L’histoire que je vais vous raconter aujourd’hui est celle de deux gamins, pas du tout programmés qui, en 1985 emmènent une modeste formation de deuxième division en finale de Coupe du Cameroun.
Le Cameroun tout entier découvre alors deux jeunes joueurs au talent illimité. Le premier est attaquant et le second milieu de terrain. Leur histoire avec les Lions Indomptables commence le 7 avril 1985 à Lusaka en Zambie. Ce jour là, le Cameroun rencontre les KK Eleven dans le cadre de l’avant dernier tour éliminatoire pour la Coupe du Monde 1986 au Mexique. Le 3 avril 1985, ce sont des Lions démotivés et à court de forme qui embarquent dans l’indifférence générale. A l’arrivée, ce sera le naufrage total: 4-1. Au sein de cette formation, deux gamins sortis tout droit de deuxième division jouent leur premier match, et ne savent pas ce soir là qu’ils vont écrire les plus belles pages du football camerounais et tutoyer le sommet en 1990.
Contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas Claude Leroy qui a découvert les frères Biyik. Mais pour mieux comprendre leur histoire, il faut remonter à 1984. L’équipe nationale junior est alors entrainée par l’allemand Karl-Heinz WEIGANG. Emile Mbouh et Kana Biyik sont déjà en sélection. Omam lui, aspirait simplement à rentrer à l’INJS pour sortir professeur d’éducation physique et sportive, surtout que le football professionnel n’était vraiment pas dans les plans de son père. Un jour, l’entraîneur WEIGANG demande à ses joueurs s’ils ne connaissaient pas un avant-centre capable de marquer des buts. A cette question, Kana Biyik répondit non. C’est alors que Mbouh et Boyokino qui connaissaient déjà Omam lui demandent s’il ne connait vraiment pas un avant-centre. C’est ainsi qu’ils disent à l’entraîneur qu’André a son petit frère qui est avant-centre et qui marque beaucoup de buts. L’entraîneur demande à le voir jouer. Trois jours plus tard, le test est concluant. A l’issue de ce rassemblement, l’entraîneur a dit: « ça y est, je tiens l’avant-centre que je cherchais ».
A la même époque, les deux frères, pour franchir un cap, sollicitent Dynamo de Douala, mais les dirigeants ne les jugeront pas assez bons pour être retenus. Et c’est la raison pour laquelle, un an plus tard, Kana Biyik prendra la direction de l’Union Sportive de Douala et son jeune frère, celle du Canon de Yaoundé.
Après l’élimination contre la Zambie, le grand ménage se fait finalement. Claude Leroy qui vient de remplacer Rade, pour préparer la Coupe Intercontinentale Afrique-Asie, fera appel à de nouveaux joueurs, presque tous juniors: Omam Biyik, Mbouh Emile, Kana Biyik, Victor Ndip Akem, Jean-Jacques Misse Misse, Oumarou Mamoudou, Boé André, Christian Ebwéa, Charles Ntamark, Voungaï… Emile Mbouh se rappelle comme si c’était hier : « Je n’avais que 19 ans. Je faisais à peine mes premiers pas avec les lionceaux. Avec Claude Leroy, juste arrivé au Cameroun, on est parti pour trois mois en Allemagne et au Brésil. Nous étions une bande de gamins, tous issus des rangs des juniors, mais Leroy croyait en notre avenir et il avait l’obligation de changer une équipe très vieillissante qu’il avait trouvée sur place. Kana, Ndip, Misse Misse, Oumarou, Boe, Ebwea… étaient là, alors qu’Omam était resté au pays pour passer ses derniers examens. Au Brésil, nous avons croisé Vasco, Fluminense, Flamengo, América, l’équipe Espoir. L’apprentissage a été dur, mais très enrichissant. Beaucoup d’images me sont restées : le Maracaña et surtout Zico… »
Les premiers résultats vont au delà des espérances. A Yaoundé, les Lions l’emportent par 4-1 contre l’Arabie Saoudite avec un but d’Omam. Qualifié d’office pour la CAN 86 en Egypte en tant que tenant du titre, le Cameroun a connu une veille de CAN tranquille dont la seule fausse note aura été la blessure de François Oman Biyik en Tunisie. Après les deux premiers matchs, le Cameroun à 3 points était presque certain de se qualifier pour les demi-finales. Mais pour garder la tête du groupe et éviter de croiser l’Egypte, il fallait battre l’Algérie. Mené depuis la 60e minute par un but de Madjer, le Cameroun va revenir et mener au score par deux exploits d’André Kana Biyik qui, en quelques matchs seulement est devenu la plaque tournante du système Leroy.
La finale de 1986 sera un remake du match joué deux ans plus tôt à Abidjan. Il y a tous les ingrédients pour en faire un match épique. Les camerounais par nature très forts psychologiquement et aguerris par la présence au sommet depuis 1981 ne cèderont jamais à la pression du public et à un arbitrage partisan, visiblement dépassé par l’enjeu. Au terme des 120 minutes, aucun but ne sera inscrit. Il fallut procéder par les tirs aux buts. L’Egypte l’emporta finalement, suite aux deux échecs de Mbida et Kana Biyik.
Claude KANA, Consultant