une contribution pour rehausser ce que touchent les filles. Cette enveloppe globale de 150 millions de FCFA se révèle être la seule qui permet de rétribuer ces joueuses. Gérés auparavant par Guinness, la Fécafoot a rapatrié les montants et les gère dans son entièreté.
Lors de la première saison du partenariat, Guinness Cameroon approvisionnait directement les comptes des joueuses via le Mobile Money. Et tout semblait bien se passer. Plusieurs présidents, frustrés de voir que ce soit le sponsor qui gère directement le salaire de ‘leurs employées’, s’en sont plaint auprès de leur hiérarchie. Ils invoquaient le fait que ces paiements ne tiennent pas compte du nombre de matchs joués par les filles. Autrement dit, Guinness Cameroon a transformé des joueuses en fonctionnaires. Une joueuse, qui n’aurait figuré sur la feuille de match que durant quelques minutes, ou qui n’a pas du tout joué le reste du mois, est quand même payée.
Un autre point soulevé a été aussi la limitation du nombre de joueuses. Très souvent en cas de blessures, il faut opérer des remplacements dans l’équipe. Les joueuses qui entrent donc en cours de saison ne peuvent bénéficier de la grâce de Guinness.
Plus de 150 millions pour les salaires des joueuses
Conscient que la méthode de gestion n’est pas parfaite, avant le début de cette présente saison, Guinness Cameroon s’est tourné vers son partenaire, la Fécafoot. L’instance faîtière n’avait pas toujours vu d’un bon œil le fait qu’une compagnie extérieure vienne mettre le nez dans sa cuisine interne. Elle va se mettre du côté des clubs et va proposer un changement de règle. Pour permettre de la flexibilité dans la gestion, c’est elle qui va gérer le quotidien financier avec les clubs. En contrepartie, Guinness Cameroon va insister sur l’importance que chaque franc CFA soit investi à bon escient. Le sponsor veut garder la traçabilité du flux financier et demande de recevoir des justificatifs quasi instantanés des sorties d’argent.
La Fécafoot, noyée dans l’après campagne et la volonté exprimée de transparence, a vite fait d’acquiescer. Un peu plus de 150 millions de FCFA vont être sortis pour approvisionner les comptes de la Fécafoot au titre de contribution sur les salaires des joueuses. Pour arriver à ce montant, la Fecafoot et Guinness se sont entendus sur une prise en charge sur les dix mois que devrait durer le championnat, la Guinness Super League.
La prise en charge étant de 25 joueuses par équipe à hauteur de 50 000 FCFA par joueuse, sur 10 mois, c’est donc quelques 12 500 000 FCFA qui ont été prévus par équipe, par saison. Soit un total de 150 millions FCFA pour l’ensemble des douze clubs, sur une saison.
Près de 45 millions retenus par la Fédé (?)
Le calendrier qui a été mis en place finalement pour cette saison devrait s’étendre sur sept mois au lieu de dix. À Guinness Cameroon, la frustration sur le fait que l’on ait pas tenu ses promesses sur la longueur du calendrier est énorme. « En termes de visibilité sur le terrain, cela est clairement préjudiciable », indique une source interne que nous avons contactée.
Il se pose alors une question du reliquat des sommes déja versées puisque l’entente ne fonctionnera qu’au 2/3. La perte financière est aussi conséquente puisque ce sont quelques 45 millions FCFA qui ne retourneraient pas à Guinness, et n’iraient non plus aux joueuses qui seront inactives durant cinq mois. « C’est vraiment beaucoup d’argent. La Fécafoot a des comptes à nous rendre, et elle ne semble pas s’en émouvoir du tout », poursuit notre source..
On peut comprendre cette frustration. Guinness Cameroon n’arrive pas à retracer les sommes versées. Les justificatifs de sortie d’argent et les signatures des bénéficiaires ne remontent pas jusqu’au sponsor. « Et pourtant, la fédération s’est portée garante du nouveau système de fonctionnement. C’est uniquement sur leurs insistances sur la flexibilité de gestion que nous avons accepté la proposition ».
La frustration de Guinness et les joueuses
Du côté des joueuses, on est tout autant frustré, sinon plus. Les salaires ne tombent pas toujours ou il faut se battre pour obtenir quelques sous. Dans la plupart des cas, cela fait parti de l’arsenal d’intimidation, qui pour avoir des faveurs, qui pour avoir du temps de jeu. Ces déviances ont d’ailleurs été rapportées au sponsor Guinness. La société brassicole pousse la fédération à lui fournir les justificatifs que les clubs paient tel que prévu les joueuses. Elle ne peut se contenter, pour le moment, que d’attendre sans savoir pourquoi ça traîne.
Rappelons que la Fédération Camerounaise de Football avait promis de doubler le salaire des joueuses de la Guinness Super League. Ce salaire devait passer de FCFA 50 000 à FCFA 100 000. Elle a fait machine arrière, ne pouvant plus contribuer pour des raisons non expliquées. Guinness est donc la seule à financer l’entièreté du salaire de toutes les joueuses en première division féminine.
Ce montage financier a de quoi surprendre. Les patrons des clubs, employeurs de ces filles, ne leur versent aucun francs venant de leurs propres poches. Pour être terre à terre, vous créez votre compagnie, recrutez des employés. Ils travaillent pour vous, vous en recevez tous les honneurs, mais c’est quelqu’un d’autre qui vous donne de quoi payer les salaires. Et vous réussissez à « voler » une partie de cet argent. N’est-ce pas la belle vie ? C’est aussi ça le paradoxe camerounais.