« Voici votre médaille d’or », le discours de la double championne olympique du triple saut était à la fois bref et concis, dans la salle d’honneur de l’aéroport international de Yaoundé Nsimalen, le samedi 23 août 2008. L’heure était à la fête, à l’occasion du retour au pays de Françoise Mbango Etone, récemment sacrée médaillée d’or aux 29è olympiades de Chine.
48 heures avant son retour, des rumeurs faisaient croire que le Président de la République, Paul Biya et son épouse allaient se déplacer pour la banlieue située à une vingtaine de kilomètres de la capitale, pour accueillir la super star de l’athlétisme camerounais et mondial. Par la suite, le Premier ministre, chef du gouvernement, Inoni Ephraïm était annoncé au bas de la passerelle pour transmettre les félicitations du couple présidentiel et celles du peuple camerounais tout entier à l’héroïne des J.O.
Finalement, c’est le ministre de la Jeunesse qui a eu l’honneur de présider cette cérémonie. Dans une allocution aussi brève, Adoum Garoua s’est réjouit que « la performance exceptionnelle de Françoise Mbango restera à jamais gravée dans les annales des jeux olympiques ». Une phrase qui a suscité des applaudissements nourris de la foule, et de nombreux membres du gouvernement, au rang desquels les ministres de la communication, Jean Pierre Biyiti bi Essam, Ama Tutu Muna de la Culture, Luc Magloire Mbarga Atangana du Commerce…
C’est à 18h14min qu’un appareil de la compagnie Air France s’est immobilisé sur la piste de l’aéroport international de Yaoundé Nsimalen ayant en plus à son bord le ministre des Sports et de l’éducation physique, Augustin Edjoa, le ministre délégué à la Présidence, chargé des Assemblées, Grégoire Owona. En début de semaine, les autres athlètes de la fameuse Cameroon olympic team sont rentrés dans l’anonymat total après leurs échecs respectifs en Chine. L’apparition de Françoise Mbango arrache des cris hystériques à des dizaines de fans, parents, amis et connaissances. L’impressionnant déploiement des forces de maintien de l’ordre cèdent sous la pression de la foule et des journalistes, photographes et cameramen de plusieurs média accrédités pour la circonstance. L’interdiction d’un officier de police de filmer l’appareil Air France « pour des raisons sécuritaires » n’est pas respectée.
C’est le délire. Un rapide bain de foule à l’extérieur, sous bonne escorte policière, des photos et un toast, la championne olympique du triple saut s’arrête quelques instants devant une banderole et jette un coup d’œil rapide au message écrit en capitales: « Françoise Mbango Etone, lionne indomptable du triple saut, le Cameroun tout entier te dit merci ». Visiblement émue, elle quitte les lieux par une issue de secours, pour échapper à la marée humaine en liesse. L’impressionnant cortège s’ébranle en direction du centre ville. Il est 20h à Yaoundé, malgré la fine pluie, les populations de la capitale ont pris d’assaut l’itinéraire non éclairée, pour acclamer aux sons de youyous, tam-tams, balafons et autres groupes de danses traditionnels, leur héroïne, phénoménale Mbango. Seule la visite au Cameroun du Pape Jean Paul en 1985 et la tenue du 21è sommet France-Afrique en 2001 avaient suscité une telle mobilisation, un tel élan de fierté et de solidarité.
Contrairement aux prédictions du ministre des Sports et de l’éducation physique, Augustin Edjoa et du président du comité national olympique et sportifs du Cameroun, Hamad Kalkaba Malboum, l’expédition en Chine tournait au fiasco! Au moment où tous les espoirs semblaient perdus, avec la défection des boxeurs, pongiste, haltérophile, nageur, coureurs et footballeurs démobilisés par des problèmes de primes, Françoise Mbango Etone a marqué l’histoire en réalisant le 17 août, un bond de 15m39 (soit 9cm de plus que sa performance de 2004 lorsqu’elle offrait au Cameroun sa deuxième médaille d’or de l’histoire des JO). C’est la meilleure performance olympique de tous les temps, qui lui permet de devenir la première femme à remporter deux fois de suite une médaille d’or au triple saut.
L’ancien record des jeux, 15m33, a été établi en 1996 à Atlanta par une Cubaine. Même sans avoir battu le record du monde (1m50) établit en 1995, Mbango, une athlète téméraire et surdouée, entre certainement dans le livre des records. Ses principales adversaires, la Russe Tatyana Lebedeva (15m32) et la Grecque Hrysopiyi Devetzi (15m23) remportent respectivement les médailles d’argent et de bronze de ce concours. Au-delà du travail, la championne de 32 ans, a dévoilé les principaux secrets de sa réussite : «Expérience et détermination».
Jean Robert Frédéric Fouda, à Yaoundé