62e minute : Artur Jorge tourne le dos à la pelouse et, tête baissée, se gratte la moustache. Le geste n’est pas anodin. Il vient à la suite d’une mauvaise relance d’un joueur camerounais, qui a mis le ballon hors jeu, alors que Samuel Eto’o avait fait un appel de balle sur l’aile gauche et s’était lancé pour l’une de ses échappées solitaires.
Cette action illustre le malaise qui a gagné le camp camerounais pendant toute la deuxième mi-temps de la rencontre d’hier après-midi face au Soudan au stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé. Le match comptait pour la 6e journée des éliminatoires Can/Mondial 2006.
Pas de coordination dans les actions de jeu, passes approximatives entre coéquipiers, milieu de terrain inexistant… A la limite, on dirait un entraînement des Lions indomptables. Le manège va durer neuf minutes (2′-11′). Neuf minutes au cours desquelles la partie est « arrêtée ». Eto’o est esseulé à l’aile gauche. Inconstant dans son jeu, Job est très souvent mal positionné. Quant à Olembé, il perd en permanence le ballon. Et pour couronner le tout, personne pour relancer l’activité. Ce que le public n’apprécie pas. Et pour manifester son mécontentement, le « Shaba » jette des bouteilles et autres sachets sur la pelouse. Dans les virages, on se met a applaudir à chacune des touches de balle d’un joueur soudanais. Puisque dans ce jeu, ce sont les visiteurs qui sont entreprenants. Eux qui ont réussi à revenir au score à la 41e minute. Mettant en mal le gardien de but Idriss Carlos Kameni et la défense camerounaise, qui s’étaient jusque-là, tournés les pouces.
D’ailleurs, ce but va donner des velléités aux visiteurs, qui effectuent une incursion dans la défense des locaux. Rigobert Song Bahanag, le capitaine des Lions Indomptables, se met avec Armand Deumi, rentré en début de seconde période à la place de Lucien Mettomo, pour récupérer le ballon entre les pieds d’un attaquant soudanais à l’entrée du dernier triangle défensif. Les Lions souffrent. Ils souffrent de leur mauvaise organisation de jeu. De leur condition physique (la plupart affichent des signes d’essoufflement). De malchance : la frappe bien cadrée de Njitap à la 62è minute échoue sur le montant supérieur des buts du gardien Abubaker Sharif du Soudan. Ce dernier repousse un tir tendu des 15 mètres de Webo à la 73è minute. Et lorsque sa défense s’embourbe dans le tourbillon camerounais, Abubaker Sharif s’interpose et capte de mains fermes une tête piquée du valeureux Benoît Angbwa à la 82è minute. La supériorité numérique des Lions, après l’expulsion de Amir Damar Kuku à la 66′ (suite à deux fautes consécutives), est peu visible.
Les minutes s’égrènent. Les poulains du Portugais Artur Jorge donnent l’impression de ne plus y croire. Mais ils continuent de pousser « Nous avons eu de nombreuses opportunités que nous n’avons pas pu concrétiser. Néanmoins, sur le terrain, nous nous sommes dit que un match de football, c’est 90 minutes de jeu. Tant que l’arbitre n’a pas sifflé la fin, il faut continuer de presser. Ce que nous avons fait. Dieu merci, à la fin, nous avons marqué le but libérateur », exulte Geremi Sorel Nitap Fotso à la fin du match, en dépit d’un claquage du quadriceps gauche. On joue le temps additionnel (91è minute ) lorsque Joseph-Désiré Job reçoit un ballon côté gauche de l’attaque camerounaise. L’attaquant de Middlesbrough (Angleterre) lève la tête et fait une passe du plat du pied à Achille Webo. L’attaquant d’Osasuna (Liga/Espagne) glisse le ballon sous le ventre du gardien de buts soudanais. Libérant de ce fait tout un peuple qui n’y croyait plus du tout. Puisque de l’autre côté, à Abidjan, la Côte d’Ivoire se baladait devant le Benin.
Pourtant, tout semblait avoir bien commencé pour les Camerounais. Durant la première mi-temps, Eto’o et les autres vont développer un jeu alléchant à une touche de balle et avec de belles combinaisons… Les statistiques reflètent la domination territoriale des locaux : plus de dix occasions franches de but à intervalles de trois minutes, une douzaine de corners et presqu’autant en ce qui concerne les coups francs. Pourtant, les Camerounais mettront du temps à trouver la faille dans la défense soudanaise. Ce n’est qu’à la 34è minute que les Lions ouvrent le score : suite à un tacle par derrière sur Eto’o, l’arbitre central sénégalais ordonne un coup franc, exécuté magistralement par Njitap. Le joueur de Chelsea lève le ballon et bat Abubaker Sharif du Soudan.
Bizarrement, après ce but, les Camerounais vont rentrer dans leur camp. C’est logiquement que les Soudanais reviennent au score à la 41è minute, suite à non seulement une erreur de positionnement de la défense camerounaise mais surtout, à un attentisme de Mettomo et Song, qui vont regarder évoluer les attaquants soudanais jusqu’à l’entrée de leur surface de réparation. La sortie de « Lulu » à la reprise ne surprendra presque pas. Par contre, celle de Douala a beaucoup fait jaser. Heureusement qu’à la fin, les Lions n’ont pas été domptés. Mais au bout, quelle épreuve de nerfs !
Bertille M. Bikoun, Mutations