Dimanche 21 Janvier. Pointe Noire. Les visages dépités des jeunes camerounais après la défaite contre L’Egypte font peine à voir. Ce classique du football junior et senior des deux pays a souvent tourné à l’avantage des Pharaons. Chez les U-20, tout a commencé un certain jour d’avril 1981…Des anciens Lionceaux ayant participé à des CAN témoignent.
Le 24 Avril 1981, Tarek Soliman marque le 2e but qui donne le trophée du Championnat d’Afrique Junior aux Egyptiens à domicile. Dans l’ancienne formule, les matches se jouaient en aller et retour au format Coupe jusqu’à la victoire finale. L’équipe de Mfédé, Djonkep, Ebonguè, Macky Stéphane ou Eyobo Oscar inaugurait la série de défaites ou de nuls contre l’équipe nord africaine qu’elle accompagnait tout de même en Coupe du Monde en Australie. Le fabuleux milieu offensif égyptien Tahar Abouzeid, deviendra « grand » et bourreau de Thomas Nkono en sénior, 3 ans plus tard à la CAN Côte d’Ivoire 1984 (défaite 1-0 au premier match, déjà).
Jean-Claude MBVOUMIN-CAN juniors EGYPTE 1991:1er tour;
ILE MAURICE 1993: Finaliste
Parmi les sélectionnés, Mbang Penda, Sandjong Justice, Alioum Boukar, Edwin Efany, Echikè…Mbvoumin n’était pas titulaire, lui qui intégrait à peine le Canon de Yaoundé. « On avait à cette époque peu d’expérience internationale », se souvient-il. Il faut dire que le Cameroun se qualifie en deux matches seulement, deux victoires contre la Gambie.
« Nous n’avions pas peur de l’Egypte, même s’ils nous ont montré leur culture professionnelle dans le jeu et l’approche du match« . Dans une poule à trois, à cause au forfaits de l’Algérie et de la Tunisie, les lionceaux cuvée 91 commencent par faire match nul (1-1) contre la Côte d’Ivoire. Le score est le même contre le pays organisateur! La Caf procède alors à un tirage au sort qui élimine les camerounais…
Jean-Claude a la chance de rejouer deux ans plus tard: »En 1993, nous sommes plus expérimentés. La Can se joue à l’Ile Maurice. Dans le groupe, il y a Rigobert Song, Tchoutang, Serge Mimpo, Pius Ndiéfi, ainsi que les regrettés Marc-Vivien Foé et Njuankam Jeffrey . » Au 1er match les camerounais ont au programme le Nigéria d’Okocha, de Taribo West et Babangida. L’actuel président de Culture Footsolidaire reconnait que « Les Aigles Verts nous dominent copieusement, mais nous étions très volontaires. Malgré tous ces noms en face, c’est le jeune Anya Bernabé, joueur de Panthère de Bangangté qui nous délivre à la 66e minute! » Ils abordent sereinement la suite, le Ghana de Samuel Osei Kuffour et de Augustine Ahinful. Les Blacks Starlets encaissent un doublé de David Embé (2-0). Une défaite contre l’Ile Maurice ne trouble pas les hommes du capitaine Song déjà qualifiés pour la demi-finale, contre l’Ethiopie, qui est une formalité(5-0). Retrouvailles avec le Ghana en finale. « Facile, se disait tout le monde! on les a battus au 1er tout…Erreur! notre excès de confiance nous trahira et les Lionceaux seront défaits 2-0 par deux frappes lointaines des Ghannéens avec qui nous iront en coupe du monde en Australie quelques mois plus tard, comme nos ainés en 1981… »
