Sa carrière de footballeur devient plus sérieuse quand René Jacques Mbakop, alors président de Panthère de Bangangté, met le paquet et lui fait la proposition de venir jouer dans son équipe. Et c’est à la troisième tentative que Charles accepte finalement l’offre.
Nous sommes le 3 octobre 1965. Il fallait le faire, puisque, l’année suivante, Nzui Mantho accède en D1. Un mariage réussi, qui dure une dizaine d’années, jusqu’à ce jour où le chef supérieur des Bafoussam le sollicite, par tous les moyens. Il est un employé de l’État âgé de 29 ans, mais qui traîne la notoriété d’être un footballeur talentueux.
Le chef supérieur Bafoussam obtient l’affectation de Charles Ngom Passam sur Bafoussam, où il évolue dans son équipe, Étoile polaire de Tamdja, l’équipe du chef. Il lui donne alors son terrain en 1975. Après deux ans, il prête ses services à Espoir de Bangou. Puis… plus de clubs. « J’avais déjà une assez grande famille », explique-t-il…
Infirmier diplômé d’Etat retraité, il se la coule douce, depuis dans sa résidence au quartier Bamendzi, non loin du stade municipal de Bafoussam, où il s’y est finalement établi. Et où il nus a reçu pour évoquer sa « petite » réputation de footballeur. Une réputation qu’il a forgée à Amicale de Manjo (1961) puis à Aigle de Nkongsamba. Et, actualité oblige, Charles Ngom Passam prodigue des conseils aux lions indomptables, et à son fils Daniel Ngom Kome qui affronte le Pharaon d’Égypte, ce samedi 8 octobre au stade omnisports Ahmadou Ahidjo…Lisez plutôt…
Camfoot.com: Quel regard jetez-vous sur Cameroun – Égypte de samedi ?
Charles Ngom Passam: C’est une rencontre que je qualifie d’extrêmement difficile. Parce que, la victoire contre la Côte d’Ivoire risque de nous faire dormir sur nos lauriers. C’est ce que j’évite et je le fais comprendre aux enfants : qu’il faut absolument ne pas négliger ce match parce qu’il risque d’être le match le plus difficile. Pour un sursaut d’orgueil, les Égyptiens voudront bien qu’on dise que c’est eux qui ont barré la route au Cameroun pour la coupe du monde, Allemagne 2006.
Camfoot.com: C’est ce que vous avez souvent dit à votre fils Daniel ?
Charles Ngom Passam: Absolument ! Dès qu’il est arrivé à l’aéroport, il m’a fait signe. Je lui ai dit : « ben voilà, comme je te l’ai souvent dit. Quand tu descends sur un terrain de football, dis-toi que tu es le meilleur. Comme ça, celui qui est en face, tu domines déjà sur lui. Ce qui te permet de faire ce que tu veux faire en toute sécurité, parce que, déjà, tu as un moral de fer. Ainsi, étant compétitif, ce ne sera pas une victoire pour la victoire, mais une victoire dans la compétitivité.
Camfoot.com: C’est ce que vous lui avez souvent dit depuis qu’il a commencé à jouer au football ?
Charles Ngom Passam: Oui. Je pense que c’est ça même qui est beaucoup plus à l’origine de ses succès, depuis qu’il a commencé à taper dans le ballon.
Camfoot.com: C’était une décision personnelle pour lui de devenir footballeur ? Comment vous l’avez vu évoluer ?
Charles Ngom Passam: Je sais que c’est un enfant qui a un don. Parce que, il sortait de la maison à 6 heures du matin pour rentrer à 6 heures. C’est comme ça que je lui administrais des fessées. Il me disait toujours qu’il n’allait pas recommencer, mais, le jour suivant, il repartait. Et alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Un jour, je suis allé à Yaoundé, j’ai rencontré mon ami Pettcha Laurent, l’arbitre international que tout le monde devrait connaître. Pettcha m’a dit : « Non. Écoute : On ne sait jamais par où vient la chance ou le bonheur d’un enfant. Si tu rentres, au lieu de passer ton temps à taper dessus, essaie de le mettre par terre et de faire de lui ton ami : de lui demander entre le football et l’école, qu’est-ce qu’il choisissait ? ». C’est ce je fais. Il m’a dit qu’il avait opté pour le football. J’ai immédiatement compris, et ce que j’ai fait : je suis allé le bénir, en lui disant : « Vraiment, je te donne toute bénédiction. Ne rentre pas dans cette maison en me disant que je n’ai pas réussi à mon choix. Si tu veux jouer, joue sans tricher, parce que tout ce qu’on fait avec tricherie, ça ne paie pas ». Il m’a dit : « papa j’ai compris. Je te promets ».
