Le but de la hanche de Milla, le remplacement de Djemba en 1ere mi-temps, les dribbles de Keita Kader ou la mise au « dodo » à 19h d’Eto’o Fils…Autant de souvenirs sur autant de matches disputés entre les deux nations qui s’opposent ce samedi soir. Quel souvenir gardez vous d’une opposition Cameroun-Côte d’Ivoire? Voici les réponses de quelques acteurs de près ou de loin de ces chocs Lions-Eléphants…
ABIDJAN 1984
Jean-Louis FARAH TOURE – Africa N°1
C’était ma 1ere coupe d’Afrique des Nations. Je voyais les joueurs camerounais comme Abega Théophile, Mbida, Roger Milla… C’était la grande équipe du Cameroun…j’avoue que je n’ai pas vu le match au stade..j’assurais la coordination en studio, j’ai donc vu le match à la télévision. Le matin, j’avais assuré une tranche à la radio Côet d’Ivoire « Le Journal de la Coupe« . Apprête l’analyse des forces et faiblesses des deux équipes, j’avais terminé en disant « que le meilleur gagne » ça n’avait pas plu à tout le monde. J’avais vu le match sous l’angle de la sportivité, et non en tant que supporter. Les gens m’ont un peu rappelé à l’ordre. Finalement, le meilleur a gagné! Le deuil est tombé en Côte d’Ivoire,le pays a été éliminé, la compétition en a pris un coup. Mais le peuple ivoirien a démontré qu’il avait des élans de sportivité en venant nombreux lors de la finale contre le Nigeria.
4 Septembre 2005
FELIX BROU – RTI (Radio télévision ivoirienne)
C’est le match qui m’a marqué. J’étais venu au terrain avec ma propre voiture. Après la défaite, j’étais totalement désemparé. En sortant du stade, j’ai vu un véhicule de la télévision que j’ai arrêté et je suis monté dedans. C’est en arrivant à la station de télévision que je me suis rendu compte que ma voiture était restée au stade Houphouët-Boigny. Je suis revenu bien après la chercher. Le 8 octobre, j’étais de service. Il n’y avait pas de plateau télé prévu, et on diffusait en direct Cameroun-Egypte. Juste après le penalty raté de Womé, on s’est dit qu’il fallait préparer quelque chose. On a improvisé un plateau qui a duré toute la soirée! ça a été une fête générale dans tout le pays.
JEAN-BAPTISTE BEHI – Fraternité Matin
J’avais de la peine, je ne savais même pas comment commencer mon papier pour mon journal. J’étais devenu impotent, je n’avais même plus de forces. Mais j’ai puisé dans mes ressources pour pouvoir écrire quelque chose. Je n’étais pas là, je n’étais plus moi même…J’ai suivi le 8 Octobre de bout en bout Cameroun-Egypte. Les 2 dernières minutes ont été très longues. Quand j’ai appris qu’au Soudan, on avait gagné 3 à 1, je sentais que l’arbitre allait donner un coup de pouce au Cameroun. J’ai même eu l’impression que l’Égypte a aidé de manière subtile le Cameroun! Mais comme c’était écrit quelque part au ciel que la Côte d’Ivoire allait se qualifier…Quand Etoo a refusé de tirer le penalty je me suis dit c’est mauvais signe pour eux. Quand Womé s’est avancé je me répétais: « il va rater ce penalty là, il va rater ce penalty là… » Quand il a alors raté son tir, le montant n’a même pas ramené le ballon! Dieu avait tout prévu! si le ballon revenait, un attaquant aurait marqué, même de la main, et l’arbitre aurait accordé ce penalty là. Pour éviter toute complication, Dieu a dit au ballon « tu n’as qu’à partir là-bas « .
Sénégal 92
YEO MARTIAL – Sélectionneur des Éléphants en 1992
J’ai dit à Gadji Celi et à Obou Arsène qu’ils n’allaient pas être titulaires. Ils m’ont demandé pourquoi. J’ai répondu que « vous jouez avec le style camerounais, vous allez souvent au contact comme eux et je veux tenter quelque chose de différent aujourd’hui, avec d’autres joueurs » Il a été dur pour eux de l’accepter, mais c’est moi qui décidais de toutes façons! De plus, ces deux joueurs avaient des cartons jaunes et je voulais les préserver pour la finale. Ils avaient l’habitude d’aller au charbon, et je ne voulais pas les perdre pour la suite. «Mais coach, qui dit qu’on jouera la finale? » se demandèrent mes joueurs. Je leur ai répondu que « sans vous on ira en finale » et c’est ce qui est arrivé!!!
HAMIDOU FOMBA – Fraternité Matin
Une anecdote me revient: je me souviens que dans le hall de l’hôtel, Bell chambrait les Eléphants, surtout Gouaméné en leur disant « vous êtes des petits, on va vous manger ce soir » J’ai senti que Youssouf Fofana et les autres étaient crispés. Mais dans les vestiaires, les gars se sont remobilisés et je me suis dit « cette fois-çi, ils ne vont pas nous passer »
Je ne peux pas dire que j’étais confiant, le Cameroun venant d’éliminer le pays organisateur dans un match au couteau.
IDRISS DIALLO – Vice-Président de la Fédération Ivoirienne de Football
C’est le plus fort Cameroun-Côte d’Ivoire que je me souvienne. Le Cameroun était le grand favori. J’aime beaucoup le Cameroun, vous avez une mentalité, un potentiel, une façon de vivre extraordinaire, et qui représente bien l’Afrique: malgré tout cela on vous a battu, quelle joie! J’ai été plus heureux ce jour-là que le jour où on a remporté la CAN contre le Ghana. J’étais le vice-président de l’Asec à l’époque, et assez proche de la fédération. Samedi, ce sera un beau match, les deux vont bien jouer, mais la CI va gagner! Vous embrasserez Etoo de ma part parce que c’est un garçon charmant, je l’aime beaucoup, ainsi que tous les joueurs camerounais!
JEAN-BAPTISTE BEHI – Fraternité Matin
J’étais étudiant à Dakar. C’était les demi-finales de la Can. Le Cameroun était le favori de tous les observateurs, avant le match. J’avais la peur au ventre. Aah, ces Lions, ils vont encore nous dévorer…mais Dieu est grand, cette fois-ci, il sera de notre côté. Sincèrement, je ne pensais pas que la Côte d’Ivoire pouvait gagner ce match là, mais comme en football tout est relatif, j’espérais…J’ai couru vers ma chambre d’université…certains de mes amis qui enterraient la Côte d’Ivoire avant le match avaient un peu honte. Mes amis camerounais m’ont dit « On a eu pitié de vous, on est fatigués de vous battre chaque fois ». Mais je savais qu’ils avaient mal…
Souvenirs recueillis par Jean-Pierre Esso, à travers Le Caire