Alors qu’on s’interrogeait encore sur le nom du buteur du 3ème but camerounais, la ville de Bafoussam, l’euphorie était déjà totale dans les bars et rues de Bafoussam. Un plongeon victorieux d’un attaquant camerounais, à la 88ème minute de jeu, et voilà, tout Bafoussam a pris possession du domicile des Webo. Ils sont venus de tous les coins de la ville, de Kamkop à Evêché, en passant par Nylon, Tougang, Ndiengdam, Djeleng… et se sont regroupés au lieu dit ‘Akwa’ où les frères et sœurs d’Achille Webo ont laissé couler à flots de la bière et de la joie. Ambiance des moments forts ce 4 septembre en nocturne dans les rues de Bafoussam…
Dans le brouhaha total qu’est devenu le domicile des Webo, sa sœur aînée Jeanne Boumi Kouabo tente d’expliquer, extasiée : « Trois buts quand même, ce n’est pas n’importe quoi ! Nous sommes très contents. Tout le Cameroun en général, la famille d’Achille Webo en particulier. Nous sommes dans les moments forts ! », s’emporte-t-elle, en versant la énième bouteille de Castel beer qu’elle tient entre les mains. Saoule. De joie surtout. Elle l’a balance dans tous les sens, laisser verser des gouttes en signe de sacrifice !
Elle était surtout émue des « trois » coups que le Lion Webo venait de tirer sur les Eléphants, au stade Houphouët-Boigny d’Abidjan ! « Quand on trouve que c’est notre frère qui porte la tête d’un pays, ça nous rend vraiment…on ne sait pas ! », s’emporte aussi Marie Noêlle Kouabo, sa cadette, qui tient à dire un mot, de remerciement, à l’endroit de tout le staff de l’équipe nationale du Cameroun. « Bien sûr, il n’a pas joué seul. Il n’a pas joué pour lui tout seul, mais pour toute la nation », précise-t-elle, avant de courir s’occuper de cette foule nombreuse qui a assiégé leur domicile, juste après le coup de sifflet final, sanctionnant la victoire des Lions indomptables sur les Eléphants de Côte d’Ivoire.
« Webooooo Webo ! »
En cette nuit tombée de dimanche, 4 septembre 2005, ils étaient près de 500. Jeunes et moins jeunes, ils sont partis depuis le quartier Kamkop, à la sortie de la ville vers Bamenda. Torses nus pour la plupart, bouteilles de bière en mains, pantalons repliés, quelques-uns arboraient le drapeau au couleur tricolore, ils couraient.. L’axe principal de Bafoussam est piétiné, avec des casses de bouteilles qu’on laisse derrière soi, la circulation bloquée donc. Quelques taxis et motos sont requis. Ils klaxonnent et vont dans tous les sens. Mais, la direction la plus prisée par cette troupe d’individus, joyeux, est indiquée dans leurs chansons : « Webo ! Webo ! ».
Quelques minutes après, ils sont chez les Webo, au lieu dit « Akwa », derrière la rue Wanko. Là-bas, l’intensité est forte. Tout d’abord : l’hymne national est chanté ! La main sur le cœur. Puis on explose de rire. Euphorique. « Webooo Webo ! Weboooooo Webo ! », chante-t-on, au rythme de ce coupé-décallé à la gloire d’Eto’o Fils. Sur le champ, les sœurs et frères de Webo s’activent, et servent à boire. De la bière coule à gogo. Et personne ne se retient. On chante. Bouge dans tous les sens.
Une ambiance festive qui n’était pourtant pas prévisible, quelques minutes après le début de la deuxième manche. C’est que, le but égalisateur de Didier Drogba, intervenu à la 1ère minute de la reprise avait tout le monde pratique KO. Surpris. « Je suis allé dehors me mettre à l’aise en venant qu’on a égalisé », s’étonne, visiblement abattu, un téléspectateur. Un silence de cimetière avait gagné les gargotes, bars, snacks et maisons de Bafoussam où le match était télévisé.
Les visages étaient renfrognés. « Si on nous gagne, ce sera triste hée », lance la tenancière de ‘Mballa 2 bar », sis à la 3ème rue Nylon. Personne n’y croyait plus, jusqu’à ce coup de tête d’Achille Webo, après le coup de patte de Gérémi Njitap, un autre fils du coin, et voisin d’Achille, qui avait redonné de la joie aux spectateurs.
Wébo, renard de surface
« Je suis impressionné par Achille webo, parce que, je n’imaginais pas qu’il avait mis trois buts », félicite alors Nadine, la fille du président de la ligue de football de l’Ouest, enveloppée dans la tenue aux couleurs du Cameroun au dossard 9 d’Eto’o fils. Pour son compagnon, qui tient un grand drapeau du Cameroun, « Je suis du même avis qu’elle. Nous restons les meilleurs en Afrique. Les Lions ne marchent pas avec les Eléphants », laisse-t-il attendre, entre une gorgée de bière, au lieu dit Sheraton.
La position du buteur sur le terrain a marqué les esprits. Ceux des footballeurs qui n’ont pas raté une occasion de ce derby. « Un Lion blessé est un lion blessé. Nous ne pouvons que remercier Achille Webo en personne », déclare Herman Dzumafo, l’avant-centre de Sable de Batié une couronne aux couleurs vert-rouge-jaune sur la tête. Il n’était pas seulement téléspectateur-supporter. « Je suis un attaquant. Moi, j’ai vu Achille. J’ai vu son placement et, j’ai compris que c’est une renard de surface», dit-il, avant de saluer le caractère opportuniste de l’avant-centre d’Osasuna, de la Liga.
Jusqu’à tard dans la nuit d’hier, tous les coins et carrefours de la ville de Bafoussam étaient encore surchauffés. Le délire immense. Les Lions indomptables ont donc battu les Eléphants de Didier Drogba, mais, il ne faut pas perdre de vue, qu’il reste un autre match, de la 10ème journée contre l’Égypte en octobre à Yaoundé. « Que tout le monde se mette en prière pour le dernier match à Yaoundé. Que nous prions vraiment, jusqu’à ce qu’on parte en coupe du monde » invite alors la sœur d’Achille Webo Kouabo, Marie Noëlle. Toujours folle de joie.