Le Cameroun a indubitablement la meilleure équipe du tournoi, mais cette équipe ne gagne pas, ne gagne plus. Il convient aujourd’hui d’analyser les causes des échecs successifs de l’équipe nationale. Son niveau ne serait-il donc maintenant que les quarts de finale d’une Coupe d’Afrique des Nations ?
Samuel Eto’o Fils n’a pas la tête de ses jambes. L’humilité est un mot qu’il ne semble pas connaître. Tout au long de son séjour au Caire, et malgré les « assurances » données en ce sens par Philippe Mbarga Mboa, Eto’o (SEF) cherchait par tous les moyens à se distinguer de ses coéquipiers. « Quand Samuel Eto’o est dans un groupe, je veux qu’on sache qu’il est là », assène-t-il dans l’hebdomadaire France Football du 17 janvier 2006, parlant de lui-même à la troisième personne, comme le font souvent ceux qui ont perdu pied avec la réalité. Les joueurs se partagent une chambre à deux ? SEF fait chambre à part. L’entraîneur désigne Njitap pour diriger les étirements d’après match ? SEF fait sa séance personnelle, au milieu des autres. Les femmes ne sont pas acceptées à l’hôtel des joueurs ? SEF fait venir quelques- unes (…) et elles se succèderont à un rythme vertigineux aux pieds des pyramides. Après la défaite, tous les joueurs et le staff technique sont rassemblés à l’hôtel pour une réunion avec les officiels ? SEF, d’abord retenu au contrôle anti-dopage, les rejoint à la fin sans se presser, le sourire aux lèvres, comme si tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes…
Le Cameroun, c’est le Cameroun
En amont de la CAN, Eto’o avait opposé une fin de non recevoir aux émissaires – parmi lesquels se trouvaient d’anciens Ballons d’Or Africains – mandatés pour le convaincre de participer à la compétition et qui se sont déplacés jusqu’au Nou Camp de Barcelone. Mais SEF est venu passer les fêtes de fin d’année au Cameroun et là, il a perçu que si jamais il ne jouait pas cette CAN, jamais plus il ne porterait le maillot vert sur un terrain de football. S’il y a une chose que le public camerounais sait faire, c’est se détourner durablement et sans état d’âme de ceux qu’il vénérait encore quelques instants plus tôt. Quelques jours après qu’il ait posé pied à Douala, les proches d’Eto’o, qui vivent au pays et/ou qui connaissent la nature profonde du peuple et l’univers du football camerounais, ont compris le danger. Lui non. Il a certes vaguement senti que l’opinion camerounaise se préparait à le mettre au placard, mais sans y croire vraiment. Cependant, une fois n’est pas coutume, il a décidé d’écouter et il est rentré à Barcelone négocier un accord avec son club. « Pendant mon séjour au Cameroun, mes conseillers m’ont dit que je devais y aller » déclare-t-il dans France Football, sans se rendre compte qu’il admet par là qu’en dépit de toutes les déclarations « africanistes » qu’il a faites ces derniers temps, c’est plus contraint que par vocation qu’il participe à cette CAN. Eto’o joue la carte africaine parce qu’il est malmené par la presse française. Son ego ne supporte pas le traitement injuste que lui réservent les médias français. Son comportement n’est pas sans rappeler celui d’un Michael Jackson qui se pose en victime du racisme lorsqu’il est traîné en justice, alors qu’il a passé ces vingt dernières années à essayer d’effacer toute trace de son appartenance à la race noire.
Aujourd’hui, Eto’o et Wome Nlend ont beaucoup de choses à se dire. En bassa ou en français
En dépit de ce qu’il peut croire, Samuel Eto’o Fils n’est pas Jésus. Le football, comme la vie en société, a des règles de fonctionnement, et même lui doit les respecter. Quand tu cries dans la forêt, l’écho te revient. La polémique autour du penalty raté de Wome Nlend le 8 octobre dernier est du fait d’Eto’o. Il a continué de l’entretenir, en dépit du bon sens. Extrait de son interview du 17 janvier 2006 : « Lorsque l’arbitre siffle le penalty, je vois Pierre qui se dirige vers le ballon. Je m’avance vers lui et lui demande ce qu’on fait. Il me dit en bassa : « Laisse, c’est ma responsabilité ». Je lui fais confiance… » Eto’o pense (à raison peut-être) que le public s’attendait à ce qu’il tire, alors il se justifie comme il peut. Mais n’aurait-il pas été plus simple de dire les choses telles qu’elles sont, à savoir que chaque équipe a ses règles de fonctionnement et que jamais, au grand jamais, Eto’o n’aurait pu ou dû tirer ce penalty controversé ? Les tireurs numéros 1 et 2 sont clairement définis. A l’époque où il jouait encore en équipe nationale, ce rôle incombait à Etame Lauren. Aujourd’hui, le tireur de penalty s’appelle Geremi Njitap, et, au cas où il est absent, comme cela était le cas à Yaoundé, cette tâche revient à Pierre Wome Nlend. Point barre. C’est une règle, un fait, une évidence. Personne, au sein des Lions Indomptables, ne conteste cela. Eto’o pas plus qu’un autre d’ailleurs. En dépit de ce qu’il raconte dans l’hebdomadaire français, il n’a jamais demandé quoi que ce soit à Wome. Il n’était même pas dans les parages quand Webo a remis le ballon à Wome Nlend.
