L’hymne de toutes les polémiques ! Alors que la version officielle interprétée par Charlotte Dipanda et Richard King essuie des critiques acerbes parce que, jugée trop mélancolique et inappropriée pour pareille compétition, de nouvelles propositions plus alléchantes, cadencées et très appréciées par le public, inondent les réseaux sociaux.
La polémique enflait déjà bien avant la cérémonie de présentation officielle des visuels de la Can féminine 2016 le 18 septembre dernier au palais polyvalent des sports de Yaoundé. Sous cape, certains fans de football et non moins supporters des Lionnes indomptables, très remontés par ce qu’ils appellent eux-mêmes, « la platitude de l’hymne » interprétée par le duo Dipanda-Kings, envoyaient des volées de bois vert en direction des deux artistes mais surtout, à l’endroit de la commission technique chargée de sélectionner ce chant qui n’avait, croient-ils savoir, aucune odeur de fête, de célébration, de rassemblement. Pour eux, cette chanson intitulée « Hommage à nos footballeuses » aux airs de slows, s’apparente plutôt à une chanson d’amour, à une romance et donc, inadaptée pour une compétition de la trame de la Can féminine de football où beaucoup attendent qu’elle laisse présager un évènement festif, rassembleur et divertissant. Certains s’offusquent également parce que beaucoup d’argent a été dépensé pour payer à prix d’or, des musiciens de l’opéra Garnier de Paris, nouveau lieu d’apparat de la haute société dans la région parisienne, destiné aux évènements exceptionnels ; afin que ceux-ci apportent leur touche à ce fameux hymne.
Style puissant et à la technicité accomplie
Pourtant, dans l’ensemble, comme le soutient le Comité d’organisation, s’inspirant des critères inscrits dans l’appel d’offre, cet hymne « magnifie la légendaire hospitalité du peuple camerounais. Les étapes qui ont conduit à sa réalisation, la profondeur du texte et le choix des artistes en disent long sur la rigueur qui a guidé le processus. Dans une belle symphonie de mélodies, de rythmes et de messages, c’est un chef d’œuvre au style puissant et à la technicité accomplie ; une musique aux notes rebondissantes inspirées de la culture locale et enrichie d’apports d’experts de renommée internationale ». Le texte, apprend-t-on, exprime le sentiment de joie et de fierté légitimes qui animent les camerounais dans l’attente de la Can 2016, 44 ans après l’organisation de la Coupe des Tropiques sur le sol camerounais. Mais l’hymne officiel de la Can 2016 est surtout aussi, « le champ d’expression des hommages : hommage au peuple camerounais, une illustration de la légendaire hospitalité du Cameroun Afrique en miniature ; hommage aux footballeuses africaines, des talents féminins dont le rayon de l’aurore illumine les 04 coins du continent, dans les mérites infinis de la douce compagne de l’homme, source de vie et mère de l’humanité ».
Macase en embuscade
Suffisant pour susciter une nouvelle levée de bouclier sur la toile où les internautes préfèrent le chant de ralliement composé par le groupe Macase et qui a pour titre «Les amazones». Interprété par les artistes Kareyce Fotso et Danielle Eog, ce morceau sur lequel le jury n’a malheureusement pas jeté son dévolu, déchaîne l’envie des internautes de le voir devenir l’hymne officiel de la Can en lieu et place de celui interprété par Charlotte Dipanda et Richard Kings. Telle une traînée de poudre, le titre est répandu sur les réseaux sociaux et passe en boucle dans plusieurs stations de radios à Yaoundé et à Douala, au grand dam de celui présenté à la Confédération africaine de football.
Comme si cela ne suffisait pas, quelques jours plus tard, c’est l’artiste Awu en duo avec Gaelle Achiri qui « bombarde » sur la toile le titre « our game » qu’accompagne un vidéogramme à couper le souffle. La direction artistique est nettement mieux réussie qu’il s’agisse de la composition ou du visuel. Pour beaucoup, l’identité culturelle africaine ressort dans la musique, la mouvance est africaine et la forme est plus contemporaine. Avec sa coloration et orchestration Afro moderne, la chanson est représentative du continent, et ressort un panafricanisme et un métissage multiculturels. D’aucuns pensent même qu’« elle va au-delà du Cameroun, sans distinction frontalière ». Mieux, « les lyrics et le texte sont explicites, digestes mieux écrits, facilement assimilables et accessibles au public ». Cerise sur le gâteau, les chanteurs utilisent un langage mixte entre anglais et français courants et pidgin.
Roméo Dika au banc des accusés
Mis au banc des accusés suite à une pluie de critiques acerbes, Roméo Dika, compositeur de l’hymne officielle, tente de se dédouaner en indiquant que l’«hommage aux footballeuses» est inspiré des hymnes des Coupes du monde de 1990 et 1994. «L’hymne de la Coupe du monde 1990 quand vous l’écoutez 26 ans plus tard, vous avez l’impression qu’elle vient d’être composée. Alors que la plupart des chansons dansantes au bout de trois mois on n’en entend plus parler», soutient l’artiste musicien, arrangeur et producteur. Et de poursuivre, « Je me rends compte que les Camerounais sont de grands analphabètes (..). Ce qui me choque le plus c’est le côté raciste que je découvre en tout Camerounais (…) si on s’en tient à la définition d’un hymne telle que précisée dans le dictionnaire, je pense qu’il n‘ y a pas débat (…) Il y a des chansons d’animation c’est le cas de la chanson de Shakira lors du mondial 2010 en Afrique du Sud qui n’était pas un hymne, mais une chanson qui était contenue dans un album qu’avait commis plusieurs artistes. Et, le titre de Shakira avait seulement connu plus de succès. Ce n’était pas l’hymne de l’évènement ».
Des explications que balaient d’un revers de la main certains collègues artistes, soutenant au passage que le jury s’est montré complaisant dans la sélection. Depuis lors, on assiste donc à un véritable boycott de l’hymne officielle, boudés presque partout, au profit des autres versions. Et dire que l’arrangeur principal et chef d’orchestre de cet hymne a pour nom : Paul Biya. Sacrilège !
Christou DOUBENA