Bon aujourd’hui, je ne sais pas ce que je peux lui demander. Parce que, je sais il y a des grands joueurs qui n’ont jamais atteint ce niveau : aller en coupe du monde. il en fait plus d’une : il a fait la coupe du monde junior, il a fait la senior. Et, cette fois-ci, si ça arrivait à passer, ce sera pour une deuxième fois. On connaît des grands joueurs qui ne sont pas arrivés là. Je pense que c’était vraiment sa destinée.
Camfoot.com: Vous administriez des fessées à votre fils qui veut devenir footballeur alors qu’on vous connaissait dans la ville comme un célèbre footballeur. C’était de l’égoïsme ou du paternalisme ?
Charles Ngom Passam: Non. Ce n’était pas de l’égoïsme. Je voulais bien qu’il puisse joindre l’utile à l’agréable. Parce que, footballeur de votre état, lorsqu’on vous tend un micro, il faut que vous soyez capable de parler comme un homme qui a été à l’école. Et puis, même quand on fait le football avec quelque chose dans la tête, je pense qu’on le fait plus bien. Parce que, celui qui n’a pas été l’école, son football est différent. Il se comporte comme une bête dans un enclos, à qui quand on demande de courir, elle court jusqu’à l’approche d’un cours d’eau, elle y fonce sans savoir qu’en tombant dans ce cours d’eau, c’est pour perdre sa vie. Moi, je voulais qu’il ait au moins un niveau assez appréciable qu’il devait adjoindre au sport.
Camfoot.com: Devant la télé, êtes-vous différent quand vous regardez un match des Lions indomptables avec Daniel sur le terrain ou sur le banc de touche ?
Charles Ngom Passam: Oui. Cela va de soi. Quand il est là, il y a même que je sois en train de ne pas apprécier certaines contre-performances, parce que, je me dis, « voilà, il devait plutôt faire ça que de faire ce qu’il a fait là ». Donc j’ai un regard un peu différent quand il est au stade. Mais, cela ne veut pas dire que je ne partage pas la victoire parce qu’il n’a pas joué ! Non.
Camfoot.com: Vous est-il souvent arrivé de dire que si Ngom Kome avait été là, telle chose aurait été ceci ou cela ? Le score aurait été différent ?
Charles Ngom Passam: Cela se dit beaucoup plus dans mon entourage. C’est beaucoup de gens qui veulent savoir si le résultat du match aurait changé s’il avait été là. En tout cas, ils voient ce que je ne vois pas. On me l’a toujours dit : que quand il entre, le match change de phase; il apporte un plus. Bon, moi je m’accroche à ce que disent les autres. Je ne suis pas si passionné que ça ! Il sait, et je le lui ai toujours dit… heureusement, c’est un gars qui a un moral de fer. Même s’il n’est pas sur la liste, il partage l’avis de l’entraîneur. Il se dit que s’il n’a pas été là, il lui a manqué quelque chose. Mais, ce que je sais, et je le lui ai souvent dit : fais ton travail et fais-le sérieusement, parce que, un jour, tu seras incontournable. Tu seras aussi de ceux qui sont dans la chambre de décision, comme le sont ceux que tu as trouvés en place ».
Camfoot.com: Sur un terrain de football, Daniel vous ressemble en quoi ?
Charles Ngom Passam: Je sais que, aujourd’hui, le football est beaucoup plus scientifique. Parce que, à notre temps, il fallait être vraiment quelqu’un de physique pour supporter un match. C’est ce que nos entraîneurs nous faisaient croire : qu’un bon joueur est quelqu’un de physique. Parce que, c’est au vu de cet état d’esprit que le joueur était bon. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, où on n’a pas besoin d’être très fort, il faut être plus technique, intelligent. Là où il me ressemble….
moi, j’ai une petite taille, mais alors, quand je jouais au football…(Rires). Mbappe Leppe a même eu à me faire des menaces, parce que, lorsque la balle était en l’air, il me retrouvait à son épaule. Ça fait que c’est un peu ce que Daniel a pris de moi, parce que, c’est quelqu’un qui a des bonds qui étonnent un peu les gens. J’ai presque joué tous les postes, j’ai commencé comme attaquant pour terminer défenseur. Parce que, comme je dis, à notre temps, c’est le physique qui comptait. Dans Panthère, on a constaté que l’équipe vacillait un peu. On était menacé de relégation. On a fait rentrer ce qui était plus puissant, et c’est là que je suis rentré au poste de défenseur. Je me rappelle que dans Cotonsport, on avait surnommé Daniel « La détente », parce qu’il avait des détentes. Il sautait vraiment, et c’est un peu ce qu’il a copié en moi.
