L’histoire de l’Afrique avec la Coupe du Monde ne se résume pas à un nom, mais presque: celui de Roger Milla, dont la danse à chacun de ses quatre buts lors de l’épopée du Cameroun au Mondial-1990 a fait le tour du monde, avant que son but en 1994, à 42 ans, ne parachève sa légende.
1982. Pour sa première participation à un Mondial, le Cameroun demeure invaincu mais, au gré de trois nuls et d’un seul but marqué (mais pas par Milla), est éliminé dès le premier tour.
1990. Milla est rappelé pour le bien de la patrie alors qu’il avait réuni 60.000 personnes trois ans plus tôt pour un match d’adieux. Le vieux Lion sort d’une saison en préretraite sur l’île de la Réunion, où il évolue à un niveau amateur, pour défier les grands de ce monde. A 38 ans.
« Le peuple camerounais avait insisté et le chef de l’Etat m’avait appelé, raconte Milla. J’avais la foi et j’étais prêt physiquement et techniquement. Si un joueur est capable d’apporter quelque chose, pourquoi pas? Surtout si c’est l’oiseau rare ». L’Argentine de Maradona, championne du monde en titre, tombe d’abord face à neuf Lions dans le match d’ouverture (1-0, but d’Omam-Biyik).
42 ans et 39 jours
Puis Milla, remplaçant de luxe, entre dans la danse avec quatre buts, fêtés chacun d’un déhanchement auprès du poteau de corner, la main gauche sur l’abdomen, la droite en l’air: un premier doublé contre la Roumanie en phase de poules (2-1), un second contre la Colombie en 8e de finale (2-1 a.p.), grâce notamment à ce ballon chipé dans les pieds du fantasque portier adverse, René Higuita.
L’aventure se termine en 1/4 de finale contre l’Angleterre, et reste la meilleure performance d’une équipe africaine en Coupe du monde (égalée par le Sénégal en 2002).
En 1994, le Cameroun fait un flop monumental, éliminé dès le premier tour. Milla en profite néanmoins pour jouer son dernier tour: la Russie passe six buts aux Camerounais (dont le quintuplé de Salenko) mais le vieux Lion sauve l’honneur en marquant son 5e but pour sa troisième Coupe du monde. A 42 ans et 39 jours, record du plus vieux joueur et plus vieux buteur dans l’histoire de la compétition.
Interrogé sur le meilleur souvenir de ses Coupes du monde, Milla répond: « C’est déjà d’en avoir joué trois! Mon 2e but contre la Roumanie m’a fait particulièrement plaisir, parce que je me fais la passe à moi-même. On ne voit jamais ça! »
Son histoire commence dans les années 1970. Première de sa centaine de sélections en 1972, premier Ballon d’or africain en 1976 (le second sera pour 1990). La notoriété du « bouillant Kadhafi », surnom dû à ses coups de gueule, franchit la Méditerranée et il effectue une carrière d’une dizaine de saisons en France (Valenciennes, Monaco, Bastia, Saint-Etienne et Montpellier).
Dent dure
Après une dernière pige en club en Indonésie, il raccroche les crampons en 1996, à 44 ans. Véritable mythe au Cameroun, il croule sous les distinctions honorifiques.
Révéré par l’Afrique, le vieux Lion a néanmoins la dent dure sur le football de son continent. Contre les instances de manière générale: « Aujourd’hui, quand quelqu’un veut devenir président ou quelque chose dans une fédération ou autre, c’est pour l’argent. Ce n’est pas normal qu’on donne de l’argent à la fédération, et que les joueurs ne touchent rien ou presque ».
Ou contre la Confédération africaine (CAF), ainsi visée après la Coupe d’Afrique 2010 en Angola marquée par le mitraillage du bus togolais qui a fait deux morts dans l’encadrement: « La CAF doit mieux organiser les Coupes d’Afrique. Il faut le dire, elles ne sont pas bien organisées ».
Le vieux Lion rugit encore.