Consternation. Tristesse. Angoisse. Chagrin, un mort et des personnes dans le coma. Les conséquences d’une autre désillusion des Lions ne sont pas exhaustives. Plusieurs fans sont inconsolables.
Ils ont refait le match. Ils ont mis toutes les hypothèses. Tous les si… n’ont pas suffit aux Camerounais de Douala, et par delà tout le pays, pour expliquer, justifier la défaite face à la Côte-d’Ivoire samedi dernier. 22 penalty tirés, 21 marqués par les deux sélections. Au final, Eto’o met la deuxième série de tir au but au dessus de la barre transversale de Tizié. Drogba réussit son deuxième tir. Les Lions indomptables sont à terre. Les ivoiriens sont rouges de bonheur. Au pays de Roger Milla, les conséquences de cette élimination sont fatales. Un mort au quartier Dogpassi à Douala. Jean Paul N. a été victime d’un malaise cardiaque au coup de sifflet final. De sources hospitalières annoncent deux personnes dans un coma profond dans la capitale économique du Cameroun après le penalty raté par Samuel Eto’o. Ils n’ont pas résisté à la forte dose d’émotions qui a emballé le match.
A la Cité Cicam, un des quartiers »footeux » de Douala, les heures qui ont suivi l’élimination des Lions indomptables sont tristes. « Ce n’est pas notre année. Après l’élimination à la Coupe du monde, nous sortons de la Can. Nous avons tout donné dans cette compétition. Nous avons survolé le premier tour, mais hélas, le sort était contre nous. Regardez par exemple la main d’un ivoirien dans la surface de réparation qui devait causer un penalty, et l’arbitre n’a pas vu. Le ciel nous tombe sur la tête », regrette André Kombi, un fan.
Au carrefour Ange-Raphaël qui jouxte l’Université de Douala, les »bendskinneurs » (conducteurs de moto-taxi) se livrent à leurs activités favoris : refaire le match. « Drogba a gagné son combat sur Eto’o. C’est lui maintenant le numéro 1. Nous avons dominé les ivoiriens en aller et retour lors des éliminatoires Can/Mondial 2006. Aujourd’hui, ils nous ont gagné, on doit donc les supporter pour la suite de la compétition et même à la coupe du monde. Les Camerounais qui ne supporteront pas la Côte d’Ivoire ne sont pas fair-play » analyse un »bendskinneur ». Le débat se métamorphose en un combat des pro Eto’o et des pro Drogba. Dans la cacophonie ambiante, l’observateur neutre comprend très vite que personne ne peut les départager.
Laver le linge sale en famille
A quelques encablures de là, un autre groupe de fans des Lions refont le match à leur manière. Ici, on cherche les coupables. « Artur Jorge a commis une erreur fatale. Comment peut-il titulariser Olembe en lieu et place de Douala Mbela ? Ce système défensif du coach ne nous a pas aidé » argue Maurice Dikoso. Son ami Raymond, lui, indexe le goalkeeper des Lions : « le gardien souleymanou Hamidou est nul ! Il aurait dû arrêter même un penalty. Idriss Carlos Kameni laissé sur le banc aurait même pu arrêter au moins un » hurle-t-il à la figure de Maurice Dikosso. D’autres fans ont trouvé leur coupable en la personne du ministre de l’éducation physique et sport, Philippe Mbarga Mboa. Florent Djiki, le directeur de publication du journal ‘‘LE PHARE » est très amer : « c’est Mbarga Mboa le responsable de notre élimination. Ce monsieur a d’abord enlevé le nom de Pierre Womé Nlend dans la liste des Lions qui devaient aller à la Can. De plus, il s’emmène sur les bords du Nil avec toute sa famille et ses amis. Ce n’est pas normal. De plus, Mbarga Mboa traîne derrière lui une malchance depuis la nuit des temps. Quand il était président de l’Olympique de Mvolyé, il n’a pas réussi à faire monter en D1 ce club qui avait plus de joueurs talentueux et de moyens financiers que les clubs du championnat d’élite. C’est un poisseux ! Il n’a jamais rien gagné. », lance-t-il sur le plateau d’une télévision de la place à l’occasion d’un débat après l’élimination des Lions.
D’une manière globale, l’ambiance était morose. Douala, très célèbre pour être une ville qui vit 24h/24, a dormi un peu plutôt que d’habitude. Après avoir survolé le premier tour de la Can, les Camerounais avaient recommencé à croire en leur équipe nationale. Pour ce quart de finale contre la Côte d’Ivoire, le premier Ministre, Inoni Ephraïm, a délégué un émissaire, son Secrétaire Général, Jules Doré Ndongo, auprès des Lions. Malheureusement, les Lions ont perdu. C’est un samedi noir à Douala. Après l’élimination à la coupe du monde un autre samedi, 8 octobre 2005. La consternation était bien visible sur les visages. Cependant, certains mordus du foot ont très vite refermé le grand livre de la Can pour zapper immédiatement sur une chaîne française et suivre la retransmission en différé d’un match de la ligue 1, Psg-St Etienne. Comme quoi, les Lions sont éliminés mais la flamme pour le football brûle toujours dans les cœurs des camerounais. En attendant le retour au pays de la délégation camerounaise pour qu’on « lave le linge sale en famille », selon Florent Djiki.
Eric Roland Kongou à Douala