Jamais « Cantona » n’aura été aussi explicite dans sa communication. Dans un entretien inédit accordé à la rédaction de Camfoot.com, le sociétaire d’Odense a tenu à remettre la balle au centre. Dans ce que nous allons appeler les confidences d’Eric Djemba-Djemba, l’ancien Manucien n’occulte aucun sujet. Son retour en sélection, ses erreurs du passé, ses altercations avec Samuel Eto’o, le grand chantier de la reconstructio. Tout y passe…
Qu’est-ce que vous vous êtes dit le jour où vous avez été rappelé dans cette équipe nationale ? Vous avez certainement dit que Dieu existe et qu’il n’oublie personne ?
Bien sûr que Dieu existe. Je pense que quand tu as foi en lui et que tu mets toute ta confiance, il est fidèle. Tout le monde sait comment le seigneur est. J’ai continué à travailler, je me suis remis en prière et il m’a redonné cette chance de revenir à mon meilleur niveau. Franchement, quand j’ai appris que j’étais rappelé, déjà contre le Salvador, ça m’a fait un grand bien. Ça m’a donné la force de continuer à travailler davantage. Le travail bien fait est toujours récompensé. Je reviens dans cette équipe et je dirais merci à tous les journalistes qui ont suivi mon parcours là bas à Odense, aux dirigeants camerounais qui ont encore mis des espoirs en moi et qui m’ont rappelé pour pouvoir encadrer ces jeunes et leur donner mon expérience. J’ai bien pris cette convocation et j’étais très content.
Ceux qui vous ont convoqué disent que vous êtes là pour encadrer la jeunesse. Est ce que l’enfant gâté d’hier s’est assagi aujourd’hui ?
(Rires) Vous savez, aujourd’hui, j’ai beaucoup mûri. J’ai l’âge de la raison et les erreurs du passé m’ont beaucoup servi. Je pense que c’est ça un homme. On apprend de ses erreurs, on accepte les critiques. J’ai beaucoup appris et je remercie tous ceux qui m’ont critiqué, qui m’ont dit de continuer à travailler, qui ont eu espoirs en moi. Tous les journalistes qui étaient derrière moi à me critiquer c’est parce qu’ils m’aimaient, ils ne voulaient pas que ce talent soit gâché. Je crois que ceux qui m’ont convoqué ont compris que le garçon s’est assagi, et il peut encadrer les jeunes parce qu’on s’entend bien. On n’a pas beaucoup de différence d’âge, mais j’ai plus d’expérience qu’eux. Ils sont proches de moi, je leur donne des conseils qu’il faut pour qu’ils ne tombent pas dans les mêmes erreurs que moi. J’ai commencé à leur donner des conseils, j’espère qu’ils sont à l’écoute parce que ça va les aider demain. Tout ce qu’on doit faire c’ est se serrer les coudes, enlever ce problème d’ego, accepter que l’autre c’est notre leader, l’autre c’est notre ténor, et les ténors doivent aller vers les jeunes.
« On peut être coéquipier et ne pas être amis »
Je pense que s’il y a respect dans les deux sens, tout ira pour le mieux. Je me rappelle à l’époque, il y avait le feu Foé, Etame Mayer, Raymond Kalla. Ils nous donnaient les conseils et on acceptait parce qu’on savait que c’étaient les leaders. On pouvait avoir des problèmes extra sportifs mais sur le terrain, ça ne se ressentait jamais, parce qu’on jouait pour la nation du Cameroun. On peut être coéquipier et ne pas être amis. Quand on est convoqué en sélection, je sais ce que c’est. J’ai connu beaucoup de ministres, j’ai connu beaucoup de dirigeants, quand on est appelé dans cette équipe c’est la vie ou la mort, parce que quand tu portes ce maillot, c’est pour les 20 millions de camerounais, ce n’est pas pour nous qu’on joue mais pour eux.
Je me suis rapproché de Alexandre Song qui écoute mes conseils. Je pense qu’il a compris. Tous ceux qui sont là ont compris. Ils savent ce que c’est. Ils ont repris confiance, parce que aujourd’hui quand on passe dans la rue avec le bus des Lions, depuis que je suis là j’essaye de remarquer, il y a en a qui nous insultent, il y a en a qui nous applaudissent. Est ce qu’ils nous applaudissent avec le cœur ou alors ils nous applaudissent pour se moquer de nous ? J’essaye d’attirer l’attention de ces jeunes pour leur dire regarder, dans le temps quand on passait on n’arrivait pas à circuler les gens se couchaient à même le sol pour que le bus n’avance pas. Aujourd’hui il n’y a personne derrière nous. C’est nous qui devons ramener le public derrière nous.
On a longtemps parlé d’un problème entre Samuel Eto’o et vous. Est ce qu’on peut croire que vous avez aplani vos différends et que vous êtes devenus les amis d’hier ?
Vous savez Samuel et moi quand on était plus jeunes on a eu ce problème d’ego. Je ne vais pas vous le cacher. Même involontairement, on a eu ce problème d’ego. Ça veut dire qu’il a existé mais, on a mûri. Samuel est quelqu’un qu’il faut approcher. Il a son caractère, il est comme il est. Chacun a son caractère, chacun est comme il est, mais il a un bon fond. Il faut le comprendre, c’est un mec qui a un bon fond. Je vais vous dire, il n’y a qu’un chef dans le bateau. On peut avoir plusieurs chefs mais il y a un seul capitaine. Ce qui veut dire que quand le capitaine dit à gauche il faut aller à gauche, comme par le passé avec Rigobert Song.