Quels conseils Jean-claude peut-il alors donner au juniors 2007? « L’appréhension de la compétition doit partir. Cette génération, que je trouve exceptionnelle doit passer le 1er tour ou alors disparaitre! Leur réussite sera ainsi un passage plus aisé dans la catégorie supérieure, chez les Lions séniors. Les juniors actuels doivent privilégier avant tout l’esprit de groupe et oublier un peu l’individuel. Leur présence à ce niveau n’est pas le fruit du hasard. » Pour moi rien n’est perdu. Il faut simplement gagner les deux prochains matches. Le football anglo-saxon nous a souvent posé des difficultés. Mais je sais que les lionceaux ont un bon encadrement, et qu’il pourront améliorer leur jeu. » Je pense aussi très fort que le vainqueur du tournoi est dans notre poule. Les quelques professionnels présents tels que Goda, Morfaw et aussi Alexandre Song) peuvent apporter quelque chose, comme de l’audace, de la décontraction ainsi que leur talent brut naturel. Je pense que le match de la Zambie est à leur portée! »
VALERY NTAMAG MAHOP CAN NIGERIA 1995-Vainqueur
Dans le groupe dirigé par Jean Manga Onguéné, on retrouve avec Ntamag Mahop des joueurs comme Pierre Womé, Gérémi, Tchango, Epallè, Simo…L’Egypte n’est pas qualifiée cette année là, éliminée par le Burundi. Valery, qui est aujourd’hui retiré des terrains explique: « notre premier match était contre le Sénégal, à Kaduna, au Nigéria. Ils était durs à jouer, ces grands, ces costauds, si secs. On fait zéro-zéro. Mais ce match qu’on domine dans les vingt dernières minutes nous a aidé à gagner le trophée deux semaines plus tard. c’est à la mi-temps que nous avons vraiment réalisé que nous étions en compétition.« . Comment ce vainqueur du trophée africain 95 explique-t-il la défaite contre l’Egypte? « on peut tenter de dire que les egyptiens sont forts de tous temps contre nous! on a raté le mondial 2006 à cause d’eux. Il n’y a pas que les supporters qui y pensent, quelques fois aussi les joueurs ont les exemples du passé en tête et cela a pu les influencer« . Sa solution ? « les joueurs doivent maintenant s’entrainer dur. Il ne vont rien apprendre de plus techniquement en deux jours, mais ils peuvent améliorer leur explosivité, et le jeu rapide. Il faudra être en confiance, et se rendre compte que c’est le niveau international maintenant: ça n’a plus rien à voir avec les éliminatoires, qui ont semblé faciles. »
L’ancien avant-centre des Lionceaux 95 estime que les coaches ne doivent surtout pas faire de coupes radicales dans l’effectif du premier match. « Les enfants ont le moral fragile, et a priori, l’ossature est établie depuis leur long stage. On n’en n’est plus aux tatônnements. Aboubakar et Mbarga doivent être sûrs de leur équipe. Ce sont des gens posés, calmes, de bons entraineurs. L’esprit de groupe et la camaraderie doivent aussi primer, ce qui les avait conduit à la victoire finale. « En 1995, nous faisions des réunions spontanées par petits groupes de deux ou trois. Il y avait Gérémi, Simo, parfois Alidou, et moi. On ne causait pas vraiment tactique, mais on discutait sur des phases de jeu du match de la journée par exemple. On anticipait peu sur les prochaines rencontres, ne connaissant pas vraiment les adversaires« .
Il poursuit: « En causant entre nous, on évitait de faire notre autocritique, du moins en groupe. C’était par peur de vexer les potes. Si quelque chose avait cloché en match, on le disait au concerné, directement, sans témoins. A ce propos, je me souviens que lors de la Coupe du Monde 95 au Qatar, on joue en quarts de finale contre l’Argentine. J’ai un bon ballon en attaque, je fais une feinte. Alidou pas loin, me demande le ballon, mais je frappe au but! le ballon frôle la barre et sort en 6mêtres. Alidou me reparle de cette action jusqu’à ce jour, 12 ans après! »si tu me l’avais donné, j’aurais marqué contre ces argentins...(rires) Les lionceaux devraient donc écouter leurs encadreurs. Il faut gagner les deux prochains matches, qui les amèneront en coupe du monde.
