Nous avons rencontré le sélectionneur national quelques minutes après la décision de la FIFA de reporter le match Gabon-Cameroun à une date ultérieure. Nous souhaitions nous entretenir avec lui de cette décision et des prochains chantiers.
Camfoot.com: Quelle réaction après le report du match Gabon-Cameroun ?
Thomas Nkono: C’est une décision qu’on attendait de la part de la Fifa. Nous sommes assez tranquile par rapport à ce match qui semblait difficile à négocier à cause de tout ce qui se disait tout autour. Certaines personnes pensaient que le match serait renvoyé, d’autres disaient qu’il va se jouer. L’état d’esprit n’était pas au mieux pour préparer cette rencontre. Aujourd’hui au moins nous avons la certitude que ce match est reporté et à partir de là, cela nous donne un temps de réflexion supplementaire après avoir vu tout ce que nous avons sous la main et à partir de là on prendra des décisions pour nous améliorer.
Camfoot.com: Qu’est ce qu’il y a lieu de faire maintenant ? Allez-vous libérer les joueurs ?
Thomas Nkono: Voyez vous, garder les joueurs pendant cinq jours, une semaine, cela ne vaut vraiment pas la peine par rapport à la situation morale des joueurs. Ils sont en congé, ils sortent d’un long championnat pour certains, chacun a sa préoccupation par rapport à son contrat. Vous voyez que c’est difficile. Aujourd’hui il va falloir qu’on se réunisse pour voir quelle décision prendre et ceci se fera dans les trois prochaines heures.
Camfoot.com: Si on revenait sur le match de samedi en Côte d’Ivoire, quels enseignements peut-on tirer ?
Thomas Nkono: Les enseignements sont simples et je vais le dire d’une manière claire. On ne peut pas jouer au football moderne en pensant qu’on ne va pas souffrir. Aujourd’hui on nous demande de faire un changement, je me dis que le changement doit être fait à travers la mentalité de tout le monde, à travers les joueurs qui sont à l’équipe nationale. Ils doivent savoir qu’ils sont là pour mouiller le maillot. Si vous mouillez le maillot et que vous passez de travers, il n’y a pas de problème. Il faut qu’ils soient là, dans leur tête et après on peut les préparer à mouiller le maillot. Ce que je veux dire par là c’est qu’il y a des situations que je n’aimerais pas commenter. Je vais le dire directement aux joueurs. Si certains joueurs ne sont pas préparés pour être avec nous il faut qu’ils le disent et ils feront une faveur à notre pays et aux entraîneurs qui sauront qu’ils ne peuvent pas compter sur eux. Nous sommes dans un moment de sacrifice et ce n’est que comme ça que nous pouvons rebondir.
Camfoot.com: Parlant toujours de ce match contre le Maroc, après la rencontre, beaucoup estiment qu’il y a plusieurs joueurs qui n’ont plus leur place dans cette équipe ?
Thomas Nkono: Justement, c’est pour cela qu’il y a des matches amicaux et c’est l’occasion de voir la valeur de chacun. À partir de là, on a une idée sur chacun. S’il y a pas de matches amicaux c’est difficile. Parfois on prend des décisions discutables, parce qu’on peut donner un rendement à l’entraînement différent de celui en situation de match. On veut voir la valeur du joueur dans les matches.
Camfoot.com: Est-ce que c’est injuste pour vous de voir certains ténors être contestés à l’instar de Geremi Sorel Njitap qui a pourtant tout donné à cette équipe ?
Thomas Nkono: Le football est fait ainsi, il faut qu’on le comprenne et même Geremi le sait. C’est vrai que la situation lui met beaucoup de pression et on aimerait qu’il joue beaucoup plus libéré. Mais ce n’est pas seulement le cas de Geremi; tant que Geremi donnera un bon rendement, il va falloir qu’on lui fasse confiance. On ne fera pas un changement pour faire un changement. Regardez l’équipe que nous avons aujourd’hui, il n’y a pas un latéral droit de métier et pour former une équipe il faut mettre chacun à sa place et à partir de là, on travaille. Si on commence à faire des suppositions, on n’en finira pas. Il faut convoquer les joueurs de métier, en faisant en sorte que s’il arrive un malheureux accident, à ce moment on peut commencer à adapter des joueurs à certains postes.
Camfoot.com: Pour le match de septembre est ce qu’on peut s’attendre à voir de nouveaux joueurs ?
Thomas Nkono: Jouez le 5 septembre est une bonne chose pour nous parce que cela nous donne le temps de travailler, d’injecter du sang neuf, de planifier un match amical. Je peux vous rassurer que pour le match de septembre, il y aura des nouveautés avec les gens qui veulent être là.
Camfoot.com: La Fifa vient d’abolir la limite d’âge pour les binationaux. Allez-vous convoquer en sélection des joueurs comme David Ngog, Marvin Matip, Jean Armel Kana Biyick ?
Thomas Nkono: Vous savez ce sont des cas délicats puisqu’il faut déjà que tous ces jeunes que vous savez cité aient envie de venir. J’ai assisté à une des réunions avec les parents d’un des jeunes joueurs qui avait beaucoup d’appréhensions quant à cette possibilité. Vous savez, le joueur, quand on ne lui donne pas les assurances qu’il trouvera son bonheur, il a la peur de l’inconnu. On peut peut-être s’approcher des joueurs et les rassurer et aussi aider les administratifs pour qu’ils aient beaucoup plus de facilité à ramener ces joueurs.
Camfoot.com: Le Cameroun croise le Gabon le 5 septembre à Libreville, et 4 jours plutard à Yaoundé, ce ne sera pas pénible pour votre équipe ?
