L’affrontement qui s’annonce sur le stade de Leipzig entre le Cameroun et l’Allemagne nous rappelle, comme le fait Jean-Jacques Annaud dans son long métrage « Noirs et Blancs en Couleurs » qu’au tournant du siècle dernier, le Cameroun et l’Allemagne étaient un seul et même pays. Le drapeau qui flotte au vent au début du film est allemand, la langue allemande, les bottes, la croix de fer…mais les soldats camerounais. De bons patriotes allemands. C’est dire que la rencontre de ce mercredi opposera l’Allemagne à elle-même. D’un côté, Jurgen Klinsmann et sa National Mannschaft, de l’autre Winfried Schäfer et ses « Kamerunische Löwen ».
Schäfer a devant lui plusieurs options, selon les qualités des joueurs intégrés, du système de jeu adopté, et l’animation choisie pour faire vivre son système de jeu. Il peut choisir d’user et de fatiguer les attaquants adverses par une tactique défensive renforcée, ou bien d’user les défenseurs adverses par des attaques à outrance. Mais ces deux conceptions supposent un déséquilibre dans la composition des équipes qui est au profit de la défense pour la première, ou bien au service de l’attaque pour la deuxième.
Il va vraisemblablement opter pour la deuxième. En effet, la meilleure tactique consistera à attaquer à outrance, tout en défendant merveilleusement par le pressing très haut et l’exploitation du hors-jeu. Il s’efforcera également d’anticiper les passes longues par un recul du bloc défensif en ligne pour créer le surnombre défensif. Cette tactique suppose un équilibre parfait entre les défenseurs, les récupérateurs, l’organisateur et les attaquants, sachant que plusieurs joueurs dans cette équipe, à l’instar d’Eto’o, de Job, d’Atouba et de Geremi, savent attaquer et défendre. Cette organisation appelle une rigoureuse discipline tactique qui a fait défaut contre le Nigeria à Monastir l’hiver dernier sur le but de John Utaka et sur le troisième but égyptien il y a quelques semaines. En outre, L’une des défaillances constatée lors du match contre le Soudan est venue du fait que les Lions avaient laissé trop d’espace entre les différentes lignes, allant parfois jusqu’à 30 mètres entre l’attaque et la défense. C’est ici que les Lions manqueront l’énorme abattage de Modeste Mbami. Idrissou et Djemba Djemba feront la liaison entre ces deux lignes.
Contre l’Allemagne, Schäfer aura comme atout majeur Samuel Eto’o Fils, le « pichichi »de la Liga. Rien ne l’arrête actuellement. La finesse de sa technique, son explosivité en attaque, et son adresse maîtrisée devant le but donneront le tournis à Jens Lehman pendant toute la soirée. Pour tirer le meilleur parti de la forme d’Eto’o, Schäfer entend certainement faire transiter toutes les balles par Geremi. Celui-ci balaiera donc le terrain en éventail pour recevoir des balles de Kameni, de Perrier, de Tchato, voire des milieux positionnés haut dans la partie allemande pour le pressing. Ils remiseront tous sur Geremi qui, par de longues balles en profondeur, « alimentera » le barcelonais. Le jeu camerounais se passera en majeure partie sur le flanc droit et s’achèvera par de longs centres de Geremi vers le point de penalty où sera embusqué Joseph Désiré Job. Par conséquent, il faudra que Schäfer épaule Eto’o par un grand gabarit. Vous avez deviné : Idrissou. Sa vitesse de percussion et sa capacité à avaler des distances vont permettre aux Lions d’animer le couloir gauche qui, franchement, a été défaillant contre le Soudan. Si le but d’égalisation est venu d’Atouba qui, excentré près du coin de « corner », a envoyé une longue transversale dans la surface de réparation, reprise victorieusement de la tête par Job, il convient de reconnaître que le couloir n’a pas été à la hauteur des attentes.
En face les allemands, qui joueront avec leur 3 -5-2 classique tâcheront de verrouiller les couloirs. Au niveau de la ligne médiane. Ils y placeront leur meilleurs récupérateurs, rapides et puissants, orchestrés à partir des 20 mètres par le redoutable Ballack, plus en forme que jamais. Klose attendra que le verrou camerounais saute pour prendre de vitesse Song et Mettomo, ou alors passer en force du côté de Tchato avec le jeu de tête. Ce sera le maillon faible de la formation de Schäfer. C’est pourquoi il tentera de dresser un mur …de Berlin dans l’axe central. Avec son gabarit, Kalla aurait fait l’affaire. C’est pour cela qu’il a tenté de le faire revenir. « La tour de contrôle » en a décidé autrement. A Mettomo de jouer à son niveau de la Coupe des Confédérations.
Les « deux Allemagnes » qui évolueront l’une en face de l’autre à Leipzig auront la même configuration tactique sur le terrain. Toutefois, chacun sait qu’un même système peut être animé de différentes manières. Chaque joueur sait exactement ce qu’il doit faire et sait ce que ses coéquipiers proches ou lointains doivent faire. C’est à une choréographie fluide, synchronisée, dure et impitoyable que nous devrions assister sur le terrain ce mercredi soir.
Fini l’improvisation tactique de l’époque Lechantre. Place à des mouvements réfléchis, coordonnés permettant une mise en place, voire une organisation permanente de l’équipe qui restreint le temps de réflexion du porteur du ballon et permet, après récupération du ballon, de porter le danger immédiatement dans le camp adverse par le contre, les attaques rapides ou les attaques placées d’Idrissou et d’Eto’o, voire de Doumbe Perrier.
Force est de reconnaître que cette rigueur tactique a tendance à limiter la liberté d’action et du jeu, empêchant les artistes de s’exprimer à tout moment. C’est ce qui ne plaît pas aux fans des Lions indomptables. Ils souhaitent voir des talonnades, des louches, des ailes de pigeon et des « zôlô ». Ce sera pour le match d’Abidjan en 2005. Pour l’instant, Schäfer doit d’abord « assurer » afin de rassurer. Ainsi, mercredi soir, nous pourrons tous savourer « la victoire en chantant ».
Sanga Titi, info@camfoot.com