Il faut remonter des années en arrière pour voir tant de monde au stade Ahmadou Ahidjo à Yaoundé. Combien étaient-il hier ? Difficile à dire, en attendant les chiffres officiels des responsables du stade. Toujours est-il qu’on était pas loin de la capacité d’accueil réelle de cette infrastructure : 52 mille places assises. Ceux qui avaient fait le déplacement du stade Ahmadou Ahidjo étaient tous, ou presque, acquis à la cause des Lions indomptables qui affrontaient l’équipe nationale libyenne dans le cadre de la 8ème journée des éliminatoires couplées Coupe d’Afrique des Nations (Can)/Mondial 2006.
La présence remarquée de quelques 300 supporters libyens bruyants habillés de tee-shirts blancs avec des inscriptions en arabe a été diluée par la ferveur des supporters camerounais, très enjoués. Un public hétérogène, constitué de nombreux Européens, vêtus de maillots vert ou blanc démembrés des Lions indomptables. Certains sont allés jusqu’à rivaliser avec Ngando Picket en se tatouant le visage… des griffes du Lion. Tandis que d’autres arborent une gadget vert-rouge-jaune : écharpes, bonnets, caquettes… vendus occasionnellement sur l’esplanade du stade. Françoise Mbango Etone est là. En plus de son démembré rouge, elle a ceint à sa taille un fanion.
Une heure avant le match, plus moyen de trouver une place assise à la tribune présidentielle, ainsi que dans les sous-tribunes A et B. Même les sièges cassés, habituellement évités par les supporters, sont occupés. Face à cette pénurie de sièges, des hôtesses des Brasseries du Cameroun chargées de distribuer la bière à pression aux supporters monnaient leur place : 5000 pour l’une d’entre-elle qui cèdera sa place à un Camerounais. Une affaire en or qu’elle tentera de remettre. Cette fois, elle essuiera un échec face au refus d’un Européen à qui elle voulait céder le siège contre 10 000 F Cfa, soit deux fois le ticket d’accès à cette tribune.
Sur les visages et dans les conversations, pas l’ombre d’une inquiétude sur l’issue de la rencontre. Les uns et les autres voudraient plutôt savoir combien de buts Song et ses coéquipiers inscriront. D’ailleurs, il tarde au public de voir ses idoles. C’est une clameur générale qui accueille la sortie du tunnel des vestiaires des gardiens de buts de Souleymanou et Kameni. L’arrivée de Juan Laporta, le président du FC Barcelone, est fortement saluée. Tandis que celle des Lions en activité (Modeste M’bami, Alexandre Song, Hervé Tum…) ou écartés (Alioum Boukar…) suscite tout au plus la curiosité. C’est la « holà » qui est réservée au reste des joueurs de la sélection nationale. Avec, de temps à autre, un clin d’oeil à Eto’o. Mais le chouchou du public aura été Pierre Womé Nlend, dont les centres, les transversales et les frappes tout au long de la rencontre arracheront des salves d’applaudissement.
La fusion du public avec son équipe est totale. «Allez les petits», lance un supporter dans les gradins, lorsque Njitap effectue une remontée dans le camp libyen. «Donne ici…», crie un autre en direction d’Olembe, qui traîne avec le ballon dans le rond central, alors que ses coéquipiers font des appels de balles dans le camp adverse. Ce sera ainsi tout au long de la rencontre. La déception de ne pas avoir eu droit à un plus grand nombre de buts cédera très tôt le pas au réalisme: «Mieux vaut une victoire qu’une défaite ou un match nul», déclare un spectateur. Surtout que à Abidjan, la Côte d’Ivoire mène sur l’Egypte 1-0. Et que, plus tard, Didier Drogba aggravera le score…
Bertille M. Bikoun, Mutations