Il est des années que tout le monde veut oublier, 2004 en a fait partie. Devant la bérézina du football camerounais, battu sur les plans sportifs et institutionnels, observateurs et dirigeants avaient de 2005 l’année du renouveau. Une année où le football camerounais retrouverait sa fierté et le sommet du continent.
Les premiers mois s’annonçaient donc décisifs et ont été marqués par des gestes forts : choix du nouveau sélectionneur, élection du nouveau bureau exécutif de la FECAFOOT, remise en état du stade Omnisport… Et comme en plus, Tony Sylva était d’humeur joyeuse le 9 février dernier, les sourires et l’espoir sont revenus tant au Cameroun que dans la diaspora. Et pourtant ! En ce mois de mars décisif à plus d’un niveau – livraison du stade Omnisport, début du Championnat, début des compétitions africaines de clubs et reprise des éliminatoires de la Coupe du Monde 2006-, il y a des raisons de s’inquiéter.
Des raisons structurelles, parce que l’organisation du football camerounais reste dénuée de bon sens. Le stade Ahmadou Ahidjo, qu’on rafistole à chaque coup de semonce des institutions internationales et qui soulève de nombreuses questions sur la sécurité des spectateurs ne mérite-t-il pas un vrai lifting afin de se mettre aux normes internationales ? Ou alors une retraite « internationale » dorée, pendant qu’un plus jeune prendrait sa succession… Un stade à la hauteur de la notoriété de notre équipe nationale, qui permettrait d’accueillir des visiteurs de bon niveau. Faut-il rappeler que les Indomptables n’ont pas joué de match amical à domicile depuis 1998 (ndlr contre l’Angola le 28/01/98 à Garoua) ? Une nation peut-elle appartenir au gratin du football mondial sans la moindre infrastructure de pratique ?
La question du stade se révèle essentielle, puisqu’en ce début de championnat camerounais de nombreux clubs se retrouvent Sans Stade Fixe. Situation que certains pratiquent depuis des années, allant trouver refuge auprès de villes voisines. Comme un musicien qui programmerait un concert, en n’ayant pas ses instruments. Et pourtant, nous avons fini par accepter cette situation, puisque leurs matchs sont programmés par les instances. Dans un calendrier lui aussi anachronique. Car en voulant réparer une erreur, on en a commis une plus grosse. En voulant repasser à la poule unique… Décision somme toute logique, mais qui aurait due être prise en amont, afin d’éviter de se retrouver avec un championnat à 18 clubs. Ce qui veut dire 34 journées, sans compter la Coupe du Cameroun. Le tout dans un calendrier international surchargé entre les dates FIFA et CAF. Autant dire que la programmation des rencontres sera encore illisible. Aux détriments des acteurs du jeu, des spectateurs et des sponsors, qui finiront par se lasser de payer pour des rencontres dans des stades vides.
Des raisons conjoncturelles, avec la sélection publiée par Artur Jorge. Une liste de joueurs qui ne comprend pas de véritable surprise, mais dont la publication pêche sur le fond et la forme. Tandis que les sélectionneurs des grandes nations de football présentent la sélection en conférence de presse en justifiant leurs choix, les camerounais ont droit à un communiqué. Choix qui entraîne son lot de rumeurs évitables, notamment sur la paternité de la liste. Une liste anormalement longue. Pourquoi convoquer 23 joueurs et se réserver la possibilité d’en sélectionner encore deux pour une seule rencontre ? La feuille de match ne peut en compter au mieux que 18. N’est-ce pas superflu de déplacer au moins cinq joueurs pour les libérer deux jours plus tard ? A un moment où on parle de reconstruire une ambiance, c’est un choix discutable. Des compétiteurs de ce niveau ne peuvent pas se satisfaire d’être convoqués et pas sélectionnés. Et en ce qui concerne le sempiternel problème des primes : qui y aura droit ? Une liste de 17 ou 18 joueurs, plus 2 ou 3 du championnat camerounais – qui seront eux, contents de participer, même sans jouer- aurait fait l’affaire, surtout face au Soudan, qui n’est pas, sans lui manquer de respect, un foudre de guerre.
Cette situation se réglera peut-être elle-même, en raison d’indisponibilités de joueurs sélectionnés, mais elle démontre encore le tâtonnement de notre structure d’encadrement. Hors, le haut niveau est une limitation des incertitudes. Et le football d’aujourd’hui ne permet pas de se reposer sur nos lauriers, car les écarts entre les nations se réduisent et certaines souhaitent contester durablement le leadership camerounais et opposent d’autres arguments. Le football africain s’est décomplexé avec ses résultats en Coupe du Monde, le précurseur camerounais n’étant plus le seul. Le Mali ne vient-il pas d’éliminer nos deux équipes de jeunes ?
Le Coupes d’Afrique de jeunes ne se déroulent-elles pas sans les petits Lions ? On ne sait pas si ces jeunes vont passer le cap des seniors, mais au même âge, ils ont une approche du haut niveau supérieure aux nôtres, en participant à ces compétitions. Aujourd’hui, les ivoiriens profitent de l’arrivée à maturité des académiciens de Jean-Marc Guillou, les sénégalais ont construit leur équipe des années 2000 autour des enfants d’Aldo Gentile et les maliens de la formation initiée en 1994, notamment du Centre Salif Keita. Autant dire qu’avec les pays du Maghreb, la concurrence se diversifie et qu’on ne pourra compter éternellement sur les générations spontanées pour conserver notre avance et ne pas rentrer dans le rang.
François Joseph Djomo