La phase de groupe de la Coupe du monde a été tout sauf prévisible. La France et l’Italie sont devenues la première paire de finalistes du Mondial précédent à ne pas survivre au premier tour. La Nouvelle-Zélande est restée invaincue. La Suisse a battu l’Espagne. La Corée du Nord s’est fait savonner 7-0. Et Diego Maradona, désolé de me répéter, passe pour un génie.
Mais la grande surprise, c’est la performance quelconque des six pays africains. Le Ghana est le seul qualifié pour le deuxième tour. Pour un continent qui espérait que cette Coupe du monde en terre africaine serait l’occasion d’une percée historique, c’est peu.
«Une douche froide», a reconnu hier le président de l’Association de football de Zambie, Kalusha Bwalya, lors d’une rencontre médiatique sur le football en Afrique, à Soccer City.
Les pays africains ont disputé 18 matches au tour préliminaire. Ils en ont gagné seulement trois. Le Ghana a vaincu la Serbie 1-0 grâce à un penalty. L’Afrique du Sud a profité de la crise qui déchirait l’équipe de France pour battre les Bleus. Et la Côte d’Ivoire a blanchi hier la Corée du Nord, dans un match qui n’avait plus aucune signification.
En toute justice, la Côte d’Ivoire ne s’est pas trop mal débrouillée dans le fameux «groupe de la mort». Les Éléphants auraient mérité mieux qu’un match nul de 0-0 contre le Portugal. Mais pour le reste, c’est un catalogue de déceptions. Les Lions indomptables du Cameroun, métamorphosés en gentils petits minous, ont perdu leurs trois matches. Le Nigéria était hors de course après deux parties. Et l’Algérie n’a pas compté un seul but du tournoi.
«Il faut revoir la manière dont nous nous préparons, a dit M.Bwalya, ancien capitaine de l’équipe nationale zambienne. Par moments, nous avons montré le panache dont nous sommes capables. Mais à d’autres moments, nous nous sommes effondrés, comme si nous ne pouvions pas gérer le stress de jouer à la maison.»
Les entraîneurs étrangers
La nervosité est une explication. Mais ce n’est pas la seule. Depuis deux jours, les tribunes téléphoniques des Ron, Ron, Ron sud-africains ne dérougissent pas. Chacun a son hypothèse pour élucider le mystère des contre-performances du «club des six». Et l’entraîneur étranger est le coupable le plus souvent pointé du doigt.
Seule l’Algérie employait un ressortissant national comme sélectionneur: Rabah Saâdane, assistant, puis entraîneur titulaire lors des deux précédentes participations du pays au Mondial, en 1982 et en 1986. Ailleurs, la Côte d’Ivoire et le Nigéria employaient des coaches suédois Sven-Goran Eriksson et Lars Lagerback, respectivement , tandis que le Cameroun comptait sur le Français Paul Le Guen, et l’Afrique du Sud, sur le Brésilien Carlos Alberto Parreira. Le Ghana est dirigé par le Serbe Milovan Rajevac.
Pour le grand footballeur sud-africain Jomo Sono, qui a joué pour le Cosmos de New York dans les années 70 et a fait trois séjours à la barre des Bafana Bafana, on fait erreur en parachutant des coaches étrangers en Afrique, où ils sont confrontés à une mosaïque de cultures. «En Angleterre, il n’y a pas de problème, les joueurs sont tous des Anglais. Même chose en Argentine. Mais au Nigéria, en Afrique du Sud, il y a plusieurs ethnies. Il faut que l’entraîneur comprenne la manière de penser de chacun. C’est pour ça que, selon moi, il faut qu’un entraîneur passe au moins six mois par an dans le pays qui l’emploie.»
Ce n’est sans doute pas un hasard si c’est le Ghana qui s’est le mieux débrouillé au premier tour. Rajevac, entré en fonction il y a deux ans, a eu le temps de se familiariser avec ses joueurs et d’implanter son système de jeu. On ne peut en dire autant d’un mercenaire comme Eriksson, qui a accepté le poste il y a trois mois et n’a pu travailler que cinq semaines avec les joueurs ivoiriens avant le début du Mondial.
«Il faut de la continuité, plaide l’ancien international français Patrick Vieira, né au Sénégal. Il ne faut pas changer d’entraîneur au dernier moment, à six semaines de la Coupe du monde. Il faut essayer de travailler dans la tranquillité et la sérénité que, malheureusement, il est assez difficile d’avoir dans les pays africains.»
François Begin