Invité dimanche dans le programme «Dimanche avec vous» sur Equinoxe TV, l’international camerounais de Saint Mirren en Ecosse a eu du mal à avaler la pilule de la défaite des Lions vendredi dernier en coupe du monde face au Mexique (0-1). Il s’offusque de cette entrée en matière manquée de Samuel Eto’o et ses coéquipiers, et pense savoir à quel niveau se trouve le problème. L’amertume qu’il formule de la gestion de l’équipe nationale du Cameroun est autant perceptible dans ses propos qu’il se dit toujours dans les dispositions de servir sous le drapeau national. Djemba-Djemba ne fait pas également abstraction des dessous de vestiaire qui minent l’environnement des Lions indomptables et qui sont à l’origine de la crise de résultats actuelle. Morceaux choisis.
Sur la défaite des Lions face au Mexique…
Je suis déçu par mon pays, parce que dans cette poule (A), au moins le Mexique, c’était l’équipe à prendre. C’était la seule équipe sur laquelle on pouvait prendre un point ou trois. Il faut regarder les choses en face. Je vois très mal mes compatriotes gagner la Croatie (mercredi prochain à Manaus, ndlr). Tout peut arriver dans le foot, rien n’est impossible… S’il faut que pendant cinq, dix ans, le Cameroun sombre pour que demain soit meilleur, il faut le faire dès maintenant. On a du potentiel, on a du talent. Mais il faut que les coéquipiers jouent pour les autres… Qu’Eto’o soit ce qu’il est, qu’Assou-Ekotto soit ce qu’il est, qu’Itanje soit ce qu’il est, on s’en fout. Qu’on soit là pour le Cameroun comme à l’époque. Je vois très, très mal notre équipe du Cameroun s’en sortir… ça sera peut-être comme en 2010. Quand on portait le maillot de l’équipe nationale, on le mouillait. Moi j’étais fier de porter les couleurs du Cameroun, j’ai lutté pour ça. J’étais fier d’être sur le banc du Cameroun. Quand le feu Marc-Vivien Foé jouait, j’étais fier d’être sur le banc. Pour remplacer quelqu’un comme ça, il fallait avoir des jambes. Aujourd’hui tu fais un match en Ligue 2, un match en Ligue 1, tu es appelé à l’équipe nationale du Cameroun. On te met sur le banc, tu n’es pas content, tu veux être sur le terrain. Ce n’est pas normal. Quand je vois les jeunes de 22 ans aujourd’hui, 23 ans, quand ils arrivent à l’équipe nationale, ils ne veulent pas porter le ballon. Ils sont grands, non ? Ce n’est comme ça. Quand tu viens à l’équipe du Cameroun, c’est pour mouiller le maillot. Il en a qui perdent leur vie parce qu’ils ont des crises cardiaques quand ils sont devant la télé pour supporter le Cameroun. Pour moi, ce n’est pas normal. Si nous sommes là, c’est par rapport à ces supporters…Aujourd’hui quand quelqu’un fait dix matches, ça y est, il est grand. Non ! Pour jouer à l’équipe nationale, il faut prouver. Tu dois être fort pour jouer dans cette équipe. Mais comme on dit, ça vient du haut, qu’est ce qu’on peut y faire.
Les choix tactiques de Finke
Notre équipe a du talent. Salli Edgar a du talent, Moukandjo a du talent, Vincent Aboubakar a du talent. Pourquoi Vincent Aboubakar ne joue pas. Samuel Eto’o n’a plus la fraicheur que tout le monde connait. Mais avec notre expérience, on peut apporter un plus. Pourquoi Eto’o joue seul devant, il peut jouer avec Vincent Aboubakar. Il va utiliser son expérience, et Aboubakar va faire ce qu’il va faire. C’est insensé qu’on ait un joueur comme lui qui est meilleur buteur et qui est sur le banc… Il doit être sur le terrain. On ne doit plus jouer avec Samuel Eto’o seul devant. Il n’a plus cette fraicheur. Il a certes l’expérience, mais il faut quelqu’un de fougueux à ses cotés… Emana peut-être à l’équipe nationale du Cameroun. Il n’a pas 35 ans, il n’a 36 ans, mais il est encore sur le terrain. On s’en fout de l’âge. Regardez Kameni, après tout ce qu’il a fait pour la coupe, voilà une coupe du monde, ça pouvait être sa dernière, mais il n’est pas appelé.