Camfoot.com: Finalement, la famille Ngom est une famille de footballeurs. On connaît Daniel Ngom Komè, Bernard Ngom Some qui est à Angers, Théodore Ngom Totto. C’est vous qui leur avez inculqué le virus ?
Charles Ngom Passam: Moi, je pense que c’est la cellule nucléaire comme on dit. Le jour que j’ai découvert que Daniel faisait vraiment du football, c’était lors du tournoi Coupe Top (compétition de jeunes organisée par la Sabc, ndlr), voilà même son premier trophée [il pointe du doigt au dessus d’une armoire]. Mes amis ont même failli me punir ici… parce que, le jour où il remporte la finale, c’était avec Njitap (Gérémi Sorel) dans la même équipe. Le jour de la finale, mes amis du quartier sont venus me voir ici pour me dire : « voilà tu as un génie ici à la maison, tu ne veux pas le prendre en considération ».
Moi, je le trouvais trop petit. Mais, je suis allé au stade parce que mes amis m’avaient dit, parce que j’avais une réunion ici : « si tu ne viens pas au stade, nous, on va te punir. Tu vas mettre un casier de bière». Comme j’étais en train de faire les achats, je finis et je vais au stade. Aussitôt au stade, je vois un petit qui fait un dribble, le gaillard se renverse. Et je m’interroge que c’est qui ? Mes voisins m’ont taxé d’ironiser, de ne pas savoir qui est en train de poser la question de savoir quel est le petit qui fait le formidable dribble là hein ! Regarde bien, nettoie bien tes yeux ». C’est où j’ai regardé et vu que c’était Daniel. Et à la fin du match, il a été élu meilleur joueur du tournoi. Moi, je n’en croyais pas mes yeux. C’est à partir de là que j’ai commencé à lui apporter ma quote-part, mon soutien, en lui prodiguant des conseils.
Les gens de Cotonsport sont venus me voir à mon bureau, à la chefferie, qu’il voulait l’amener. Il avait à peine 14 ans. J’ai eu des gens ici, les membres de Racing, de Canon, etc : Il me disait, « non, l’enfant est trop petit, il ne faut pas l’envoyer au Nord ! ». Je leur ai dit : « Ecoutez, quand un animal met bas, dès qu’il a sevré le petit, un jour il disparaît et vous vous retrouvez là… ». Si le petit a la chance de progresser, il y va ; s’il est par un piège ou par un chasseur tant pis ; s’il peut aller grandir et devenir adulte, tant mieux. J’ai laissé partir l’enfant à Garoua, et nous sommes devant les résultats que vous connaissez tous aujourd’hui.
Camfoot.com: Et les Ngom Some, Ngom Totto ont suivi…
Charles Ngom Passam: Ils ont suivi. Mais, je leur ai toujours dit : « faites-moi plaisir d’aller un peu jusqu’à un niveau à l’école. Parce que, quoi qu’il en soit, la réussite que votre frère aîné a, nous ne sommes pas convaincus que ce sera la même pour vous. Donc il faut se battre sur plusieurs plans ». Donc, je pense que s’ils ont tenu, c’est parce qu’ils croient qu’ils peuvent aussi réussir par cette même voie. Tout ce que je peux leur souhaiter, c’est bonne chance ; que chacun réussisse. Pour moi, l’essentiel ce n’est pas de savoir pourquoi on gagne sa vie par ceci ou que par l’autre côté. L’essentiel étant que chacun puisse gagner sa vie et qu’ils deviennent comme leur papa.
Camfoot.com: Et si on vous demandait de jouer au coach et placer les Lions indomptables pour ce match Cameroun – Egypte ?
Charles Ngom Passam: Je crois que l’attaque sera conservée. Avec l’absence de Gérémi, j’ai l’impression que Mbami pourra rentrer, pour essayer de réguler. En défense, j’estime qu’elle sera la même. Cela dit, je suis donc en train de voir qu’il n’y aura ce petit changement. L’entraîneur va pouvoir reconduire la même équipe qu’en Côte d’Ivoire, sauf cas contraire. Mais, Daniel pourrait venir parce que, c’est vraiment un match des techniciens. Je pense que Daniel (Ngom Ngome) pourra entrer cette fois-ci, en deuxième mi-temps, pour essayer d’apporter ce qui va manquer.
Propos recueillis à Bafoussam par Kisito NGALAMOU