Lorsqu’il se dirige vers le ballon le 4 février au Stade Militaire du Caire, Eto’o contrevient aux règles de fonctionnement de l’équipe nationale du Cameroun. Mais il a besoin de tirer le premier, de se décharger de la pression, parce qu’il pense que s’il rate, les autres auront le temps de rattraper le coup. Mais les choses sont bien faites, et le voilà qui doit se mettre face au gardien une seconde fois : le résultat est connu. Tout le monde peut rater un penalty. Eto’o comme Wome. SEF en a fait l’expérience en Égypte. Ce n’est pas la fin du monde. Ce qui est plus grave, c’est de constater qu’Eto’o Fils se croit au-dessus des règles et qu’on le laisse piétiner des principes fondamentaux sans le recadrer. Que font Roger Milla, Rigobert Song, Patrick Mboma ? Pourquoi le laissent-ils faire ? Eto’o n’a pas à tirer de penalty en premier. Eto’o n’a pas à tirer des coups francs à 40 mètres. Eto’o n’a pas à décider de faire entrer Boya sur le terrain, comme il a tenté de le faire lors de la rencontre d’hier. « Quand on est responsable d’un groupe, il y a des choses qui vous plaisent et d’autres moins », dit-il dans France Football. Mais Eto’o n’est responsable d’aucun groupe. Eto’o n’est pas le capitaine des Lions Indomptables.
Dysfonctionnements et amateurisme
Le football est un sport d’équipe. Il serait donc trop facile de rendre Samuel Eto’o Fils unique responsable de l’échec des Lions, d’autant plus que sur le terrain, bien supporté par ses co-équipiers, il a montré un football céleste lors des trois premiers matchs. Les victoires, comme les défaites, sont collectives. Mais pour pouvoir entamer la catharsis, il faut que des réponses soient données aux questions qui se posent. Sans langue de bois.
L’équipe camerounaise est talentueuse. Mais il lui manque quelque chose pour qu’elle soit une grande équipe et redevienne une équipe qui gagne : un encadrement professionnel, à commencer par la fédération, en passant par les entraîneurs et les officiels administratifs.
Au-delà des questions purement stratégiques, (pourquoi avoir privilégié un Olembe fadasse au détriment de Douala ? Pourquoi ne pas avoir fait entrer Kameni pour l’épreuve des tirs au but ?) est-il pensable qu’un Arthur Jorge exerçant en Europe eut abordé un match sans avoir observé et analysé l’adversaire ? La situation géographique du site d’hébergement des Lions Indomptables (localisé à 65 km du Stade Militaire du Caire) a fait couler beaucoup d’encre, mais il revient à la Fecafoot d’envoyer quelqu’un vérifier l’adéquation de l’hôtel proposé par la CAF avec les desideratas camerounais. Les « conférences de presse » organisées à la va-vite et qui n’ont de conférence que le nom, le programme nutritionnel des joueurs dont on peut se demander s’il est vraiment établi professionnellement et en tenant compte de la programmation des matchs, des invitations mises à disposition un quart d’heure seulement avant le début des rencontres, un ministre qui, le 4 février au matin, annonce avec grandiloquence le programme de la délégation camerounaise jusqu’au 10 février, des primes payées à la tête du client et dans l’opacité la plus totale… Rien n’est planifié, organisé et géré de façon professionnelle et rationnelle. Pourquoi les joueurs et anciens joueurs n’ont pas voix au chapitre lorsqu’il s’agit de désigner l’entraîneur de l’équipe nationale ? Quelles sont les tâches des uns et des autres au sein de la grande famille du football ? Le ministre des Sports et de l’Éducation Physique ne devrait-il pas s’atteler à initier la construction d’infrastructures et de stades adéquats plutôt qu’à intervenir pour radier des joueurs sélectionnés par l’entraîneur comme cela fut le cas pour Womé Nlend ?
Les Lions comptent en leur sein des valeurs sûres et de véritables pépites de diamant : Rigobert Song Bahanag est et demeure le pilier de l’équipe. Jean Makoun II et Saïdou Alioum ont brillé de mille feux. Mais le succès d’une équipe ne dépend pas seulement du talent. Certes, une bonne dose de talent est nécessaire comme ingrédient de base, et également une petite touche de chance. Mais la réussite vient d’abord et surtout d’un travail constant.
Les Lions Indomptables ont perdu un match, mais ils l’ont perdu dans la dignité. Il importe maintenant de tirer les leçons de cette défaite et de travailler pour qu’elle soit le prélude à des années de succès et augure d’un triomphe durable et mérité pour 2008 et 2010.