Samedi dernier, de 5h à midi, il est tombé des cordes à Cotonou, la capitale du Bénin où se jouait le si important match Bénin-Cameroun comptant pour les qualifications à la prochaine Coupe du monde de football « Allemagne 2006 ».
Pourtant, à 15h, quand les deux équipes sont venues s’échauffer sur la pelouse du stade de l’Amitié, celle-ci était d’un confort insolent. Tendre et bien tondue, elle donnait l’impression de n’avoir pas été abondamment arrosée quelques trois heures seulement plus tôt par une redoutable averse. C’est que, à l’image de plusieurs pays d’Afrique désormais, le Bénin s’est doté d’une infrastructure sportive à la modernité minimale. On est loin des scènes cocasses du stade de la Réunification à Douala, où des manoeuvres s’échinent souvent, munis des seaux et des cuvettes, pour évacuer les eaux de pluie. On se souvient même qu’un match de coupe d’Afrique interclubs y a été reporté et re-programmé trois fois l’année dernière, parce que la pelouse ne parvenait pas à se vider de ses eaux, trois jours durant!
Comparaison n’est pas raison, mais de quelles immenses richesses disposent donc des Etats comme le Bénin, le Mali, le Burkina Faso, ou encore la Gambie qui vient d’accueillir la Coupe d’Afrique des nations cadets, pour s’offrir de petits stades de football fonctionnels, de 20.000 à 30.000 places? La principale fortune de ces pays est sans doute la volonté politique de leurs dirigeants, soucieux de doter la jeunesse des infrastructures dignes de la pratique du sport de haut niveau. Il n’y a pas d’autre explication à cette situation, d’autant que la coopération chinoise, qui aide notamment ces pays à réaliser leurs projets à moindre coût, n’a jamais refusé d’en faire autant au Cameroun, à notre connaissance.
Mais ici, on préfère mettre en mission, à grands frais, des dizaines de fonctionnaires aux attributions floues, dans les délégations accompagnant l’équipe nationale de football dans ses nombreux déplacements, pour aller simplement admirer les réalisations des autres. Voici un pays qui force le respect et ne suscite qu’admiration et envie à l’étranger pour les résultats élogieux de son football: quatre fois champion d’Afrique, médaillé d’or olympique, record de participations à la phase finale de la Coupe du monde pour une équipe africaine…
Mais qui, depuis la construction des stades de Douala et de Yaoundé en 1972, lesquels sont devenus de véritables pièces de musée aujourd’hui et non plus des terrains propres à la pratique du football, n’a plus jamais rien construit -si l’on excepte le stade de Garoua- ne serait-ce que pour honorer le rang qu’il occupe dans le football mondial. Nous étions encore abasourdis l’autre jour, en regardant les images d’une télévision privée locale, qui rappellent opportunément le scandale du stade omnisports abandonné de Bafoussam: le gros œuvre de béton (mur d’enceinte et gradins) est achevé, la piste d’athlétisme est construite et même les poteaux de buts sont plantés depuis deux décennies. Ce stade n’est pourtant pas fonctionnel, alors que les quatre clubs de 1ère division domiciliés à Bafoussam évoluent dans une cour de recréation maladroitement baptisée stade municipal!
Sur le terrain sportif, après une longue période de doute, les Lions indomptables se sont remis à gagner, ne rendant plus tout à fait impossible une nouvelle qualification à la Coupe du monde. De quoi meubler des paragraphes entiers des discours de la plus haute autorité du pays, qui n’a de cesse de citer en exemple l’équipe nationale de football. De quoi allonger l’espérance de vie des feuilles de mission à l’étranger de la forte colonie des fonctionnaires et autres accompagnateurs qui savent bénéficier de la générosité de l’Etat en pareilles circonstances.
Attendrons-nous alors une sixième participation à la Coupe du monde de football, l’année prochaine, pour offrir enfin à nos chers Lions indomptables si adulés un terrain de football digne de leurs exploits?
Par Emmanuel G. Samnick