BAHIYA GILBERT – CAN GHANA 1999-Troisième place
Le gardien de but, sociétaire de Grenoble en L2 n’a pas eu à croiser d’Egyptiens sur sa route. « J’arrive dans le groupe des Lionceaux peu avant la Can, n’ayant pas joué les éliminatoires. Je suis le 2e gardien, derrière Carlos Kameni. Je me souviens qu’on avait disposé de l’Angola 1-0 en ouverture de tournoi. Il est important de commencer en gagnant le premier match, ce qui permet de ne pas se poser de questions. Pour le second match nous avions fait match nul contre le Mali de Seydou Keita, Diarra et Bagayoko. C’était une équipe difficile à manoeuvrer, comme nous avons pu nous en rendre compte quelques mois plus tard en coupe du monde (défaite 5-4 des Lionceaux après avoir mené 3-1, NDLR).
L’ambiance était bonne entre nous, il y avait une bonne émulation entre ceux qui jouaient déjà en Europe et les locaux. La poule des Lionceaux 2007 est relevée. Il faut donc marquer, et gagner les deux prochains matches, pour ainsi écarter nos adversaires directs. Leur défaite en ouverture met une grosse pression sur tout le monde. Il faut qu’ils gardent la confiance, et qu’ils se battent en pensant aux couleurs du pays pendant le 2e match contre la Zambie. A notre CAN, nous avons croisé cette équipe, au match de classement, le seul que j’ai joué d’ailleurs. Je me souviens de joueurs vifs, pas très grands, rapidement surclassés physiquement par les athlétiques Kioyo, Komol Gaspard et Mbami. Le coach adjoint actuel, Mr Mbarga Engelbert était déjà là. Notre unique défaite du tournoi était celle contre le Nigéria, en demie-finale à Kumasi. Nous étions costauds, mais eux l’étaient encore plus que nous! Ils avaient aussi un potentiel technique supérieur au notre.
ERIC DJEMBA DJEMBA CAN ETHIOPIE 2001-Premier tour
« J’ai joué la Can junior en 2001. Comme les Lionceaux de cette année, nous avons eu également un match difficile au début. L »ethiopie, le pays organisateur nous a posé beaucoup de problèmes. Pendant la deuxième mi-temps, nous étions largement dominés malgré ma présence et celle de Modeste Mbami au milieu. » Il faudra un but du remplaçant entré en jeu, Jean II Makoun, à trois minutes de la fin, pour faire taire le chaud public d’Addis Abeba et remporter la victoire 1-0. L’ancien joueur de Manchester United et d’Aston Villa aujourd’hui en prêt à Burnley (D2 anglaise) n’a pas pu voir le match dimanche des Lionceaux: « mais j’ai appris qu’ils ont perdu contre l’Egypte, comme nous il y a 6 ans. Après avoir fait nul 0-0 avec les Pharaons, la Caf, sous la pression du public local a exigé que l’on rejoue à huis clos. On disait que nous nous étions arrangés avec Mido et ses coéquipiers pour se qualifier tous les deux. Lors du match rejoué, l’Egypte nous élimine en gagnant 3-1! »
Comme les autres anciens, il y va d’un conseil ou deux pour les hommes de Eyinga Jackson: « il faut assurer la victoire contre la Zambie, en marquant le plus de buts possible! Il ne faut pas oublier que ceux-çi ont marqué deux fois dans leur défaite face au Nigéria. » Djemba trouve que la classe 2007 est « une bonne génération de joueurs qui doit être bien canalisée. J’ai déjà vu jouer Moukandjo, Mandjeck et Kongnyuy. Je connais aussi le nantais Morfaw . » Il termine sur le sujet en ayant un mot sur le staff technique qui ne lui ait pas étranger: « les Lionceaux ont ce qu’il faut, en la personne de Mr Aboubakar, et surtout de Mr Mbarga Engelbert, qui était mon coach aux Brasseries. C’est un éducateur qui a vu passer des joueurs comme Eto’o, Makoun, Essola et bien d’autres…Ce sont des habitués, ils connaissent bien les jeunes. »
Jean-Pierre ESSO
, à Paris