L’entraîneur de football que nous avons rencontré, fait une lecture du match des Lions Indomptables face au Brésil de ce lundi. Il culpabilise au passage Charles Itandje, qui « n’a pas aidé le groupe ». Interview.
Comment réagissez-vous à la suite de cette défaite (4-1) du Cameroun face au Brésil pour ce dernier match de poule à cette Coupe du Monde ?
Ma réaction est d’abord celle d’un Camerounais très déçu au superlatif. C’est la réaction d’un technicien complètement désintéressé, parce que nous venons d’avoir un match de trop pour cette phase finale de la Coupe du Monde. Je pense qu’il est temps de rompre avec l’hypocrisie, l’imposture, le mensonge et le silence. Parce qu’en trois matchs on a présenté autant de défenses. Ce qui est très rare dans une phase finale d’une haute compétition comme la Coupe du Monde. Cela veut dire que le technicien en charge de cette équipe nationale n’avait pas les clés de la boutique. Il a passé le temps à se chercher même en pleine compétition, et là, ça paye cash.
Le Cameroun n’a-t-il pas montré une meilleure image dans ce match ?
On a l’impression d’avoir vu la meilleure image de l’équipe du Cameroun, parce qu’un joueur comme Alexandre Song, hyper lent, qu’on a imposé comme titulaire, n’était pas là. Cela démontre à souhait qu’on peut avoir un milieu de terrain qui explose. Nous avons essayé de jouer haut en allant chercher l’adversaire dans son camp. Sauf qu’il y a eu des distances entre les lignes et le bloc équipe n’ont pas fonctionné. Cela a été dû à un desserrement des lignes. Quand on va chercher un adversaire haut, cela veut dire que doit resserrer vers l’arrière. Cela se fait par un marquage individuel strict, pendant que les milieux de terrain sont en marquage en zone. Nous n’avons pas respecté les consignes du bloc équipe. Les Brésiliens l’ont compris en jouant de longs ballons qui retombaient sur la dernière ligne et comme nos joueurs n’étaient pas en jambe – parce que nous avons faussé les données lors de la préparation – et je l’ai toujours dit dans mes propos, parce que faire une semaine de quartier libre sans pouvoir s’entraîner nous a remis au commencement. On est passé par les surcompensations, les pansements technico-tactiques. Dommage, il n’y avait plus de temps pour régler ce genre de chose.
Quelles sont les leçons à tirer de ce match ?
Et je crois que là, on peut essayer de tirer quelques éléments dans le sens de la satisfaction et on a compris que certains joueurs qui étaient sur le banc n’avaient pas le droit d’y être. Un garçon comme Joël Matip, peut-être qu’on a beaucoup perdu de lui en le gardant au banc de touche, a beaucoup de choses à donner. Il a un talent exceptionnel. Sa déception est d’être passé par le banc de touche. Il faut véritablement que ceux qui seront appelés à gérer cette équipe nationale se fassent violence, pour nous présenter un meilleur projet, parce qu’on est complètement déçu. On ne peut pas avoir des garçons dont certains sont volontaires, mais qui ont été emballés par des sénateurs de cette équipe et qui n’ont plus rien à démontrer et qui estiment qu’ils n’ont plus rien à gagner. Ceux-là doivent nous coller la paix.
Comment avez-vous trouvé Allan Nyom, longtemps critiqué, qui a été titularisé à droite de la défense ?
Je l’avais dit, quand on parlait du jeune Djeugoué, que son muscle aura besoin du processus. Cela veut dire que lorsqu’on demande 60 matchs dans les jambes, ce n’est pas le fait du hasard de la part de la Fifa. La tolérance, c’est autour de 40 matchs. Allan Nyom qui a fait le plein des matchs dans la Liga, et a pu affronter les stars de cette Coupe du Monde comme Cristiano Ronaldo, Lionel Messi, Alexis et Neymar, pour ne citer que ceux-là, était au moins prédisposé, expérimenté, averti dans le sens de la gestion du jeu au poste. Malheureusement, je pense que l’encadrement technique n’avait pas les clés de la boutique. On a très tôt fait de porter un jeune homme (Djeugoué, ndlr) qui sort d’un championnat moyen, à une responsabilité immense. A partir de là, vous comprenez qu’Allan Nyom a démontré qu’il a des arguments à faire valoir à ce poste. Si on avait tenu compte des rendements moyens de Gérémi Njitap à la Can en 1996, des mauvaises prestations de Pierre Womé en 1998, on n’aurait pas continué à leur faire confiance pour avoir la gloire de 2000 et 2002. Je crois qu’à ce niveau, il faut faire confiance à ce jeune (Nyom, ndlr), qui n’a pas grandi au pays dans notre milieu socioprofessionnel, pour qu’il ait un temps d’adaptation. Je crois qu’il a démontré dans ce match contre le Brésil qu’en lui faisant confiance, on n’aurait pas de soucis à ce poste. Il suffit qu’il se libère psychologiquement.
Le Cameroun, réputé comme un pays de grands gardiens de buts, semble avoir déjà des problèmes. Comment percevez-vous cela ?
C’est dommage que le Cameroun se retrouve avec un gardien de buts comme celui qui a joué là (Itandje, ndlr). Lorsqu’on pense à ceux qu’on a connus comme gardiens de buts dans cette équipe nationale et qu’on voit ce qui se passe aujourd’hui, on a envie de pleurer. Si on est sorti très tôt de cette Coupe du Monde, en encaissant neuf buts, Charles Itandje en est pour beaucoup quand même ; parce qu’il n’a pas aidé le groupe. Une grande équipe, c’est aussi un grand rempart. Il faut se remettre en chantier et regarder un compartiment comme celui de gardien de buts. Il faut vraiment que l’offre soit lancée et que la demande soit forte pour ce poste de gardien de buts. Je suis convaincu qu’on a de la qualité. Il faut que dès le début des éliminatoires de la Can au mois de septembre, que nous soyons dans un nouveau chantier. Il faut avoir le courage de tout remettre à plat et qu’on recommence. On peut encore faire une bonne ossature avec quelques éléments qui sont encore volontaires dans ce groupe.