Le phénomène des double, triple, voire quadruple signatures prend de l’ampleur parce que la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) excelle dans le laxisme. Elle ne sanctionne pas toujours les footballeurs qui posent de tels actes.
“Quand nous avons fait arrêter Eugène Etamè Soppo et Alain Ekotto, le secrétaire général de la Fécafoot, Jean René Atangana Mballa nous a appelé pour nous demander de les faire libérer. Qu’il aurait fallu que l’affaire soit réglée au niveau de la fédération”. Pierre Boudjiko, le vice-président de l’Unisport de Bafang, ne souhaite pas garder secrètes les tractations de la Fédération camerounaise de football dans l’affaire Etamè-Ekotto. La Fécafoot souhaite que dans des affaires comme celle-là, le linge sale se lave en famille. Mais les présidents de clubs en ont manifestement assez des comportements de ces joueurs. “Quand des cas sont présentés à la fédération, elle renvoie les deux équipes s’entendre. Elle ne fait pas son travail qui consiste à suspendre le joueur coupable d’escroquerie”, dénonce un dirigeant de club de D1. Une position qui encourage les footballeurs escrocs à poursuivre leurs petites magouilles.
Chaque année, depuis bientôt une décennie, on ne compte plus les joueurs qui signent dans plus d’un club à la fois à l’intersaison. Mais, à la Fécafoot, on ne peut pas citer les noms des joueurs sanctionnés parce qu’il n’y a pratiquement jamais eu de sanction. Et pourtant, les articles 66 et 100 des règlements généraux de la Fécafoot disposent que tout joueur reconnu coupable de tricherie en matière de mutation ou libération est frappé d’une sanction de suspension et, dans certains cas, de radiation, après étude.
Fausses libérations
Les présidents des clubs et autres observateurs avertis soutiennent mordicus que la Fécafoot n’applique pas toujours les textes contre les joueurs escrocs tout simplement parce que ce sont certains de ses membres qui délivrent de fausses attestations de libération. “La fédération est prise dans son propre piège car, elle est souvent complice des joueurs escrocs. Elle ne peut donc pas sanctionner des gens qu’elle soutient”, avance un dirigeant de l’Union sportive de Douala. De son côté, l’association des clubs de première division (Acpd) est décidée à lutter contre ce phénomène. “Les présidents de clubs que nous sommes avons décidé d’être très regardants et pointilleux avec les joueurs qui passent leur temps à nous tromper”, explique Antoine Depadoue Essomba Eyenga, le président de l’Acpd qui, comme ses pairs, dit avoir “l’impression que la Fécafoot n’est pas très rigide quand il faut sanctionner toutes sortes de tricheries dans les milieux du football camerounais.”
Les fausses libérations ne servent pas seulement les joueurs souhaitant évoluer sur le territoire national. Elles sont le plus souvent délivrées aux footballeurs désirant sortir du pays, après avoir escroqué des présidents de clubs. “Le joueur Manga a signé dans l’Union pour deux ans et est parti avant la fin de la première année. On l’annonce dans un club européen. Où a-t-il obtenu la libération pour le transfert international? Sûrement à la Fécafoot où il aurait comme nombre de footballeurs, des complicités”, fait observer un membre de l’Union de Douala. Plusieurs joueurs camerounais évoluant à l’étranger sont redevables de fortes sommes d’argent aux présidents de clubs qu’ils ont floués au Cameroun avant d’aller chercher fortune en exil.
Ebauche de solution
Accusé de complicité de toutes parts, la Fécafoot semble enfin vouloir prendre la mesure du problème. Elle se propose désormais de publier au début de chaque compétition les listes des joueurs des équipes y prenant part “Nous le faisons pour permettre aux uns et aux autres de revendiquer tel ou tel joueur, et éviter des réserves de qualification quand on sera en pleine compétition”, explique Jean-René Atangana Mballa, secrétaire général de la Fécafoot. Ce fut le cas déjà pour les interpoules 2002 et pour le championnat de première division en cours. Mais, ces mesures ne sont pas suffisantes pour diminuer le phénomène des multiples signatures. La détermination des présidents de clubs à saisir les tribunaux pour régler ce problème semble être le meilleur moyen pour le combattre.
H.Foimoukom