Ce mardi, les Lions indomptables vont fouler une pelouse de Coupe d’Afrique des Nations pour la première fois depuis 2010 et une élimination en quarts de finale par l’Egypte (1-3). Cinq longues années que les supporters camerounais attendaient que les Lions attendaient le retour de leurs vedettes dans la grande compétition africaine.
Car si la Coupe du monde a révélé le pays à la face du monde, c’est bien sur le continent que la sélection tricolore a gagné ses principaux titres : quatre victoires, deux finales, et bien des records individuels dont ceux du plus grand nombre de buts inscrits (Samuel Eto’o, 18) et celui du plus grand nombre de matchs joués (Rigobert Song, 36). Deux noms en forme de clins d’œil, les deux derniers capitaines des Lions Indomptables, équipiers valeureux vainqueurs de deux éditions (2000, 2002), puis devenus plus présents dans les chroniques « hors terrain » des journalistes sportifs, au point d’être devenus des boucs émissaires et de quitter la sélection sans fards après une Coupe du monde ratée au Brésil.
Comme souvent dans l’histoire du pays, les pires moments, ceux où on touche le fond, sont ceux qui annoncent les plus belles victoires. Il paraît que c’est dos au mur que les Camerounais se sentent pousser des ailes et retrouvent les sommets qu’ils n’auraient jamais dû quitter. La qualification facile des Lions indomptables lors du dernier trimestre 2014 a fait donc renaître dans le pays, des envies de titre. Et ce d’autant que la renonciation du Maroc permet une organisation quasiment à domicile, pour un pays qui n’a jamais gagné le titre à domicile et qui le ferait bien dans un pays, qui s’il tracasse ses enfants pour les visas, n’en est pas moins situé en Afrique centrale, surtout que la finale se disputera sur la partie continentale du pays.
Doit-on pour autant tomber dans un optimisme béat à quelques heures de l’entrée en jeu des Lions indomptables? Le moins que l’on puisse dire que le peu de recul qu’offre cette équipe devrait nous pousser à un peu de retenue. Et ceci pour trois raisons.
La brillante qualification (4 victoires, 2 matchs nuls) ne doit pas faire oublier que c’est surtout la double victoire du mois de septembre (en RDC et contre la Côte d’Ivoire) qui a lancé cette équipe. Suivaient ensuite trois matchs à domicile, dont deux contre un pays (la Sierra Leone) qui avait des préoccupations sanitaires plus importantes que la raison sportive. Et il ne faut pas oublier non plus que la lourdeur du score contre les Eléphants a été due aussi à une différence d’efficacité. Les partenaires de Yaya Touré n’avaient pas été aussi dominés que le score ne le laisse penser.
La CAN sera la première compétition de ce groupe jeune et la première compétition pour nombre de titulaires. La vie de groupe, les rencontres tous les trois jours, les remises en cause de statuts vont-ils être bien gérés? En 2010, le groupe avait implosé en Angola après quatre victoires consécutives qui avaient qualifié la bande à Paul Le Guen. Les campagnes qualificatives avec des regroupements cours sont très différents de la phase finale qui nécessite de longs moments ensemble, marqués par l’enfermement pour éviter les regards indiscrets et ponctués par les réunions avec les politiques.
Sur le plan sportif également, nous avons peu de repères. Le parti-pris de rajeunissement des cadres donne une équipe dont on ne sait pas quelle est la capacité à reproduire des efforts tous les trois jours. Clinton Njié, Oyongo Bitolo, Enoh Eyong (en inter-saison) ou Fabrice Ondoa, en manque de temps ou de repères de jeu dans leurs équipes A sauront produire durant trois, quatre ou six matchs des performances au plus haut niveau? Et d’autre part, comment se fera la greffe Chedjou, qui n’a pas fait la campagne éliminatoire, mais qui pourrait débuter la compétition comme titulaire avant de laisser sa place (?) au capitaine Mbia? Sans faire de procès d’intention au joueur de Galatasaray, l’expérience démontre la difficulté d’intégrer dans un groupe un joueur qui a été titulaire et à qui on demande de jouer les utilités.
De la capacité à ces Baby-Lions et leur encadrement à gérer ces petits soucis dépendra la qualité du tournoi qu’ils effectueront. Le groupe D, s’il est dur sur papier, est à leur portée en raison du manque de vécu collectif des trois sélections qui leur sont proposées, à commencer par le Mali qui sortira le pays d’une longue disette de CAN. Ensuite, parce que contrairement aux pays qui leur sont proposés (Mali, Guinée, Côte d’ivoire), les Lions indomptables peuvent avoir des certitudes sur le plan défensif, à condition que tout le monde soit concentré. Et enfin, parce que si nous faisons un retour en arrière, la dernière fois où la CAN a été délocalisée en urgence (en 2000 où elle avait quitté le Zimbabwe pour le Ghana et le Nigeria), les Lions avaient fait de ce tournoi celui de la renaissance, qui a permis de dominer le foot continental sur toute cette décennie.
Sans gros repères, les partenaires de Stéphane Mbia peuvent s’appuyer donc sur le parcours de leurs aînés il y a quinze ans. Sachant que nous ne devons pas forcément attendre la victoire finale d’un groupe très jeune. Un bon tournoi serait déjà de sortir facilement des poules. Revenir en quarts de finale face à un adversaire qui sortira du groupe a priori le plus dur de la compétition devrait permettre de ne pas interrompre la construction du parcours de ces jeunes, avec en ligne de mire les CAN 2017 et 2019 et la Coupe du monde 2018.
Hervé Kouamouo