Pourquoi ça se passait bien avec Rigobert Song et avec Samuel Eto’o, ça ne devait pas bien se passer? Vous savez, il faut regarder tout ce qui entoure. Il faut regarder tout ce qu’il y a derrière. Samuel et moi aujourd’hui, on a des relations de grand frère, de petit frère, de coéquipiers et amis. On a commencé ensemble, on a le même parrain, le président Gilbert Kadji. On a commencé ensemble à la KSA, après à la UCB, on s’est côtoyé en sélection pendant beaucoup d’années. Aujourd’hui, nos relations sont saines. On s’est parlé dans quatre yeux. Il me donne les conseils, je lui en donne aussi. Il a beaucoup plus d’expérience que moi, il a beaucoup gagné, il a joué dans des grands clubs. On essaye de discuter. Aujourd’hui, son but c’est le même que moi, encadrer ces enfants, redorer le blason de l’équipe nationale du Cameroun.
Est-ce que Samuel et Alexandre se sont salués ?
Bien sûr qu’ils se sont salués. Moi-même je ne pourrais pas accepter le contraire. Je ne pourrais pas accepter être en sélection et voir un joueur qui ne salue pas l’autre. Peut être par le passé, j’étais plus jeune et je pouvais l’accepter, mais aujourd’hui par mon expérience je ne peux pas cautionner cela, parce que ça n’a jamais existé. Quand on était plus jeune avec nos ainés, Mboma, Alioum Boukar, Jacques Songo’o. Si ça s’était produit devant moi, je n’allais pas accepter. Comme j’ai dit, on peut être coéquipiers mais pas amis. Si on porte le même maillot, ça veut dire qu’on est là pour la même cause. Autant mieux se saluer et faire semblant, mais au moins se saluer. Ils l’on fait et tout est rentré dans l’ordre. Alexandre donne des passes à Samuel, Samuel donne des passes à Alexandre. Le moral est au beau fixe, tout se passe bien, je crois qu’il faut oublier ce petit problème.
Vous étiez en réunion tout à l’heure avec le ministère et la fédération. On dit que c’était houleux. De quoi avez-vous parlez ?
C’est une rencontre qui était interne et ça va rester interne. Tout ce que je peux rajouter c’est que le ministre nous a félicité, il nous a souhaité bonne chance pour le match. Maintenant, le reste c’est en interne.
Depuis mardi que vous êtes là, avez-vous facilement retrouvé les automatismes ?
Je suis en activité depuis bientôt quatre ans. J’ai fait tous les matches dans mon club. Revenir à l’équipe nationale a été facile pour moi parce que je connais tout le monde. Je rencontre la plupart de ces jeunes quand on est en vacances. Il y a une bonne entente entre nous. Ça se passe bien. Pour moi ce n’est pas difficile de retrouver les automatismes. Ce qu’il faut faire c’est de retrouver l’amour de jouer avec l’équipe nationale, parce que ce n’est pas donné à n’importe quel joueur de jouer dans cette équipe avec près de 20 millions de camerounais. Donc c’est toujours un plaisir, c’est toujours un mérite, pour moi les automatismes sont là.
Qu’est ce que vous allez faire samedi pour marquer votre rentrée devant votre public de Mfandena ?
Je vais essayer de faire ce que j’ai toujours fait. On m’a connu sur ce nom, on m’a connu par rapport à ce que j’ai toujours fait. Je vais refaire pareil. Je ne vais pas changer mon jeu parce que c’est ce jeu qui m’a ramené ici. Je vais essayer de faire mon travail. Si jamais le coach me donne la chance de pouvoir être de la partie, je vais rassurer les millions de fans que je suis toujours présent, que j’ai gardé le même talent, et je peux toujours apporter mon expérience à l’équipe. Je suis entré dans cette équipe le 15 septembre 2001.
Depuis on ne vous convoquait plus en sélection. Est ce qu’avec le recul, vous avez compris pourquoi on ne vous convoquait pas ?
Quand tu te brûles tu sais pourquoi tu t’es brulé et tu ne remets plus ta main dans le feu. Moi seul je sais ce qui s’est passé. Moi seul je sais ce que j’ai enduré. Je sais comment j’ai cravaché pour revenir au meilleur niveau. Dieu merci, il m’a épargné des graves blessures. J’avais le moral, j’ai continué à travailler, j’ai cru en moi. Aujourd’hui, j’ai la chance de revenir dans cette équipe. Je suis plus mature. Je sais gérer certaines situations. Tout ce que j’ai pu faire comme erreur quand j’étais plus jeune, j’ai appris de ça. Aujourd’hui je suis plus mûr, je prend les choses comme elles viennent. Comme c’est parti, j’essayerai de rester le plus longtemps possible dans cette équipe.
Comment vous avez vécu les misères des Lions ses derniers mois étant hors de la tanière ?
C’était difficile à avaler, c’était difficile de voir comment on peinait. Mais vous savez, il faut voir tout ce qui nous entoure. Tout ce qui s’est dit, ça peut fragiliser le moral de certains joueurs, et après ça prend tout le monde. C’était difficile de voir de loin. Mais je dis bravo à ces jeunes, ils ont su oublier ça, ils ont su surpasser ça. Aujourd’hui, ils sont revenus avec un moral au beau fixe, et ils veulent réparer ce qui était difficile par le passé. Nous allons essayer de ramener tous les supporters des Lions indomptables derrière nous.
Entretien mené par Guy Nsigué à Yaoundé