Je souris malgré moi rien qu’au souvenir de cette pellicule, qui d’entrée de jeu, n’a pas voulu cracher le premier film, les premières informations de cette CAN 2008. C’était le 22 janvier 2008. La Can avait commencé depuis trois jours. Les Lions indomptables venaient de subir un cuisant échec devant l’Egypte à Kumasi dans la poule C (2-4 !). Tous les fans de Lions de quatre coins du monde se posent mille et une questions. C’est donc de manière logique et naturelle qu’ils se dirigent sur Camfoot.com dans l’espoir d’avoir les explications de cette lourde défaite contre l’Egypte. Hélas, mille fois hélas ! Aucune information sur Camfoot.com. Rien. Même pas une brève.
Je me souviens de ce coup de fil de Jules Yansa, le directeur de publication, débordé par les centaines de mail des internautes, des coups de gueule de « tolieurs » qui ne comprennent pas pourquoi, plusieurs heures après la déculottée de la bande à Rigobert Song, il n’y avait toujours aucune information sur le site. La faute à la connexion Internet qui n’était plus disponible à Kumasi. Je me souviens qu’après ce premier match, le press Center du Baba Yara Sports Stadium de Kumasi qui disposait exactement de vingt ordinateurs, étaient pris d’assaut par une cinquantaine de journalistes. Du coup, il fallait faire la queue pour avoir la connection. Lorsque mon tour arrive (j’étais chargé de faire le compte-rendu du match, Guy Nsigue les réactions des joueurs et de notre consultant. Jean Jacques Ewong faisaient les photos), je tape mon « papier » rapidement. Alors que je commençais la relecture, la connection Internet n’était plus disponible. Il était 22h (heure locale) ! Certains confrères ont vite fait d’accuser les gérants de la salle presse du stade de couper le « jus » pour nous obliger à sortir. Toutes les images étaient déjà expédiées dans la boite mail de la rédaction centrale de Camfoot. Mais aucun texte. Il fallait coûte que vaille trouver un cybercafé encore ouvert. Après un saut infructueux à New Orléans Hotel où des confrères de la télévision Equinoxe avaient la connexion, on apprend que là non plus, il n’y avait plus de réseau Internet. Notre chauffeur, Peter, va se charger de nous faire faire le tour de 4 cyber-cafés. Tous étaient déjà fermés. La queue entre les jambes, nous rejoignîmes notre fief du quartier Kwadaso. Ce n’est que vers les premières heures du 23 janvier que les lecteurs de Camfoot auront enfin (ouf!) les informations sur leurs Lions indomptables.
Je me souviens encore du crucial problème d’accréditation qui sera une grosse épine chez une trentaine de journalistes camerounais présents à Kumasi. Alors que la rencontre Cameroun-Egypte se joue, plusieurs n’avaient pas encore de badges. Certains confrères de la radio-télé Equinoxe et moi étions la tribune C où on a rejoint plusieurs fans des Lions. Fallait trouver le moyen de se debrouiller et de rapporter la nouvelle. Ceux de la radio ont commencé à faire les reportages via le téléphone, les cameramen « volaient » les images à partir des gradins. Une situation qui a le don d’irriter les supporters ghanéens, pour la majorité acquis à la cause d’Abou Treika et de l’Egypte, qui ont vite fait de nous dénoncer à la police qui menaçaient de confisquer nos appareils. Même la simple prise de note était interdite.
Vous êtes pressé ? « Don’t worry ! »
Au lendemain de ces tristes événements, tous les confrères qui ont fait le déplacement pour voir le comité d’organisation local à Kumasi ce qui est des badges (les demandes d’accréditations avaient été faites trois mois auparavant sur le site Internet de la Caf) ont eu cette réponse : « don’t worry ! ». Aux plus persévérants, on leur disait : « You must go to Accra for your accreditation ». Dans la capitale ghanéenne, les nouvelles ne sont guère réjouissantes. Une queue interminable et un embrouillamini ont obligé certains à rentrer d’Accra bredouille, sans badge d’accréditation.
C’est avec le statut de « sans papier » que beaucoup de confrères s’en vont à Tamale, ville située au Nord du Ghana, à près de 750 km d’Accra, où les Lions sont appelés à jouer leur dernier match de poule contre le Soudan. Deux heures avant le début de la rencontre, une chaude dispute oppose une dizaine de journalistes qui veulent entrer au stade avec leur badge « Service » (et non média). Ce badge avait été offert gracieusement par le comité d’organisation local de Kumasi pour le match contre la Zambie. C’est avec ces badges de Kumasi que les journalistes voulaient entrer couvrir le match, mais les policiers ne voulaient que des « vrais » badges avec photo. On s’achemine visiblement vers un match où les reporters de Camfoot ne pourront pas entrer au stade et donc pas encore de compte-rendu ? Et l’on imagine bien déjà la réaction des internautes. Après trente minutes d’un dialogue de sourd, Rosalind, du comité local d’organisation interviendra énergiquement pour nous faire entrer. Ouf !