Thomas Nkono: Beaucoup de nos joueurs sont habitués à jouer après 72 heures, mais je me dis les matches doivent être négociés selon le calendrier.
Camfoot.com: Avez-vous des motifs de satisfaction après le match amical contre la Côte d’Ivoire ?
Thomas Nkono: Il y a toujours des satisfactions. Vous savez quand je regarde un match, je ne reste pas focalisé sur le résultat. Je vois les choses qui ont été bien faites par rapport au nouveau système que nous avons mis en place et à partir de là, on sait qu’est ce qui nous a manqué. Il nous a manqué le jeu offensif et il faut travailler dans ce sens, au niveau de la circulation du ballon, je reste satisfait du jeu produit lors des deux dernières mi-temps, au moins l’équipe a osé. Il vaut mieux oser parce que c’est en le faisant que notre équipe doit monter en puissance.
Camfoot.com: Ce report va également permettre certainement de récupérer le capitaine Rigobert Song qui s’est blessé à Abidjan ?
Thomas Nkono: Je crois qu’il a une petite luxation au niveau des épaules. Il a fait des examens qui vont nous rassurer et le Professeur Atchou nous dira exactement de quoi il s’agit. Nous espérons pouvoir compter sur lui comme d’habitude tant qu’il nous donne satisfaction.
Camfoot.com: A la fin du match contre le Maroc vous avez évoqué la faiblesse de vos joueurs de couloirs, comment compter vous résoudre ce problème pour les prochains matches ?
Thomas Nkono: Comment je l’ai dit, nous avons une bonne idée à ce propos qui sera testée aux entraînements.
Camfoot.com: Entraîneur national des Lions indomptables, est-ce que ce n’est pas finalement lourd à porter ?
Thomas Nkono: Vous savez quand j’étais avec Otto Pfister, je croyais que c’était facile à gérer. Je le voyais faire les entraînements, être préoccupé par l’état des joueurs, préoccupé à donner une liste. Je me rend compte que c’est très difficile, mais je me dis c’est un honneur. C’est une responsabilité très grande. Nous avons l’opportunité d’amener notre pays à cette coupe du monde, mais je le dis bien une fois de plus pour que vous le sachiez, on ne le ferra pas si tous les camerounais ne sont pas prêts à nous soutenir.
Je prend toujours un exemple très simple, je l’ai vécu il n’y a pas deux mois avec mon club. Nous étions 20ème en Liga et avons terminé en 10ème position. Et c’est grâce aux médias, au public, aux joueurs que nous sommes sortis de cette situation. Si on ne positive pas et qu’on tire toujours la sonnette d’alarme en disant qu’on va perdre au Gabon, que notre équipe ne vaut rien, alors on ne fera peut-être rien.
Il faut qu’on sache que c’est difficile mais qu’on peut y arriver, on a fait peut-être un ou deux faux pas; pourquoi les autres ne feraient pas la même chose ? On n’a pas fait le résultat qu’on pensait faire mais je crois qu’on a les capacités pour atteindre l’objectif.
Je comprends aussi votre position, vous les hommes de medias, mais je me dis que si vous aidez vos jeunes frères, nous y arriverons. Nous y arriverons parce que l’objectif est le même. Si nous allons en coupe du monde, la presse y sera aussi. Mais si on se loupe, nous resterons tous à la maison.
Camfoot.com: Vous évoquiez tout à l’heure cas le cas de l’Espagnol de Barcelone où vous êtes entraîneur adjoint, comment pensez vous à l’avenir assumer cette double casquette ?
Thomas Nkono: La casquette elle est simple, par rapport à ma situation à l’Espagnol de Barcelone. Disons déjà que c’est grâce à eux que je suis là, sinon je n’aurais même pas pu accepter le poste d’entraîneur des gardiens.
Ils ont compris que c’est mon pays et qu’il faut que je rende service. De la même manière, grâce à une bonne organisation, on peut y arriver. Souvenez-vous de Hiddink qui encore dernièrement partageait les tâches de sélectionneur de la Russie et de manager à Chelsea. C’est vrai que les conditions sont différentes, mais n’empêche que ce sont les mêmes obligations pour tout le monde. Il faut avoir une bonne équipe de techniciens, que se soit ici ou en Europe pour arriver à diriger une équipe nationale. Pour le moment, nous sommes encore intérimaires et je me dis que nous avons beaucoup de travail à faire.
Camfoot.com: Quel est le vœu que vous pouvez émettre ?
Thomas Nkono: Le voeu que je peux émettre c’est qu’on regarde dans la même direction. Je pense que c’est dans l’harmonie qu’on arrive à surmonter les moments de trouble. C’est probablement ce qui nous a manqué à certain moment.
Il faudrait qu’aujourd’hui dans la difficulté, qu’on se donne la main et qu’on prenne un nouveau départ, que ce soit les journalistes, le public, bref tous ceux qui sont dans le football. C’est grâce à vous, grâce aux joueurs que nous y arriverons.
Il y a aussi un point fort important que je voudrais signaler. Quand je vois qu’on joue contre le Maroc au Cameroun et que l’arbitre annule sans justification un but, il annule un penalty et qu’aucune radio, aucune télévision, aucune presse écrite ne puisse vraiment dénoncer cela, c’est grave. Je dis bien que c’est grave. Quand vous regardez la cassette du match Gabon-Togo, vous voyez qu’on donne un carton rouge à un joueur Togolais, le Gabon n’avait pas besoin de cela mais ça aide toujours. Si lors de notre match cet arbitre siffle un penalty et donne le carton rouge à ce gardien marocain, les données auraient été différentes et c’est pour ça que je dis que tout le monde doit s’impliquer.
Entretien mené par Guy Nsigué à Yaoundé