Depuis qu’il a été inventé par les Anglais dans la deuxième moitié du 19ème siècle, le football ne cesse de conquérir le monde. Ce séduisant jeu de balle au pied est devenu un sport de compétition, charriant passions et enjeux multiples, surtout sur le plan international où il est devenu à la fois une plateforme économique et un instrument d’affirmation des peuples et d’orgueil pour leurs gouvernants. Ce 19 novembre 1870 à Londres, les organisateurs de la première rencontre internationale de football entre l’Angleterre et sa voisine l’Ecosse (1-0) étaient certainement loin d’imaginer que ce sport atteindrait le Graal que l’on connaît aujourd’hui.
Le match Cameroun-Maroc de dimanche 7 juin 2009 au stade Ahmadou Ahidjo est donc la poursuite d’une vieille aventure humaine, régulièrement traversée de joies et de peines indescriptibles. L’enjeu sportif de la confrontation entre les Lions indomptables et les Lions de l’Atlas est énorme : les premiers, après cinq participations, ont manqué la dernière édition de la Coupe du monde dans un scénario dramatique comme seul le football sait en procurer, d’un cheveu lors de la dernière journée des éliminatoires zone Afrique. Les seconds, après 1970, 1986 et 1998, rêvent d’une quatrième participation au rendez-vous mondial du ballon rond. Mais pour les uns et les autres, la campagne de la dernière étape qui mène à l’Afrique du Sud l’an prochain, pour la première Coupe du monde organisée en Afrique, a plutôt très mal démarré le 28 mars dernier : défaite à domicile du Maroc devant le Gabon (1-2) et du Cameroun à Accra devant le Togo (1-0). D’où la victoire absolue lors de la prochaine journée qui apparaît comme un impératif de survie pour l’une et l’autre équipe. La pression est donc énorme et réelle sur les deux formations, et aucune pommade ne peut permettre de l’édulcorer.
Et pourtant, il ne faudrait pas que l’enjeu tue le jeu. Il faudra bien que, après dimanche 7 juin, le ballon continue à rouler tranquillement dans nos stades, car telle est sa destinée. A l’heure où la pression monte de part et d’autre, il est utile de le rappeler parce qu’il n’y a pas mille scénarios en football mais uniquement trois : la victoire souhaitée, le nul craint et la défaite honnie. Il faut bien admettre que les mauvais résultats, qui dimanche prendraient la couleur de la défaite et du nul (coté camerounais) ou d’une nouvelle défaite (côté marocain) font partie du jeu nommé football. Ce que nous disons ici n’est pas de la rhétorique philosophique mais la traduction d’une réalité sportive toute simple, qui tend souvent, malheureusement, à nous échapper quand nous sommes happés par la passion et l’émotion que charrie le football.
La mal n’est pas de perdre un match de football, mais de s’engager dans une compétition en se donnant les moyens de ne pas y honorer sa participation. C’est avec cette dernière attitude que l’on peut comprendre souvent la furie des passionnés du foot, sans cautionner le moins du monde leurs débordements. Alors, le Cameroun s’est-il donné les moyens de sortir la tête haute de sa confrontation de dimanche prochain avec le Maroc ? Au vu de la mobilisation générale en cours, on peut répondre par l’affirmative. Mais il faut aussitôt rappeler que l’on a voulu jouer avec le feu, jusque là. Nous l’avions dit en son temps, nous le répétons ici, le choix de confier l’équipe du Cameroun en octobre 2007 à un mercenaire, Otto Pfister, qui sillonne l’Afrique depuis bientôt quatre décennies sans avoir rien remporté de probant était bien malheureux.
On savait que le passage en force du gouvernement pour imposer le vieux technicien allemand allait un jour ou l’autre nous revenir à la figure. Le voilà parti, certes pas au meilleur moment, c’est-à-dire en plein regroupement de la sélection la veille d’un match amical. Mais qu’attend-on du nouveau staff dirigé par le Camerounais Thomas N’kono ? Certainement pas un miracle en moins d’une semaine d’office, mais la joie de jouer qui a toujours été celle de l’équipe du Cameroun, et que l’on avait du mal à percevoir ces derniers mois, même contre de modestes adversaires comme la Tanzanie et l’Ile Maurice.
Dimanche, nous attendons que les Lions indomptables se fassent plaisir en jouant un beau football conquérant, en se créant de nombreuses occasions, en étant concentrés sur leur sujet du début à la fin, et si possible en gagnant au bout de cette démonstration, si le sort en décidera ainsi. Si le sort est contraire alors qu’on a mis tout en œuvre pour la victoire, il faudrait que tout le monde l’accepte. C’est la loi du sport, et il ne devrait pas y avoir de séisme après le match de dimanche. C’est rageant seulement quand vous vous rendez compte que les nôtres préparent la défaite pendant que nos adversaires préparent la victoire…
Par Emmanuel Gustave Samnick