En dehors de ce problème d’accréditation, je m’interroge encore sur le comportement des ghanéens qui avaient des tarifs pour les locaux et des tarifs pour étrangers. Au Sud, la population parle ashanti, au Nord, on parle une langue dont l’orthographe ne me revient pas. Lorsque vous vous exprimez en anglais, on comprend immédiatement que vous êtes étrangers. Du coup, vous devez automatiquement faire du « dropping » (taxi-course). Là où les populations locales payent 20 pesawes (100 frs Cfa), les étrangers doivent débourser au moins 4 Ghana Cedi (2.000 frs Cfa). Selon la distance, vous pouvez vous retrouver entrain de payer 8 Gh Cedi (4.000 frs Cfa) ou même 10 Gh Cedi (5.000 frs Cfa). La meilleure dans l’affaire, c’est qu’un bon taximan ghanéen (dont la majorité ne maîtrisaient pas les noms des hôtels puisque la plupart sont nouveaux et les anciens ont été relookés et rebaptisés à l’occasion de la CAN), est celui accepte toujours de transporter ses clients en « dropping » vers toutes les destinations. Même celles qu’il ne maîtrise pas. Lorsque vous cherchez votre destination en vain et qu’au bout de deux heures, vous la retrouvez enfin, « don’t worry », on facture gentiment le carburant dépensé pour la recherche.
Une discrimination, heureusement, qu’on ne retrouve pas dans les restaurants. Sauf qu’à ce niveau, je ne m’expliquais pas comment on pouvait toujours et de manière systématique retrouver les mêmes mets dans tous les restaurants : Fried rice and chicken (riz frit et poulet), jolof rice and chicken (riz sénégalais-poulet), fufu (couscous de manioc) or banku (couscous de manioc mélangé à la patte de plantain ou d’igname), le tout plongé dans un océan de sauce pimenté. Pour avoir voulu découvrir le fufu et le banku, Guy Nsigue (Camfoot), Etienne Manguele (Crtv), Steve Djouguela (Camerounsport) et l’auteur de ces lignes, ont dû avoir recours aux soins des médecins pour arrêter ce qui apparaissait être une intoxication alimentaire. Je me souviens encore du poulet de chair qu’on retrouvait à toutes les tables des ghanéens, même dans l’incontournable salade qu’ils affectionnent particulièrement. Et donc, plusieurs confrères et moi ne nous sommes contentés que du fried rice or Jolof rice and ckicken pendant 3 semaines !
Belles tranches de vie !
Au delà des « misères », je me souviens de la belle tranche de vie que nous avons croquée à belles dents pendant les trois semaines de la CAN. Un soir, voulant décompresser, mon collègue Guy Nsigue et moi débarquions à « Bantama », la rue de la joie de Kumasi. Nous trouvons sur place, Jean Bruno Tagne alias JBT (quotidien Le Jour), Happy (photographe-reporter), Color Bass (artiste musiciens camerounais), etc. Las d’écouter le « high life » ghanéen, J.B.T, sort un Cd de makossa qu’il alla imposer au disc jokey. C’est avec joie qu’on s’est retrouvé sur ce qui tient lieu de piste de danse pour se trémousser au rythme de la musique de Grâce Decca. Le lendemain, dans une discothèque de la place, le DJ s’est opposé à tout changement de sa routine musicale.
Ce qui m’a le plus surpris au Ghana, c’est la morale, la bonne mentalité de la population. Vous sortez d’une discothèque à 3h du matin ? Ne soyez pas pressé, votre chauffeur s’arrête au feu rouge. Sans faute. Un fait normal. Mais pour moi qui sortait de Douala où les « bendskineurs » (conducteur de moto-taxi) et les taximen grillent allègrement les feux de signalisation, je suis surpris et ébahi par tant de rectitude morale. Vous êtes pressés ? Votre chauffeur vous lance le traditionnel « don’t worry », avant de continuer sur la même diligente quiétude. Je me souviens, un jour, nous étions dans un taxi et mon confrère assis à côté de moi, après avoir fini son paquet de chips, jeta le plastique vide par la fenêtre de la voiture. Comme nous étions à l’arrêt, un passant, complètement retourné, s’emmena et menaça dangereusement mon collègue. « Pourquoi tu viens salir mon pays », hurla, le brave ghanéen lambda. Du coup, je compris pourquoi toutes les rues, les ruelles du Nord au Sud du Ghana étaient si propres.
Je me souviens aussi de ce voyage de tourisme sur Larabanga (près de 150km au Nord de Tamale) où, après avoir avalé de millions de grain de poussière (la route n’était pas bitumée), nous avions vu des éléphants, des gorilles, des crocodiles, etc au parc national de Molé. Mais l’arrêt de Larabanga fut malheureux pour l’un des deux bus des journalistes qui s’embourba dans du…sable. Superstitieux devant l’éternel, certains confrères ont vite d’accuser les sorciers du village qui voulaient « la kola » avant de nous laisser partir. Heureusement, on engagea le voyage retour après que les gros bras parmi les journalistes aient retroussé les manches pour pousser le bus.
Je me souviens aussi de cette demi-finale remportée contre le Ghana, le pays organisateur et où il nous était interdit de jubiler à la fin du match parce que personne ne pouvait prévoir la réaction des ghanéens, ceux-là même qui nous avaient promis une cinglante déculottée. Je me souviens aussi et enfin, de cette finale perdue contre l’Egypte, où la délégation camerounaise se retrouva immédiatement au Kotoka International Airport d’Accra pour l’embarquement dans deux avions à destination de Douala et de Yaoundé. Que ce soit, à l’aéroport ou dans l’avion, j’ai été surpris par le comportement des ces camerounais qui pour une fois avaient perdu leur grande gueule : on dévissait sur tous les sujets, sauf sur la défaite contre l’Egypte. Une défaite qui nous priva d’un cinquième trophée continental. Pour expliquer toutes ces choses inexplicables que nous avons vécus pendant trois semaines au Ghana, mon ami et confrère Guy Nsigue avait toujours la même rengaine : « c’est aussi ça la CAN » !