A deux jours d’une finale de la Coupe d’Afrique des nations face à la Côte d’Ivoire, Hervé Renard s’est confié lors d’une longue conférence de presse, ce 10 février 2012 à Libreville. L’ambitieux sélectionneur de la Zambie est revenu avec émotion sur le parcours qui l’a mené de l’AS Cannes au sommet de la CAN 2012.
D’Hervé Renard, on sait beaucoup et peu à la fois. Le sélectionneur de l’équipe de Zambie, finaliste de la CAN 2012, repousse rarement une demande d’interview et distille volontiers les bons mots et les sourires charmeurs. Ce Français de 43 ans, ancien défenseur central, est encore méconnu hors d’Afrique et il le sait. La faute à une modeste carrière de joueur à l’AS Cannes et à Vallauris, en France, et à un parcours d’entraîneur tortueux qui l’a mené de la CFA 2 (5e division française) à la tête des Chipolopolo (2008-2010 et depuis novembre 2011), en passant par la Chine (Shanghai Cosco), l’Angleterre (Cambridge United) et le Ghana où il a été l’adjoint de Claude Le Roy lors de la CAN 2008.
« On pense que j’ai la grosse tête »
Les yeux légèrement rougis, la gorge un peu nouée, Hervé Renard se raconte lors d’une longue conférence de presse, ce 10 février 2012 à Libreville : « J’ai débuté ma carrière d’entraîneur à 29 ans, à Draguignan. J’avais une entreprise de nettoyage, je nettoyais les parties communes de résidences, je sortais les poubelles. J’ai fait ça pendant huit ans. Je me levais tous les jours à 3 heures du matin, cinq fois par semaine. C’était difficile… » Emu, il ajoute : « Cette finale face à la Côte d’Ivoire, qu’est-ce que c’est facile à vivre par rapport aux gens qui travaillent comme ça ! C’est la meilleure chose qui pouvait arriver dans ma vie. Quand je suis dans un hôtel, je pense parfois aux employés et aux gens qui les méprisent. Parce que j’ai été à leur place… »
Durant cette CAN 2012, l’entraîneur s’est plaint d’un manque de considération envers la sélection zambienne et son propre travail. Après une expérience infructueuse en Angola en 2010 et avant une pige à l’USM Alger en 2011, celui qui a côtoyé Zinedine Zidane à Cannes a tenté de trouver un club en France. En vain. Alors, à deux jours d’une finale de Coupe d’Afrique face à la Côte d’Ivoire, il confie son incompréhension : « Humainement, je pense être quelqu’un de bien. Certaines critiques me touchent profondément. J’ai du mal à les comprendre même si je les analyse parce que j’analyse tout. J’ai horreur des préjugés parce qu’on me juge mal au premier abord. Je suis blond, j’ai les cheveux longs et dès qu’on me voit, on pense que j’ai la grosse tête. »
« J’aurais payé pour vivre ça »
Depuis que sa carrière a décollé, avec un quart de finale lors de la CAN 2010, Hervé Renard surprend sur le banc de touche avec ses airs de quadragénaire pimpant : jean remonté, sempiternelle chemise blanche tirée vers le bas, cheveux ramenés derrière les oreilles… Des tics qui masquent pourtant la réalité : Hervé Renard est avant tout un technicien intransigeant, qui n’a pas hésité à exclure Clifford Mulenga en pleine Coupe d’Afrique pour un écart de conduite. Le Français est aussi un homme proche de ses joueurs, avec toujours un petit mot complice pour ses protégés. Quand le président de la Fédération zambienne, l’ancienne star Kalusha Bwalya, a proposé à Renard de reprendre les rênes de la sélection, en novembre 2011, les Chipolopolo ont adhéré. « Ramener le coach a été une chose fantastique », confirme le capitaine Chtistopher Katongo.
Aujourd’hui, Hervé Renard ne peut que se féliciter d’être resté fidèle au football africain. « Il y a une identité forte en Afrique. Ça remplace tout l’or du monde. On parle des primes mais ce n’est pas notre préoccupation. Notre préoccupation, c’est de vivre un moment intense. J’aurais payé pour le vivre ». Ce moment, le natif d’Aix-les-Bains le vivra ce 12 février 2012 à Libreville face aux Eléphants ivoiriens. Et, en cas de succès, il sait déjà ce qu’il fera : « Dimanche soir, quand on aura gagné la Coupe, j’aimerais aller dans un endroit où il n’y a pas grand-monde. Je prendrai un bon capuccino et je repenserai à ce moment formidable que je suis en train de vivre. Je n’ai pas envie d’être porté par cinq cents personnes. Ça, je n’aime pas trop. » En cas de victoire, Hervé Renard sera pourtant très sollicité. A un point dont il ne rêvait sans doute pas lorsqu’il se réveillait, groggy, à trois heures du matin pour aller travailler.
Par David Kalfa