« Tout le monde garde le souvenir de 1990. Pourtant, 1990 c’est une seule édition de la Coupe du Monde. Pourquoi ne parle-t-on pas des autres années ? Que s’est-il passé en 1994, en 1998, en 2002 et en 2006 ? Nous avons fait un bon parcours une fois : une seule participation réussie. Toutes les autres participations se sont soldées par des échecs que nous avons happés par un esprit complaisant qui fait qu’on ne regarde pas la vérité en face et on se compromet. »
Comment expliquer l’élimination des Lions Indomptables avant la fin du premier tour ?
L’équipe du Cameroun a perdu ses deux premiers matchs sans avoir joué contre le premier du groupe. Dans ces conditions, l’équipe est la dernière et ne peut donc se qualifier pour le tour suivant.
Les Lions sont derniers de leur groupe alors qu’on garde un très bon souvenir de cette équipe, notamment lors de la Coupe du Monde de 1990. Pourquoi cette déconfiture ?
Tout le monde garde le souvenir de 1990. Pourtant, 1990 c’est une seule édition de la Coupe du Monde. Pourquoi ne parle-t-on pas des autres années ? Que s’est-il passé en 1994, en 1998, en 2002 et en 2006 ? Nous avons fait un bon parcours une fois : une seule participation réussie. Toutes les autres participations se sont soldées par des échecs que nous avons happés par un esprit complaisant qui fait qu’on ne regarde pas la vérité en face et on se compromet.
Quelle est cette vérité ?
La vérité est qu’on a été six fois en Coupe du Monde et que cinq fois on est rentré au premier tour. Et le seul résultat que nous mettons toujours en avant est celui de 1990, comme si c’était ça notre régularité. La vérité est que nous n’avons jamais gagné de match de Coupe du Monde en dehors de 1990. Sauf l’Arabie Saoudite qu’on a battu en 2002. Et encore ! Par un but à zéro. Voilà les chiffres de l’équipe du Cameroun. Si on avait accepté de regarder cette vérité en face depuis longtemps, on aurait probablement accepté de prendre les mesures qui s’imposent et on n’aurait pas continué dans cette voie qui nous conduit aujourd’hui là où nous sommes.
De quelles mesures parlez-vous? Pensez-vous qu’il y ait un problème de discipline, de cohésion ou encore de sélection des joueurs ?
La discipline et la cohésion sont des choses qui viennent en dernier lieu et il faut parler plus de cohérence que de cohésion. La cohésion s’adresse à l’équipe mais la cohérence c’est d’abord les idées. Une équipe ce n’est pas simplement les joueurs qui sont sur le terrain : c’est une politique générale de management. Il faut définir où on va, qu’est-ce qu’on recherche… etc. Lorsqu’on a répondu à ces questions, ce qu’on fait ensuite devient cohérent avec les idées de départ qui guident la conception de la politique qu’on veut mettre en place. Lorsqu’on est complaisant, on finit par avoir ce que nous avons eu. C’est-à-dire qu’à un moment, le sport nous rattrape et il est implacable. Nous n’avons jamais été contents d’une Coupe du Monde depuis 1990. Et à chaque fois qu’on n’est pas content, on rejette les torts sur quelqu’un d’autre, jamais sur nous-mêmes. Dans tous les cas, on se pare de la réussite de 1990.
La mauvaise prestation des Lions était-elle donc prévisible ?
Il y avait tous les indices qui montraient qu’on ne serait pas bons lors de cette Coupe du Monde. Nous nous sommes laborieusement qualifiés dans un groupe où il y avait le Togo, le Gabon et le Maroc. Mais nous avons fait passer le Togo, le Gabon et le Maroc pour des foudres de guerre afin de nous attribuer le mérite d’un miracle. Personne n’a eu le courage de dire que se qualifier dans ce groupe là n’était pas un miracle et si c’en était un, ça veut dire qu’un échec cuisant nous attendait forcément en Coupe du Monde où il n’y aurait pas de Togo ni de Gabon.
Si pour pouvoir se galvaniser d’avoir gravi les hauteurs en saut en hauteur, vous abaissez la barre, ne vous étonnez pas que si vous allez à une compétition mondiale, vous ne franchissiez aucune barre. Nous avons rabaissé nos exigences. Donc, évidemment, nous nous satisfaisons de faux obstacles que nous nous posons nous-mêmes. Quand une équipe du Cameroun, qui se veut être leader africain et qui devait être l’espoir de l’Afrique pour remporter la Coupe du Monde est contente de se qualifier péniblement dans un groupe où il ya le Gabon et le Togo, lorsque cette équipe va en Coupe d’Afrique des Nations et sort en quart de finale et qu’à cette Can, le Gabon confirme que le Cameroun est à son niveau puisqu’il le bat, et que jusque-là, on ne se rend pas compte de ce qui est en train de se passer, on ne peut pas après crier à la surprise quand en Coupe du Monde on ne gagne pas de match.
Les problèmes internes à l’équipe dont les journaux ont récemment parlé ont-ils aussi pu être à l’origine de cette débâcle ?
Les problèmes internes font partie de la cohérence dont je parlais tantôt. Si vous gérez votre équipe avec complaisance ou dans l’incompétence, les problèmes internes naîtront. Les problèmes internes sont le résultat d’une absence de rigueur. Le management est là pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de problèmes internes. Il n’y a jamais de problèmes internes chez les vainqueurs, il n’y a jamais de problèmes internes chez les compétents, il n’y a jamais de problèmes internes chez les champions. Les problèmes internes c’est pour ceux qui ne passeront pas. Parce que, forcément, ça veut dire qu’il ya un problème de management. Il n’ya pas de problèmes internes là où il y a un manager rigoureux et compétent.
ANNE MIREILLE NZOUANKEU À JOHANNESBURG