Une odeur de soufre se dégage de la demi-finale du Mondial-2006 de football Portugal-France mercredi à Munich : la Selecçao est avide de revanche après la demi-finale perdue de l’Euro-2000, tandis que Zinédine Zidane pourrait manquer une finale éventuelle en cas d’avertissement.
Le passé plaide pour les Bleus, victorieux de deux demi-finales face au Portugal lors des Championnats d’Europe 1984 et 2000. Et dans ces deux cas, les Tricolores ont conquis le titre dans la foulée.
La plaie du 28 juin 2000 est encore vive pour les Portugais, rejoints au score dans le temps réglementaire (1-1) et qui s’effondrent en prolongation sur penalty (et but en or) de Zidane après une main d’Abel Xavier.
Fou de rage, Paulo Bento, Nuno Gomes et Abel Xavier, s’en prennent alors à l’arbitre et seront suspendus plusieurs mois.
«La rivalité entre le Portugal et la France est énorme», souligne Helder Postiga, qui avait participé le 18 novembre 2003 à la victoire des Espoirs portugais contre leur homologues français, entraînés alors par Raymond Domenech, dans une ambiance délétère.
«Sauvages»
Djibril Cissé avait écopé d’un carton rouge direct pour un coup porté à un défenseur portugais, qui ne s’était pas privé d’en rajouter. Et, après le match, les Portugais avaient complètement saccagé leur vestiaire. «Ce sont des sauvages, avait vitupéré Domenech. Ils se croient encore au temps des conquistadors ?».
La délégation portugaise avait aussi refusé de présenter deux joueurs à un contrôle antidopage inopiné du ministère des sports français, non reconnu par l’UEFA. «Les Portugais n’étaient pas dans leur état normal», persiflait Domenech le lendemain.
«C’est un autre match, une autre équipe, un autre contexte. Ne réduisez surtout pas l’équipe du Portugal à ça !», tempère aujourd’hui le sélectionneur des Bleus.
Ces antécédents entre les deux équipes risquent de trouver un prolongement dramatique mercredi : dix titulaires probables de la demi-finale de Munich, cinq Français et cinq Portugais, vont jouer avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, puisqu’un simple carton jaune les priverait du match de leur vie, la finale de Berlin.
Enjeu historique pour le Portugal
Pour Zidane, l’enjeu est terrible : un avertissement de l’Uruguayen Jorge Larrionda signerait purement et simplement l’arrêt de sa carrière à 34 ans. Dans pareil cas, toute la France aura sans doute les larmes aux yeux, même si les Bleus vont à Berlin.
«L’important, ce n’est pas qui va peut-être jouer la finale, tente de dédramatiser Lilian Thuram, lui aussi sous le coup d’un avertissement. L’important, c’est que l’équipe de France fasse tout pour aller en finale».
Le défenseur réfute par ailleurs la thèse du «match pourri». «Tout le monde me parle en ces termes du match, mais je ne pense pas, assure-t-il. Ce sera très fermé, bien sûr, parce qu’il y a une finale au bout et que personne ne va vouloir se risquer à faire des choses pour mettre en déséquilibre l’équipe, mais c’est un match qui va se dérouler dans un bon état d’esprit.»
Pour Thuram, les Bleus ne doivent pas seulement se méfier des cartons, mais aussi d’un excès de confiance : «quand vous gagnez contre le Brésil, tout le monde s’imagine déjà vous voir en finale. Mais si on perd l’humilité, les choses vont devenir très compliquées».
Les Portugais sont quant à eux à un match de la première finale d’un Mondial de leur histoire (ce n’est que la deuxième fois qu’ils se qualifient pour une demi-finale dans une Coupe du monde, 40 ans après l’épopée de 1966).
«C’est un moment important pour les Portugais, confirme le latéral Miguel. On ne veut pas décevoir le gens ni nous-mêmes.»
Philippe Grelard