Regard sur les bannis de la sélection
En 2002, Emana était là, il est au Mexique. Kameni est là sur le terrain, pourquoi il n’est pas en coupe du monde. Eric Djemba Djemba il est sur le terrain, il a gagné en 2010, pourquoi il n’est pas là. Si je n’avais plus rien dans les jambes, je ne serais pas professionnel, je n’aurais pas eu de contrat professionnel, Kameni, Emana, Mbami, ne serions pas des professionnels. Ils sont encore sur le terrain. Pourquoi ils ne peuvent pas apporter leur expérience. L’équipe nationale, ce n’est pas seulement pour Samuel Eto’o. Je n’ai pas dit que c’est Samuel Eto’o qui fait cette équipe, mais non ! Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Quand je vois l’équipe nationale jouer, si vous demandez à quelqu’un dans la rue de vous citer cinq joueurs, il ne peut pas le faire, parce qu’aujourd’hui, on change, demain on change, il n’y a pas de stabilité, et ce n’est pas normal. La Côte d’Ivoire a huit à neuf joueurs qui étaient là en 2002, vous avez l’Espagne qui a joué qui a encore quinze joueurs qui étaient là en 2010. Pourquoi changer ? Pourquoi toujours faire ci ou ça. Moi je dirais que l’équipe nationale du Cameroun…ça fait deux coupes du monde, on va rentrer avec zéro points ? J’’étais au Danemark en 2010, j’étais meilleur joueur étranger, mais je n’ai pas été sélectionné. L’équipe du Danemark avait six joueurs qui jouaient dans le même championnat que moi, et ils ont gagné le Cameroun (2-1, match de poule, ndlr). J’étais deuxième du championnat, et je n’ai pas été sélectionné.
Sur son absence au mondial 2010
Quand j’ai récupérer mon passeport camerounais à Yaoundé lorsque j’ai été rappelé en 2012, dans ce passeport, j’avais un visa de l’Angola de 2010. Je n’ai jamais été en Angola, mais, j’avais un visa. Ce qui veut dire que j’ai été sélectionné pour aller en Afrique du Sud, ou à la Coupe d’Afrique en Angola. J’ai ce passeport avec moi. Pour le sélectionneur qui était là, je devais être appelé, j’étais dans sa liste pour aller en Afrique du Sud, mais on ne m’a pas emmené… Ce n’est pas normal, on va cesser tout ça. A l’équipe nationale du Cameroun, si tu es meilleur, on t’appelle. Si t’es pas meilleur, on te mets à côté. Aujourd’hui quand on regarde le Cameroun jouer, on a des larmes aux yeux. Je me rappelle, Rigobert Song, quand il jouait pour notre nation, il ne voulait pas savoir si on a eu une prime ou pas. Ça venait après, et on suivait ça. Je ne pouvais pas réclamer une prime quand Salomon Olembé, Lucien Mettomo ou Patrick Mboma n’ont pas ouvert leur bouche. Je ne pouvais rien dire, mais, je mouillais le maillot. Aujourd’hui, tu as les jeunes qui montent au créneau, disant que si on ne les paye pas ils ne jouent pas.
Les dessous du vestiaire
(…) Samuel Eto’o devait être vénéré dans notre équipe nationale si son comportement était irréprochable vis-à-vis de ces enfants. Tout le monde connait Samuel Eto’o, il a son caractère à lui, chacun a son caractère. Mais dans un groupe, il y a des choses qu’on doit laisser à la maison… Rigobert Song était en coupe du monde 2010. Mais est-ce que vous pensez qu’il aurait encore donné ce qu’il donnait en 1994, en 2003 ou en 2005 ? Non ! C’est un merci pour service rendu. Maintenant, c’est la façon par laquelle on enlève le brassard à Song qui lui a déplu. Attendez…en 16 ans ou 17 ans de carrière avec le 10 de brassard comme capitaine, on ne t’enlève pas le brassard en deux mois comme si tu étais un chien galeux. Vous pensez qu’en équipe nationale le vice capitaine doit être Nicolas Nkoulou ? Je n’ai rien contre lui, super bon joueur. C’est Makoun, parce qu’il est là depuis longtemps. Si ce n’est pas Makoun, c’est Kameni. Il y a une hiérarchie au Cameroun, et tout le monde le sais. Si on donne le brassard à Nicolas Nkoulou, ce n’est pas normal. On peut le donner à Alexandre Song parce qu’il là avant Nicolas Nkoulou, ou alors le donner à un ancien, c’est ça le foot.