TUNIS, 05 février – N’en déplaise aux bookmakers britanniques qui n’ont de bontés que pour les Maliens, les Lions restent le favori des observateurs qui ont suivi de près le déroulement des premiers matchs de la CAN tunisienne. De fait, on estime ici que le niveau de la compétition est tel que les Lions devraient gagner la CAN la plus facile de leur histoire. Si on pense qu’ils sont en mesure de gagner, on est toutefois convaincu que la manière n’y sera pas, et qu’elle n’y arrivera que par la peau des dents.
Les Lions, c’est le moins qu’on puisse dire, ne jouent pas bien. Ou plutôt, n’affichent pas une tenue équilibrée au plus haut niveau. On en a parlé ad nauseam, on ne reviendra pas là-dessus. S’ils gagnent, ou plutôt s’ils ne perdent pas, c’est soit que les autres équipes sont réellement mauvaises, soit que le niveau relatif auquel ils se situent les dispense de la recherche de l’effort soutenu.
On admet largement ici que les Lions ont les hommes qu’il faut pour s’imposer dans tous les compartiments du jeu. L’absence jusqu’ici d’une très grande équipe adverse transcendante ne change rien ni n’émousse cette conviction. Il n’empêche qu’au fil des conversations on se fasse dire que les Lions peuvent ne pas gagner cette CAN, non pas parce que la défaite fait partie du jeu, mais bien pour des raisons autres.
Traduction: les Lions seraient mal dirigés. Rien de nouveau sous le soleil à cet égard, la qualité de l’encadrement administratif et technique des Lions a toujours été un boutefeu.
Oublions un instant la gestion administrative dont l’évaluation est presque toujours entachée de subjectivité, justement parce que cette gestion n’est pas transparente. Sur le front technique, les points de préoccupation se détachent avec netteté et ne semblent pas se résorber au fil des matchs. Ce n’est pas l’indigence de notre attaque, en dépit de la présence de quatre attaquants compétents, qui soucie particulièrement. Cela paraît énervant, en fait, parce que l’on ne comprend pas l’intérêt qu’il y a à s’entêter à ne monter la moindre attaque que par les ailes. On a vu mardi ce que cela donne lorsque Gérémi Njitap est mis sous l’éteignoir.
C’est la gestion de l’effectif humain de l’équipe qui retient l’attention. Le fameux match de mardi illustre, à notre avis, la vision étriquée du staff technique et l’absence de leadership au sein des joueurs. Ce match avait, pour la qualification des Lions, une importance relative. Elle donnait donc à un entraîneur dynamique un certain nombre de possibilités au plan de la gestion de ses hommes.
Idrissou a été encensé lors de la Coupe des confédérations; Olembé et Ndieffi ont toujours bien joué lorsqu’ils ont été appelés. On s’attendait à ce que l’entraîneur, après une évaluation des matchs à venir et de l’état de Mboma et d’Eto’o, pense à « essayer » quelque chose de nature à secouer son équipe. Il se serait posé la question suivante: les Égyptiens ont-ils sur le banc un Ndieffi, un Olembé ou un Idrissou? Non, bien sûr. Le risque aurait donc été très faible de les aligner, par exemple pour une mi-temps entière, et la possibilité de gain, très forte.
Mais il aurait fallu pour cela que notre entraîneur y ait pensé, qu’il ait évalué le chemin qui restait à faire et qu’il ait eu le courage d’informer les personnes concernées de sa décision bien avant le début du match. Si on ne veut pas faire jouer Ndieffi, pourquoi le sélectionner? Mais surtout si on ne peut pas l’utiliser pendant un match sans grand enjeu, quand l’utiliserait-on? Plus on se complaît dans la contradiction, plus on se dirige tranquillement vers une bonne crise d’autorité.
L’autorité s’exerce à la mesure du respect qu’inspirent les décisions qu’on prend et les comportements qu’on affiche. Regardez encore le match de mardi, et arrêtez-vous sur les rapports détestables que la défense a entretenus avec le milieu de terrain. Song a donné de la voix tout le long du match et a constamment, avec raison, interpellé Mbami et Djemba, de très mauvais poil sans doute parce que ça n’allait pas bien. Song est le capitaine, lui et ses collègues à la défense portaient presque seuls le poids du match. C’était sans doute son rôle de gueuler, mais en avait-il l’autorité ?
Alors, si ce n’est pas Song, qui parle dans cette équipe? Existe-t-il un vrai meneur respecté et influent capable de sonner la fin de la récréation et de galvaniser l’équipe? On en doute. Le capitaine de l’équipe, qui incarne aux yeux de beaucoup de Camerounais l’âme même des Lions Indomptables, est au centre de controverses à répétition, une situation troublante en compétition à la quelle les observateurs souhaitent voir plus clair, mais après la CAN; voeux des dirigeants? Mais en attendant que font les autres leaders de l’équipe? On les a peu vu donner de la voix comme l’a fait Song face à l’Égypte.
Le jeu des Lions souffre au double plan de la gestion stratégique des hommes et de l’autorité du capitaine. Il faut rapidement régler cela. Nous avons donc espoir de voir enfin le vrai bloc des indomptables face au Nigéria en quart de finale dimanche prochain.
L. Ndogkoti