A quoi jouaient les Lions indomptables dans les cinq à dix dernières minutes du match qui les opposait à la république démocratique du Congo?
A tout, sauf au football. Leur entraîneur, Artur Jorge, a été le premier à le reconnaître lors de la conférence d’après-match. « On n’a pas le droit de faire ça ; on doit continuer à jouer jusqu’au coup de sifflet final », a déclaré sans ambages le technicien portugais. On aurait pourtant apprécié qu’il se lève de son banc pour le signifier à ses joueurs, quand, sous la direction de Samuel Eto’o, ces derniers se sont mis à s’amuser, jouant à la »ba-balle » dans leur moitié du terrain, devant des Congolais qui avaient replié dans la leur, déjà prévenus par leur banc de touche que le score final du match Angola-Togo était de 3-2. Cette fin de match indigne est la seule ombre dans le tableau d’éloges qui fleurissent sur l’équipe du Cameroun ici au Caire. Pour beaucoup d’observateurs en effet, le Cameroun aurait voulu aider maladroitement la Rdc à se qualifier au détriment de l’Angola.
Dans ce débat qui agitait les esprits juste après le match de dimanche, le mérite d’Artur Jorge aura été de déclarer haut et fort que son équipe n’avait pas à refuser de jouer comme elle l’a fait, parce que le public paie pour voir un spectacle de football et non une parodie. Une attitude d’humilité que l’on a retrouvée chez son collègue angolais, qui aurait pourtant pu avoir toutes les raisons de pester contre l’attitude des joueurs camerounais. Luis Oliveira Gonçalves, beau joueur, pressé par les journalistes de commenter cette fin de match Cameroun-Congo, a dit que son équipe a raté sa qualification parce qu’elle avait perdu contre le Cameroun et n’avait pas pu battre la Rdc. Ç’aurait été quand même surréaliste pour lui d’exiger au Cameroun de marquer des buts pour le bonheur de l’Angola! D’autant que la Fifa et la Caf programment désormais ces derniers matches de poule à la même heure pour éviter toute possibilité d’entente entre des équipes.
Claude Le Roy, le sélectionneur de la République démocratique du Congo, est également à féliciter pour ses propos pleins de lucidité et de responsabilité après le match contre le Cameroun. Le technicien français a proprement taillé son joueur Gladys Bokese, coupable d’un geste assassin sur Achille Webo à la 70ème minute, qui lui a valu une expulsion directe. Pour M. Le Roy, c’est d’ailleurs une expulsion définitive du football que ce joueur mérite.
Les entraîneurs de football n’ont pas toujours l’habitude d’assumer les faiblesses de leurs équipes, faisant même souvent preuve de mauvaise foi pour accuser les arbitres où les organisateurs des compétitions, au lieu de faire une auto-critique constructive. Voici donc trois des techniciens de la Can 2006 qui forcent notre admiration, à la fin des matches du premier tour dans la poule B.
Il faut souhaiter que cet esprit perdure dans cette compétition, qui va amorcer vendredi prochain la phase des matches à élimination directe au cours desquels les nerfs sont le plus souvent sollicités. La compétition est de bon niveau, excepté la prestation de quelques sélections véritablement faibles comme le Togo (mondialiste et zéro point en trois matches), le Zimbabwé ou la Zambie. Il serait dommage qu’elle en vienne à être ternie par des comportements anti-sportifs. En ce qui concerne Artur Jorge, tout en le félicitant pour le travail de qualité déjà abattu et en lui souhaitant bonne chance pour la suite, nous pensons qu’il est important qu’il s’implique davantage dans le repositionnement de son équipe en cours de match. On est souvent sidéré de le voir scotché sur son siège, alors que son équipe est à la peine, ou bien -comme dimanche dernier- ne joue plus du tout au football.
Emmanuel Gustave Samnick