Consultant pour Eurosport, José Mourinho livre son regard sur la Coupe d’Afrique des Nations 2008 et analyse les premiers quarts de finale disputés aujourd’hui. L’ancien manager de Chelsea juge le Ghana et la Côte d’Ivoire un ton au-dessus de leurs adversaires du jour, le Nigéria et la Guinée.
JOSE MOURINHO, quel bilan tirez-vous de la première phase de la CAN ?
J.M. : Déjà, je crois qu’on peut dire que les équipes africaines ne sont plus compétitives seulement pour la CAN, mais aussi pour la Coupe du monde. Notamment la Côte d’Ivoire, le Ghana, et même d’autres… Si on regarde l’équipe ivoirienne, il y a entre huit et dix joueurs qui évoluent dans les meilleurs clubs européens. Les frères Touré à Arsenal, Drogba et Kalou à Chelsea, Zokora à Tottenham, Boka à Stuttgart… Même chose pour le Ghana avec Essien qui joue à Chelsea, Muntari à Portsmouth et quelques joueurs en Bundesliga. Alors, quand ils se retrouvent dans la même équipe, ils ont déjà une bonne base de travail, avec un bon coach et une bonne mentalité. En plus, malgré leur statut, ils reviennent toujours en sélection avec beaucoup de fierté. Samuel Eto’o, Didier Drogba, Michael Essien, ce sont des joueurs qui manquent une partie de la saison avec leur club, mais ils viennent avec la volonté de pousser leurs sélections respectives vers le haut. Je trouve ça fantastique. Et je pense qu’ils ressentent cette responsabilité d’apporter vraiment quelque chose de plus à leurs sélections.
Qu’appréciez-vous en particulier dans le football africain ?
J.M. : Vous savez, j’aime beaucoup le talent et le caractère. Je pense que ce sont des talents purs, ceux que l’on doit travailler et garder sous contrôle. C’est comme un diamant. Il faut toujours le travailler. Leur caractère est assez spécial aussi. On tombe facilement sous le charme. J’ai connu beaucoup de joueurs africains, que ce soit à Porto ou à Chelsea, et les connections se sont vraiment faites facilement. Je ressens vraiment une relation très forte avec eux. J’essayais de ne pas en avoir trop dans mon équipe, parce que c’est assez compliqué de devoir se séparer de quatre à cinq joueurs pendant la CAN. Mais ils ont vraiment beaucoup de qualités. Je ne sais pas quelle sera ma prochaine équipe, mais je crois qu’elle comptera au moins deux joueurs africains.
Avez-vous été impressionné par le Ghana ?
J.M. : Oui, le Ghana m’impressionne. La Côte d’Ivoire aussi. Le Cameroun et le Nigéria sont un peu en-dessous. Au Cameroun, je pense que Samuel Eto’o a besoin d’être plus entouré. En Côte d’Ivoire, il y a beaucoup de talents autour de Drogba. Même chose au Ghana. On voit Essien et Muntari au milieu, mais il y a beaucoup de talent autour. Au Cameroun, il y a Eto’o, l’un des meilleurs joueurs du monde, Geremi, qui a beaucoup d’expérience, mais il a déjà 32-33 ans. Song est également un bon joueur mais, encore une fois, il a 34-35 ans. Les talents sont plus jeunes au Ghana et en Côte d’Ivoire. Je crois que ce sont les deux meilleures équipes.
Pensez-vous que le Ghana peut-être la troisième équipe d’affilée à gagner à domicile ?
J.M. : Peut-être. Cela dépend de la façon dont ils vont gérer la pression, car elle est sur leurs épaules. On arrive au moment où les outsiders ont plus d’impact. Parce que tout se joue sur un match. On entre sur le terrain, et quand le match commence on sait que deux heures plus tard on sera soit heureux, soit sur le chemin du retour. C’est le moment où la pression est la plus forte. C’est pour ça que jouer à domicile n’est pas facile pour le Ghana. Je le sais assez bien, parce que Michael Essien m’a déjà parlé de son pays. Mais c’est la même chose au Cameroun. Je me souviens que Geremi me racontait quelques anecdotes à propos de son pays. C’est difficile pour eux. Dans leurs pays, les gens pensent qu’ils doivent gagner.
Comment voyez-vous leur quart de finale face au Nigéria ?
J.M. : Entre le Ghana et la Nigéria, ce sera un gros match. Le Nigéria a l’expérience, la qualité, et peut-être un peu moins de pression sur les épaules. C’est une situation qui convient à des joueurs comme Yobo, Yakubu, Martins et Mikel. Pour être franc, je n’ai pas trop apprécié les performances du Nigéria. J’aime bien les joueurs parce que je les connais bien, et je sais que certains d’entre eux sont très forts. Mais je trouve que l’équipe ne défend pas bien et qu’elle a fait beaucoup d’erreurs dans la construction du jeu. Ils essaient de repartir de l’arrière, mais du coup ils perdent la balle dans des zones dangereuses. Ils s’exposent dans les phases de transition ou sur les contre-attaques. Je pense qu’ils ont besoin de s’améliorer et, avec les joueurs qu’ils ont, leur entraîneur, un gentleman qui a beaucoup d’expérience dans le football, je crois qu’ils en sont capables.
Pensez-vous que la Guinée a ses chances contre la Côte d’Ivoire ?
J. M. : Oui, je le pense parce que c’est un match à élimination directe. Quand j’étais en club, je disais tout le temps que la meilleure équipe remportait le championnat mais pas forcément la compétition à élimination directe. Parce que ça dépend de la forme du moment et de tous petits détails. Je regarde la Côte d’Ivoire, une équipe qui joue avec Drogba dans l’axe, Kalou à gauche, un autre grand joueur à droite avec Aruna, ou un autre, d’excellents milieux comme Zokora, Eboué, les frères Touré à condition que Kolo soit remis de sa blessures, Yaya, qui joue à Barcelone, l’arrière gauche Boka qui joue à Stuttgart… Ils évoluent tous au très haut niveau. Pour moi, la Côte d’Ivoire est l’équipe qui a le plus de talents réunis. Est-ce qu’elle peut gagner ? Je ne sais pas. Mais c’est l’équipe qui a le plus de talent.