Avant le début de la CAN, on ne vendait pas trop cher la peau des Lions.
Depuis la première sortie victorieuse contre l’Angola, le nom Cameroun
revient en force dans la rue égyptienne. Ce nom, dont la seule évocation
après le 08 octobre 2005 suscitait un commentaire laconique appris et repris
comme une rengaine: « Nous vous avons éliminé » est aujourd’hui articulé avec
respect et méfiance.
L’élimination des lions du mondial 2006 a vite été interprétée par certains
comme le mauvais sort des années ‘’6 ». Comme 1986, le Cameroun ne s’est pas
qualifié pour le mondial, la coupe d’Afrique se déroule en Égypte. Pour eux,
il est écrit là-haut dans le rouleau que l’année avec ‘’6 » ne réussit pas aux
Lions. Les éléments de ressemblance semblent plaider à la faveur de ce
fatalisme à la Jacques le héros de Diderot. Mais. Le mauvais sort, ça se
conjure. Le destin, on peut le bousculer. Dans sa démarche de conjuration,
les Lions ont remplacé les formules cabalistiques, les infusions, les
décoctions et autres philtres magiques par un jeu attrayant plein
d’animation, d’engagement sans fioriture ni artifice. En deux rugissements,
la hiérarchie est rétablie et ce, grâce à l’effort tenace d’une race de
joueurs que Thomas Nkono très ému en allant féliciter les joueurs dans les
vestiaires, qualifie « d’Extraterrestres ». Les Lions indomptables, pour reconquérir les
coeurs n’ont pas eu besoin d’un « kilavage » à outrance, ou d’une médiatisation à grand renfort. Le nom Cameroun traîné dans la gadoue refait surface dans la rue égyptienne. Une rue très versatile. La compassion à l’égard d’un peuple abattu et éploré par une élimination tragique n’avait duré que le temps d’une interview. Puis, cette rue était devenue un enfer où camerounais ou noir tout court devait essuyer une bonne dose de dérision à
son passage.
A l’heure où fuse d’un peu partout la nouvelle formule adaptée et adoptée
pour la circonstance: « El-Cameroun Meyya Meyya » -Le Cameroun est à 100%-, on
scrute le second tour la peur dans l’âme. Le Lion n’était donc pas mort! En
attendant que les amis d’un jour (ndlr : Égypte et Côte d’Ivoire) se déchirent pour éviter de voir leurs rêves se briser en rencontrant le Cameroun au second tour, les Lions, malgré la perte de Kalla après son claquage, restent concentrés, sereins dans leur antre du 06 octobre, attendant de pied ferme leur prochain adversaire.
Moustapha Nsangou, Le Caire