L’irréparable est arrivé. Samedi le 8 octobre 2005 restera à jamais gravé comme une tache sombre dans la mémoire camerounaise. Sans que l’on s’explique jamais pourquoi, les Lions indomptables ont laissé passer, à domicile, la qualification pour la Coupe du monde 2006. Devant leur public venu en masse, les quadruples champions d’Afrique ont plongé la cuvette de Nfandena et le Cameroun tout entier dans la détresse et la désolation.
On le sait. Il y a trois issues à un match de football : la victoire, la défaite et le match nul. Hier, pour se qualifier, les Lions indomptables étaient pourtant interdits de défaite et de match nul au cas où les Eléphants de Côte d’Ivoire l’emportaient à Omdurman. Il fallait donc jouer ce match comme si les Ivoiriens avaient déjà gagné le leur. Les poulains d’Artur Jorge ne l’ont manifestement pas compris.
Tout commence pourtant bien à la 21ème minute, lorsque, suite à une belle accélération au couloir gauche, Olembe crochette de l’intérieur, lève la tête et aperçoit Douala Mbella oublié seul devant le second poteau. Une reprise de volée, un léger rebond, et le gardien égyptien, Essam el Hadari est battu imparablement par le sociétaire du Sporting de Lisbonne. Le Shaba vibre. On est alors loin d’imaginer que ce serait le seul but camerounais.
Nul ne penserait qu’un seul but mettrait les Lions indomptables à l’abri d’une égalisation synonyme d’élimination. C’est pour cela que le stade tout entier attend la suite avec impatience. Et pourtant, pendant que les Eléphants cartonnent à Omdurman, les Lions indomptables rament à contre-courant à Yaoundé. Pendant 70 minutes, Achille Webo, le bourreau du Felicia, Samuel Eto’o et Olembe tentent, vainement, de plier ce match fatidique. A 11 minutes de la fin, Raymond Kalla manque de concentration sur un long centre anodin. Il oublie Shawki dans son dos. Pire encore, il s’arrête carrément de jouer pour crier au hors jeu. Une tête plongeante et c’est l’égalisation tant redoutée.
Pendant les arrêts de jeu, alors même que les Lions ont tout jeté dans la bataille, l’arbitre malien accorde au Cameroun un pénalty somme toute généreux mais sur une faute réelle à la 94ème minute. Dès que l’arbitre a montré le point de pénalty, Webo a pris la balle. Il s’est dirigé vers son capitaine. Et Wome Nlend est venu lui prendre la balle des mains. Pourquoi ? Pourquoi ?
Dans ces conditions il n’avait pas le droit de le louper comme il l’a fait, ce pénalty. Que dire ? La poisse. Le ballon heurte l’extérieur du poteau et sort sur la ligne de but. Il ne faut pas le crucifier. Del Pierro, Platini, Zico, De Boer en ont aussi raté lors de rencontres tout aussi importantes .
Pourquoi Samuel Eto’o, le plus grand avant-centre du monde, le plus grand buteur de la Liga, n’a-t-il pas pris ses responsabilités et tiré ce pénalty ? Il a ainsi manqué l’occasion d’être un héros national. Il a sans doute pensé aux deux pénalties manqués depuis le début de la saison et a eu peur de faillir. Et tous les autres qu’il a souvent réussis ?
N’ayons peur des mots. Le Cameroun a dansé plus vite que la musique. Le tohu-bohu organisé au pays était irresponsable. Je l’ai dénoncé sur ce site. Sachant que les Ivoiriens en avaient été victimes, nul n’avait le droit de promouvoir toute cette distraction organisée. Ni la mascarade commerciale des vœux de succès aux Lions indomptables relayée par la CRTV, ni la fanfaronnade des tricots verts, n’auraient jamais dû être encouragées. Ce ne sont pas des habitudes camerounaises. Ce vert sombre en lieu et place de nos couleurs chatoyantes n’a fait qu’alourdir le climat dans les travées. C’était laid à voir.
Il y a des enseignements à tirer de cette débâcle. Premièrement, le Cameroun ne peut pas continuer à attendre que le lapin sorte du chapeau à chaque fois. Il faut investir dans le football pour en récolter les fruits. L’Etat camerounais vit depuis vingt ans du travail de mécènes privés qui, tel Kadji, ont investi dans la formation des jeunes. Il est temps que l’Etat prenne leur relai et qu’il crée des structures d’encadrement qui permettront aux jeunes de s’épanouir.
Deuxièmement, la Fécafoot et l’Etat camerounais doivent doter les Lions indomptables d’un stade de référence. Ce doit être la priorité. Le champ de manioc où s’est déroulé le match de samedi est une eschare purulente à la face du monde et une honte pour la nation toute entière. Ils doivent sérieusement et rapidement penser à l’organisation de la CAN2010, dont le Cameroun ferait un très bon candidat. Une occasion idoine pour réunir toutes les compétences de ce pays derrière un bon projet économiquement vendable, et surtout de corriger les horreurs de l’histoire en matière d’infrastructures tout court.
Que faire d’Artur Jorge ? Il a fait beaucoup avec la dynastie qu’il a trouvée en place. Ce n’est pas lui qui a loupé le penalty. Il a remis sur pied une équipe condamnée et a gagné 4 matchs sur 5 et fait match nul sur le cinquième. Il a rempli son contrat. Il doit donc être maintenu à la tête de cette sélection mais il doit vite y intégrer de jeunes joueurs. C’est la jeunesse des Pharaons qui a coupé les jambes aux Lions indomptables samedi après-midi. Les jeunes égyptiens ont dominé le milieu de terrain. Ils slalomaient dans l’axe et le long des couloirs. Il a fallu toute l’expérience de Song Bahanag pour limiter les dégâts. Le technicien lusitanien doit aussi aligner un vrai gardien de buts. Qu’il n’aime pas Kameni, c’est son problème mais de grâce, qu’il propose quelqu’un de meilleur. Franchement, cette égalisation n’était pas inéluctable. Plusieurs fois, j’ai vu Bell, Nkono, Van der Saar, Petr Cech et tutti quanti réussir des arrêts plus difficiles !
Le plus dur avait été accompli à Abidjan. Comme le disait l’homme de la rue à Yaoundé hier soir : « Nous avons attrapé notre poisson et nous l’avons remis dans l’eau ». C’est absurde !
[Sanga Titi->
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