Les Lions indomptables sont tombés hier soir devant une bien petite équipe d’Allemagne et avec eux leur entraîneur allemand Winnie Schäfer. C’est un triste épilogue à l’épopée d’une équipe qui nous avait comblé souvent de tant de bonheur. Le score lui-même, 3 buts à 0 est presque sans importance. L’image, hideuse, affolante et triste que je garderai, malgré moi, de cette soirée de supplice c’est le geste impulsif et inacceptable de Mettomo, abandonnant le mur qu’il formait devant les buts de Kameni pour parer à un coup franc en réaction aux récriminations de ces coéquipiers. Il nous administrait là la preuve que cette équipe manque de solidarité et que son ressort était cassé. Il faut donc le remplacer.
Et la solidarité n’est pas la seule chose qui a fait défaut à cette équipe. Le talent non plus n’était guère au rendez-vous. Hormis Idriss Carlos Kameni et Samuel Eto’o Fils qui tiennent la dragée haute dans la Liga, la plupart des Lions indomptables que Winfried Schäfer alignait hier sont des remplaçants dans leurs clubs respectifs. La dernière fois que Geremi, Djemba Djemba, et Joseph Désiré Job ont joué 30 minutes de match dans leurs clubs respectifs remonte à Mathusalem. Mettomo, Tchato, et Ateba Bilayi n’ont guère davantage de minutes de jeu. Les entraîneurs de ces clubs sont de fins techniciens et connaissent bien leurs joueurs. S’ils les gardent sur le banc, c’est bien parce qu’ils en connaissent les limites. Et ces limites, elles se sont étalées au grand jour hier à Leipzig. Et ce n’est ni Feutchine, ni Douala qui pouvaient y changer quelque chose. Ils n’ont pas l’estampille des Lions indomptables.
Il a aussi manqué aux Lions indomptables la fraîcheur. Contrairement à cette débauche d’énergie qu’a montrée la jeune garde de Jürgen Klinsmann, les Lions indomptables sont apparus, lourds, émoussés, hébétés et incohérents et avec, par-dessus tout, les nerfs à fleur de peau. Sans exception. Au manque de talent s’est ajoutée la frustration, donnant ainsi lieu à une indiscipline caractérisée sur le terrain. Les Lions n’avaient plus ni code de conduite, ni capitaine, ni entraîneur, ni tactique. Déjà à la 60è minute, la messe était dite. J’en étais franchement à me demander ce que Kuranyi et Ballack attendaient pour mettre un terme à ce calvaire.
Dans mon analyse tactique d’avant match qui péchait, je l’avoue, par un optimisme têtu je mettais en garde les uns et les autres contre l’indiscipline tactique qui risquait d’hypothéquer l’issue du match, devant la nécessité de devoir anticiper les passes longues en se repliant en bloc dans leur moitié de terrain. Encore une fois, à l’instar de John Utaka, Kuranyi a profité du manque de concentration de la défense des Lions indomptables pour aller, tout seul, crucifier Kameni. Et comme je l’avais prévu, Miroslav Klose a attendu que le verrou camerounais saute pour entrer en force. Et il l’a fait à deux reprises en l’espace de 10 minutes, scellant ainsi le sort de ces Lions qui avaient l’air vraiment pathétiques hier soir.
Fermons ce chapitre. Le limogeage de Winfried Schäfer hier soir marque donc la fin d’une époque. Après la retraite de Jacques Songo’o, de Raymond Kalla, et de Patrick Mboma, l’ère de Rigobert Song Bahanag, Joseph Désiré Job, Lucien Mettomo, Bill Tchato, et de Geremi Njitap Fotso s’est achevée hier. Ils nous lèguent un héritage dont je suis fier. Deux Coupes d’Afrique des Nations, une médaille d’or olympique et une finale de la Coupe des Confédérations. Ils laissent aussi un record difficile à égaler : à deux reprises ils ont terminé un grand tournoi international sans encaisser un seul but pendant le temps réglementaire. Enfin, ils laissent leur nom dans les annales de l’histoire du ballon rond car ils sont la seule sélection nationale africaine qui ait battu la Seleção. Pour cela, je leur tire un grand coup de chapeau.
