L’organisation d’une coupe d’Afrique des nations n’est point une sinécure. Le pays organisateur veut toujours faire mieux que le précédent et, placer la barre plus haute au suivant. Si la CAN 2006 est considérée sur le papier comme celle là plus relevée, il reste que sa réussite est tributaire d’un triptyque : une bonne organisation, une équipe nationale qui affiche clairement ses ambitions, un public nombreux pour assurer le spectacle dans tous les stades.
Place Tahrir, le nombril du Caire. Le décor annonçant la coupe d’Afrique des nations se plante avec une certaine morosité. De la rue Abdel Monein Riyad, passant par le musée du Caire, le pont sur le Nil qui débouche sur l’opéra, les poteaux électriques font office de mâts, les drapeaux des pays qualifiés à la CAN flottent. Les panneaux publicitaires géants confectionnés par le sponsor officiel et portant les photographies des joueurs de la sélection nationale détournent les regards.
La radio Jeunesse et sport multiplie des émissions sur la compétition ainsi que des jeux concours. La chaîne Nile sports est devenue en quelques semaines la chaîne la plus captée pour suivre l’évolution des travaux du comité d’organisation et les préparatifs de l’équipe nationale.
Il y a quelques jours, selon Hani Abou Rida, le chef du comité d’organisation de la CAN, tous les stades sont prêts. Celui du Caire, récemment réceptionné après les travaux de rénovation, brille de mille feux. S’il est vrai qu’il y a encore quelques aspérités à raboter, il reste que le gros du travail a été fait. Les 75 000 places sont toutes assises et numérotées, les vestiaires et les cabines de reportage ont été refaites. Les deux panneaux électroniques portent aussi deux écrans géants.
Les premiers essais dans ce stade viennent d’avoir lieu lors du mini tournoi de quatre nations (Egypte, Ouganda, Equateur, Sénégal), et les résultats sont satisfaisants. Les exigences de certaines équipes au sujet des hôtels et des stades d’entraînements ont été satisfaites, dont celles du Cameroun qui aurait exigé un hôtel avec piscine et stade ou stade à proximité de l’hôtel.
Le comité d’organisation a été secoué ces jours par le remaniement ministériel qui a vu la dissolution du ministère de la Jeunesse et des sports remplacé par deux hauts conseils: un haut conseil pour la jeunesse et un autre pour les sports. Du coup, le Ministre Mamdouh El-Beltagui qui a pesé de tout son poids dans l’organisation de cette CAN est écarté. Un coup dur que le comité devra traverser au plus vite et avec tact, car, un grain de sable propulsé dans le mécanisme par la bureaucratie et les lenteurs administratives entraînerait un couac.
C’est que, un torrent de critiques s’était déjà abattu sur le comité d’organisation pour ses manquements lors du tirage au sort, à savoir, entre autres, l’absence des gloires africaines, la programmation du match d’Al-Ahly (club le plus populaire d’Égypte) à la même heure du tirage. Les ambitions du comité d’organisation sont claires: celles de faire de cette CAN l’une des plus réussies sur le plan organisationnel ; celles des Pharaons d’Egypte ne sont pas des moindres, ils restent fidèles au système « O.R »: organiser et remporter.
Sortis moulus et exténués des dernières éliminatoires couplées CAN/Coupe du monde 2006, les Pharaons d’Égypte n’affichent qu’une seule ambition: celle de remporter la CAN pour se réconcilier avec son public. Quoique jetés dans un groupe ‘A’ avec des poids lourds comme le Maroc et la Côte d’ivoire, les Pharaons restent sereins et concentrés.
Toutefois, la participation des joueurs professionnels aux différents stages de préparation remet au goût du jour cette problématique du calendrier des championnats européens, incompatible avec la date de la tenue de la CAN. Samir Zahir le président de la FEF s’est déplacé en personne pour aller rencontrer Martin Jol, le manager de Tottenham au sujet de la libération de Mido. D’autre part, la sélection de Hossam Hassan, joueur égyptien le plus capé avec ses 146 sélections, qui frise la quarantaine, a fait couler beaucoup d’encre.
La presse s’indigne de la base sur laquelle il a été sélectionné, car, en 12 journées de championnat, il n’a marqué que deux buts et son équipe Al-Masri de Port-Saïd caracole en fin de classement. Hossam surnommé « Al-Amid » le doyen, qui sera à sa 7ème CAN s’il est retenu, croit en ses capacités et ne cesse de rappeler à ses détracteurs que Roger Milla a marqué au haut niveau à 42 ans. Le coach Hassan Chéhata a tenu à rappeler qu’en plus de ses qualités de buteur, Hossam Hassan aura un grand rôle à jouer dans la préparation psychologique et la galvanisation des jeunes joueurs auprès de qui il jouit d’un grand respect. Le « Milla égyptien », malgré l’outrage du temps, reste le joueur égyptien le plus populaire, sa sélection a été bien accueillie par le public qui déferlera au stade du Caire pour lui, même s’il ne joue pas. Un public soif de victoire !
L’année qui s’achève a marqué un tournant important dans la vie politique égyptienne. Du référendum pour l’amendement de l’article 76 de la Constitution permettant l’élection du président au suffrage universel, aux élections présidentielles, puis les élections législatives avec ses rebondissements et la Baltagua (phénomène des séides et des hommes de main), la politique seule alimente les conversations. Loin le temps où le football avec ses deux sommets Al-Ahly et Zamalek définissait tout. Il fallait être Ahlaoui ou Zamalkaoui. Même si ce conflit reste toujours d’actualité, il demeure que la politique a pris le dessus, les gens sont classifiés selon leur appartenance politique.
Al-Ahly, vainqueur de la ligue des champions d’Afrique participe à la coupe du monde au Japon, il n’y a pas de médiatisation à grand renfort, les ondes et les chaînes de télé sont encore occupées par les politiques. Grabuge au sein du Zamalek, déboires et piètres performances, ça ne fait pas la ‘une’ des journaux dont les manchettes ne parlent que des élections. Avec l’approche de la CAN, les médias multiplient les appels à l’endroit du public de mettre la politique en veilleuse et surtout, pour l’intérêt national, enterrer la hache de guerre entre le public de Al-Ahly qui s’enorgueillit d’avoir 9 joueurs dans les rangs de l’équipe nationale et celui du Zamalek qui n’a que 3.
Dans d’autres villes, Alexandrie, Port-Saïd, Ismaïliya, la ruée vers les stades se prépare. Le peuple égyptien amoureux du football ne pouvait espérer mieux. Toutes les stars africaines dont certaines ont une renommée internationale se retrouvent sur sol à partir du 20 janvier prochain.
À l’heure des derniers réglages, des retouches, des derniers coups de marteau, des dernières réunions du comité d’organisation de la CAN, on reste optimiste. On attend de pied ferme le spectacle que les 16 équipes nationales qualifiées vont produire pour qu’au sortir de cette CAN, le 10 février, on puisse dire que les fruits ont tenu la promesse des fleurs.
Moustapha Nsangou au Caire