Rapporteur de la commission Milla, un groupe de six personnes chargé de faire des recommandations pouvant permettre de redorer le blason des Lions indomptables, Michel Kaham s’exprime sur ce qui est selon lui, la cause de la débâcle de la sélection camerounaise devant le Togo.
Quel commentaire vous inspire le match Cameroun – Togo de samedi dernier, lequel s’inscrivait dans le cadre de la première journée du dernier tour des éliminatoires Can et Mondial 2010 ?
C’est une énorme déception. Je dois le dire d’emblée, le Cameroun regorge d’énormes potentialités sur le plan des joueurs. Ce qu’on a comme bagage au niveau des joueurs, on ne devrait pas passer à côté d’un match comme celui de samedi contre le Togo. Le Cameroun a en son sein, Samuel Eto’o, l’un des meilleurs sinon le meilleur avant centre du monde. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Raymon Domenech, le sélectionneur de l’équipe de France de football.
Cela dit, il est incompréhensible de jouer aussi mal. Il faudra faire très attention parce que c’est un championnat. Perdre des points d’entrée pourrait nous coûter très cher comme ce fut le cas pour les éliminatoires du mondial 2006. Je pense qu’on ne pourra pas supporter une deuxième élimination consécutive à une phase finale d’une coupe du monde. Ça sera catastrophique pour ceux qui vivent comme moi du football.
Selon vous, les joueurs ont perdu pas parce qu’ils n’étaient pas à la hauteur, mais parce qu’il y a eu un mauvais coaching tant sur le choix des hommes que sur le système de jeu….
Je pense tout d’abord que l’environnement des Lions doit être serein. Je prends à titre d’exemple la phase finale de la coupe du monde 90 que nous avons géré malgré les secousses. Pour finir, le Cameroun s’est hissé à la 5e place mondiale. Aujourd’hui, il n’y a pas de sérénité autour des Lions. Qu’on sache que les joueurs n’ont pas à participer dans la confection des listes. Ça c’est le mot clé. Si les encadreurs n’ont pas la carrure pour le faire, ils n’ont pas de la place au sein de l’équipe nationale. Il y a également cette histoire des primes qui a été fabriquée de toute pièce autour des Lions. Elle a affecté les joueurs. L’un d’eux qui s’est confié à moi avec des mots profonds, affirme qu’ils n’ont jamais revendiqué une revalorisation de prime. Ce genre de rumeur est à condamner parce que dangereuse.
Pourtant le ministre dans sa dernière sortie à semblé reconnaître enfin que cette histoire de prime avait un fondement dans la tanière des Lions.
Je vous dis donc que ça ne vient pas des joueurs. J’ai été convaincu par le témoignage de certains d’entre eux. Il faut donc chercher à qui profite le crime.
L’entraîneur, pour expliquer le revers de son équipe, prétend que ses joueurs n’ont pas respecté les consignes sur le terrain. Pensez vous qu’il y a une faiblesse au niveau de l’encadrement technique ?
Ces joueurs sont assez professionnels et ils savent respecter les consignes. Je pense que c’est plutôt la gestion de l’effectif des Lions qui est à remettre en cause. Je le dis sincèrement. Samuel Eto’o, meilleur avant centre du monde, dans un match comme celui-là n’a pas une seule occasion de but. Avec la pléthore de joueurs que l’on a , c’est donc qu’il y a un problème de l’utilisation des joueurs. Moi, en tant que technicien de football, je ne peux pas comprendre que Samuel Eto’o Fils tire les corners ou soit positionné à 30 mètres du départ. Ce joueur talentueux à besoin d’occasion pour marquer des buts comme il le fait à Barcelone. Il y a donc un problème de coching dans cette équipe. Eto’o est mal utilisé en équipe nationale et la faute revient à ceux qui l’utilise. Il ne peut donc pas produire ce qu’il fait à Barcelone .
Je prends toujours l’exemple de 90 où dans l’équipe on avait des Bell, Nkono, Milla, Ekeke, etc. Ce n’étaient pas des enfants de cœur, mais personne n’avait rien à dire sur la composition de l’équipe. C’est une question d’avoir autour de cette équipe une tête suffisamment froide pour décider justement et vous allez voir les consignes seront respectées.
Vous faites partie de la commission Milla qui s’est réunie lundi pour analyser le jeu des Lions face au Togo et faire des propositions pour un meilleur avenir. Est-ce qu’on peut avoir la quintessence des recommandations ?
C’est un travail qui a été demandé par le président de la Fécafoot. Et c’est à lui que les conclusions ont été remises. Maintenant quand elles seront rendues officielles, on aura le droit de les commenter. Mais je peux dire ici avec amertume que nos premières recommandations faites au lendemain de la Can 2008, ont été mises dans les tiroirs. Et ce qui est malheureux dans ce pays, c’est que quand vous donner un avis qui concerne la gestion de la sélection nationale, on a vite fait de vous placer du côté du ministère des Sports ou de la Fécafoot. Mais non, je pense q’on veut servir le football camerounais comme on l’a toujours fait. On n’est pas la pour servir des hommes qui vont partir.Ce n’est pas nécessairement dit chassons un entraîneur ou gardons le. Il s’agit de mettre en place quelque chose qui fonctionne objectivement. Le Cameroun est béni d’avoir un riche potentiel de joueurs.
A votre avis, que faire pour redorer blason des Lions indomptables ?
Quand je vois l’effectif que le Cameroun a, je dis que chacun rêverait d’être autour de cette équipe. C’est quand on n’a pas de joueurs qu’on se plaint. On en a assez, mais on n’arrive pas à les manager. Ça a marché en 90 parce qu’il y avait autour de l’entraîneur principal, trois tête froides. On confrontait les listes. C’est d’abord ce qu’il faut mettre en place pour qu’il ait des choix objectifs. Il faut par exemple s’investir pour qu’il ait un préparateur physique. S’il était autour d’un match comme celui contre le Togo, il verrait bien qu’il y a quelque chose qui manque sur ce plan. Et nous, du métier, on est bien obligé de dire n’allons pas chercher dans le ciel, c’est dans le management de ces joueurs qu’il y a problème.
Écrit par Nana Paul Sabin, La Nouvelle Expression