Song Bahanag et ses Lions indomptables nous laissent enfin et surtout un héritage, certes fragile, mais porteur de promesses que Samuel Eto’o Fils doit faire fructifier. Le Cameroun occupe aujourd’hui le 22è rang au classement FIFA-COCA-COLA après avoir passé plus de deux ans parmi les 15 premiers. C’est un héritage précieux que nous ne saurons préserver que si un certain nombre de conditions sont remplies.
Premièrement, après Winfried Schäfer, Etamè Massoma doit partir. Le camouflet de Leipzig est aussi le sien. Schäfer a décrié à tout vent les ingérences de ce ministre dans la sélection et le classement des joueurs. S’il pense se couvrir en limogeant Winfried Schäfer, il se trompe lourdement. Tant que le ministre de la jeunesse et des sports ne laissera pas les mains libres à l’entraîneur, nous ne serons jamais à l’abri des déconvenues telles que cette débâcle de Leipzig.
Deuxièmement, les responsables de l’équipe nationale doivent organiser des matchs amicaux afin de permettre au futur sélectionneur des Lions indomptables de tester de nouveaux joueurs et de nouveaux systèmes de jeu. Comment peut-on s’attendre à ce qu’une équipe qui ne joue jamais des matchs amicaux excelle en compétition ? Nous l’avons vu hier. Mises à part une ou deux chevauchées pusillanimes d’Eto’o vite enrayées par la Mannschaft et deux parades de Kameni, les Lions indomptables n’ont montré aucune phase de jeu cohérente. La chorégraphie annoncée a tourné en eau de boudin. Les Lions indomptables n’ont pas réussi la moindre triangulation. Seul Eto’o a frappé un tir cadré pendant tout le match.
Troisièmement, les responsables de la gestion de l’équipe nationale doivent recruter un entraîneur de grande renommée qui a fait ses preuves. Les Lions indomptables ont besoin d’un sélectionneur respecté, ferme, qui saura renouveler cette équipe en y intégrant de jeunes joueurs recrutés dans notre championnat national, dans les championnats de deuxième division en Europe, dans les établissements scolaires du Cameroun ainsi que dans la diaspora. La fâcheuse habitude qui consiste à aligner des joueurs parce qu’ils figurent dans l’effectif de grands clubs européens, indépendamment de leur forme, doit cesser. Les meilleures pages du football camerounais ont été écrites par un cocktail fait de joueurs du championnat camerounais et de joueurs évoluant en deuxième division en France. Une seule chose comptait pour eux, la rage de vaincre pour la gloire de leur pays. Je n’ai pas vu cette rage dans les yeux des Lions indomptables hier soir.
Quatrièmement, les autorités doivent cesser de considérer le football comme leur vache à lait. Le football se pratique dans des stades et l’argent du football doit construire des stades. La rencontre amicale d’hier soir marquait l’inauguration d’un beau stade, en présence de M. Hörst Köhler, le Président de la République d’Allemagne. Le gouvernement et la FECAFOOT doivent construire aux Lions indomptables une arène digne de ce nom. Un tel geste ne manquera pas de créer une motivation supplémentaire. L’une des raisons pour lesquelles nous manquons de matchs amicaux c’est aussi que nous sommes incapables d’inviter une grande équipe à Yaoundé, à Douala ou à Garoua, faute de stades.
Afin que l’étendard vert rouge jaune flotte encore haut demain dans le ciel de Leipzig, il est nécessaire de considérer la défaite d’hier soir comme la fin d’une époque et l’aube d’une ère nouvelle. Tout est encore possible. Les Lions ont encore 5 mois devant eux pour former la jeune équipe pleine d’ambition et d’entrain que Samuel Eto’o Fils, Atouba Essama, Kameni, et pourquoi pas, Lauren, devront encadrer afin qu’elle redevienne digne du nom Lions indomptables.
Sanga Titi, sanga@camfoot.com