Dans sa série sur les «Souvenirs d’un mondialiste», Camfoot n’a pas fini de vous gratifier de ces reliques qui ont fait l’histoire du Cameroun dans les phases finales de coupe du monde. Et la plus retentissante des participations des Lions reste celle de 1990, où l’équipe avait franchi les quarts de finale de la compétition, sous l’égide d’un certain Valeri Kusmitch Nepomniachi.
Le sélectionneur soviétique, ancien patron du banc technique des Lions à cette compétition, est rentré dans l’histoire en tant que premier entraineur à conduire un pays africain aussi loin dans une compétition internationale. 24 ans après cette glorieuse épopée, l’actuel conseiller technique du CSKA Moscou revient en détails sur ces moments euphoriques, et notamment l’inédite victoire du Cameroun sur l’Argentine (1-0, but d’Omam Biyik) en ouverture. Il ne cesse également d’encenser ses poulains de l’époque qui étaient selon lui, des «faiseurs de miracles». Nepomniachi analyse aussi les chances de survie des Lions au rendez-vous brésilien dès vendredi prochain face au Mexique. Entretien exclusif.
Bonjour Coach et merci de nous recevoir chez-vous. A ce qu’il parait, vous revenez d’un déplacement ?
Bonjour et bienvenu. Oui nous pistons certains joueurs brésiliens et je repartirais au Brésil pour suivre certaines pistes que les scouts nous ont recommandées.
Vous y croiserez les Lions que vous avez conduits en Italie en 1990…
Ah finalement ils y sont allés ? J’ai été étonné en apprenant pour la grève, mais, c’est bien de jouer finalement. Le Cameroun est l’une des meilleures chances africaines.
Il y a pourtant d’autres nations africaines, non ?
Les Camerounais sont des joueurs différents, qui savent s’adapter et se métamorphoser.
Parlant du mondial 1990. Est que vous comptiez vraiment battre l’Argentine de Maradona cette année-là ?
Tactiquement, je préparais un plan, mais, le stage devait me permettre de trouver les joueurs capables de mener ce plan sur le terrain. En plus de cela, mon adjoint Manga (Onguené, aujourd’hui DTN, ndlr) s’était avéré précieux surtout pour ce match d’ouverture. Mais il fallait aussi a l’approche du match un déclic mental qui s’est déclenché quand le gardien titulaire (Joseph-Antoine Bell, ndlr) a été écarté par toute l’équipe pour certains propos sur une radio étrangère. L’échauffement des Lions ce jour-là seul, m’a convaincu qu’ils étaient des guerriers et que le match serait différent.
Quelle tactique avez-vous justement mise sur pied pour renverser le géant argentin ?
Il fallait contrer les attaques argentines menées par Maradona et lui coller quelqu’un de permanemment vigilent. Et c’est Mbouh Emile qui avait rempli cette tâche. Quand Diego s’est mis à permuter sur les côtes, les latéraux prenaient le relais. Dans le même temps, on se devrait d’attaquer rapidement. L’Argentine s’est mise à jouer lentement sans son meneur, et du coup, ils font entrer Caniggia pour changer cela. Mais, j’avais le meilleur stoppeur du monde… Benjamin Massing (rires).
Et après, il y a le but d’Omam…
Oui. Un très bon joueur de tête, comme je n’avais encore jamais vu. Bon contrôleur, Très élégant balle au pied. La communication avec son frère (André Kana-Biyik, ndlr) était un bien immense pour l’équipe. D’ailleurs la tête rageuse du but vient de la sortie de Kana (expulsé dans ce match par le central français, Michel Vautrot, ndlr)
Dans la suite de la compétition, Roger Milla marquera a plusieurs reprises, alors qu’il vous avait été imposé au stage…
Un peu. Un joueur recommandé sur papier vous met toujours mal à l’aise. Il nous a rejoint en Ex-Yougoslavie et vu son âge, je pensais a une farce. Mais, les adjoints ont dit que c’est une légende au Cameroun. Je l’ai découvert après aux entrainements. Il était très humble, bosseur, il savait jouer dos à la défense et avait un sens du but extraordinaire.
Les générations actuelles n’ont plus atteint le stade des quarts de finale, pourtant, elles ont des joueurs très talentueux. Qu’est-ce qui fait problème selon vous ?
La coupe du monde c’est un tout. Les joueurs camerounais étaient disciplinés, et avaient surtout fait de cette coupe du monde une affaire personnelle. C’est la meilleure chose qui puisse arriver à un coach et le meilleur ingrédient pour être champion du monde un jour.
Est ce qu’à votre avis un coach étranger peut offrir la coupe du monde à une nation ?
Les pays qui prennent les entraineurs étrangers le font en générale pour une principale raison, la sélection méritocratique des joueurs sans état d’âme. C’est le cas en Russie et au Cameroun aussi. Les étrangers rendent généralement les gens unanimes, au moins sur les listes des sélections. Ancelotti, italien, a fait gagner le la Ligue des Champions au Real Madrid, club espagnol. Donc, le problème est ailleurs, notamment dans la façon ou chaque joueur s’implique dans le projet de victoire de l’équipe. En Afrique il y a encore par exemple, le problème de la proximité dangereuse entre les politiciens et l’équipe.
Est-ce qu’à l’époque où vous étiez entraineur des Lions, les problèmes de primes se posaient aussi comme c’est le cas en ce moment ?
C’est un problème de génération. Maintenant, le foot est devenu un business ou chacun veut sa part. Le tout est de trouver la juste dose, notamment venant des joueurs qui ont un palmarès tout vierge en coupe du monde. Maintenant quand on veut vider les caisses à tout prix, il faut pouvoir aller loin pour la joie de la nation qui le mérite bien après tout ce temps.
Connaissez-vous Volker Finke, le sélectionneur du Cameroun?
Il a été un grand formateur de joueurs et d’entraineurs en Allemagne. Vous devez le remercier d’en être là.
Comment entrevoyez-vous le match des Lions contre le Mexique vendredi prochain?
Il faudra battre nécessairement le Mexique d’une façon ou d’une autre ; ensuite tenter un bon résultat contre la Croatie.
Pour jouer sans pression contre le Brésil ?
Oui. C’est un Brésil quasi éliminé qui peut bien se présenter pour jouer sa qualification contre le Cameroun. Si le Cameroun se retrouve aussi dans cette même situation, ce sera difficile. En 1990, on avait des faiseurs de miracle : Milla, Nkono, Omam… En 2014, c’est une autre génération. Il y en a-t-il dans l’équipe actuelle ? Difficile à dire maintenant.
Quelle appréciation faites-vous du match amical du Cameroun contre l’Allemagne (2-2) disputé le 1 er juin dernier ?
J’ai vu une bonne tenue tactique d’ensemble. Et de bonnes prises de risques. J’ai vu des joueurs qui n’ont pas peur d’aller provoquer notamment sur les cotés. Ça impose le respect de l’adversaire. Il faudra répéter ce genre de prestations.
Le mot de la Fin Valery Kusmitch?
Mon vœu est que le Cameroun aille plus loin qu’en 1990, et je serais camerounais chaque fois que les Lions joueront…bonne chance au Lions du Cameroun…
Entretien menée par B. Salas à Moscou (Russie)