L’entraîneur de Canon revient sur l’échec de Khartoum et entrevoit la suite de la compétition.
Qu’est-ce qui explique le naufrage de samedi à Khartoum ?
Si naufrage il y a eu ! Est-ce que pour les autres [Ndlr : El Merrikh] on va dire qu’il y a eu naufrage, puisque nous les avons bel et bien battus 5 buts à 0, alors que c’est une équipe championne ? Moi, je crois que les supporters, les Camerounais avec, devraient comprendre cette situation. Nos adversaires avaient un baroud d’honneur à révéler. C’est quand même l’équipe championne et Khartoum c’est à peu près 13 millions d’habitants. Donc, il y avait un honneur à relever au cours de ce match retour et ils ont mis tous les moyens possibles pour laver l’affront de l’aller. Voilà la première raison. La seconde est interne. Nous avons eu de nombreuses difficultés pour nous déplacer. Tout le monde sait un peu comment ça s’est passé. Et ces problèmes ont fait en sorte que la préparation soit plus ou moins bâclée. Par ailleurs, nous étions tous convaincus qu’avec le 5-0 de l’aller, là-bas, [Khartoum, Ndlr], on allait en balade de plaisir. Ce qui ne pardonne pas en compétition de haut niveau où il ne faut jamais négliger l’adversaire. Nous avions également des blessés qui n’ont pas pu prendre part à ce match. Par ailleurs, les moyens n’ont pas été libérés à temps. Nous lorgnions du côté du ministère [Jeunesse et des Sports, Ndlr] qui n’a pas débloqué l’argent à temps. S’il l’avait fait, nous serions partis plus tôt que nous n’en serions pas là.
Cela ne justifie pas une si lourde défaite…
Il y a également eu des raisons exogènes. Là-bas, nous avons eu l’impression qu’il y avait toute une organisation qui avait été mise en place pour que nous ne puissions pas atteindre notre but. En effet, comment se fait-il qu’on loge les officiels du match et l’équipe soudanaise dans le même hôtel, pendant que nous, nous sommes installés au fin fond d’un quartier où les conditions d’hygiène étaient des plus déplorables ? Comment comprendre que l’équipe adverse arrive une heure de temps après nous au stade ? Comment expliquer qu’on doit faire les vérifications des licences, à peu près au même moment, avec la présence de deux ou trois éléments en dehors du capitaine de l’équipe adverse ? Nous ne savons donc pas trop comment la vérification des licences a été faite. Puisque notre capitaine nous a rapporté que le joueur qui a procédé à la vérification des licences comme capitaine de l’autre équipe n’a pas pris part au match. Sur le terrain même, nous avons constaté qu’ils* ont fait plus de trois remplacements. Autre constat, contrairement à nos habitudes ici, la commissaire du match n’était pas à la main courante. Elle était plutôt dans on ne sait quel coin des gradins. Car je l’ai cherchée pendant la pause pour lui faire part de mes réserves quant à la qualité de l’arbitrage. Parlant de ce dernier point, il y a également de nombreuse interrogations qui demeurent en suspens. Quand un directeur de match donne des cartons jaunes à toute une défense, vous voulez qu’on s’attende à quoi ? A compter de ce moment, les gars jouaient avec la peur au ventre. Et maintenant quand vous infligez un carton rouge , ca veut dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans l’organisation globale.
Quelles dispositions avez-vous alors prises ?
Quand je me suis rendu compte de cela, il a fallu changer la stratégie. En première mi-temps, nous avons fait match nul, 0-0. En seconde mi-temps, la fatigue du voyage s’est fait ressentir. Certaines personnes nous ont fait savoir que nous avions en face de nous presqu’une équipe nationale. Les gars qui avaient pris part à ce match n’étaient plus les mêmes que ceux du match aller… Et comme nous n’étions pas nombreux (nous avions 15 joueurs parmi lesquels un malade qui n’a pas pu prendre part au match faute de soins médicaux car nous n’avions pas de médecin), à 2-0, j’ai demandé aux gars de fermer le jeu pour essayer de bagarrer afin d’assurer la qualification. A la fin du match, il y a eu des éclats de voix entre les joueurs et la commissaire de match qui est réapparue au terrain au temps additionnel. Tout ceci réuni, le 4-0 était tout à fait normal. Et tous leurs* buts étaient clairs. Ils* ont très bien joué à la 2è mi-temps. ça aurait pu être pire. Mais avec les raisons évoquées, il était vraiment normal que nous passions à côté de ce match. Il ne faudrait pas chercher des raisons ailleurs en dehors de celles-ci. Il est important d’avoir ce genre d’expérience pour que les prochaines fois, nous ne tombions plus dans les mêmes erreurs. Par ailleurs, la majorité de mes joueurs sont immatures. Ils manquent d’expérience. Celle-ci vient avec les matches de ce genre. Mais au moins la qualification est là. Dieu merci !
Vous avez porté toutes ces réserves à la Caf ?
Non, parce que ce sont des réserves qui ne passent pas. Comme les officiels sont couverts par le règlement, c’est très difficile de prouver qu’il y a eu tricherie. C’est le rapport du commissaire du match et celui de l’arbitre central qui comptent. Ceux-ci ne peuvent pas être contradictoires puisqu’ils habitaient le même hôtel. C’est pourquoi je pense qu’à l’avenir, les équipes devraient se déplacer avec un ou deux journalistes afin qu’ils soient les témoins des événements. Parce que quand un entraîneur témoigne, on a tendance à ne pas le croire. Par ailleurs, l’administration devrait libérer les moyens à temps. Quant aux joueurs, il faudrait qu’ils comprennent que la haute compétition, c’est tout ça. Ce n’est pas seulement jouer au foot, mais réussir à rester stoïque devant toute forme d’adversité. Car à l’avenir ce sera plus dur.
Cette défaite ne vous fait pas douter de vous et de votre groupe qui alterne le bon et le moins bon ?
Pas du tout. Si on doute (rire), ça signifie que l’on ne sait pas où l’on va. Nous avons un effectif bien, qui a juste besoin d’expérience. Nous avons une expertise de qualité en la personne de Théophile Abéga qui connaît bien le football. L’encadrement technique est également d’un bon niveau. Tout cet ensemble de personnes fait en sorte qu’on trouve les vraies solutions aux problèmes. Il faudrait que sur le terrain, on s’attelle pour qu’il y ait un peu plus de maturité, plus de discipline encore pour que les joueurs comprennent que ce n’est pas l’amusement. Les deux premiers matches de la Ligue des champions sont extrêmement difficiles. Chacun sait que s’il passe cette étape il aura un gain subséquent pour la suite de la compétition.
Votre adversaire des 8ès de finale est Saint Eloi de Lupopo de Rdc. Que vous inspire cette équipe ?
Je crois que c’est une équipe à prendre très au sérieux. Elle a perdu à domicile (0-1), mais elle est allée gagner 3-0 à l’extérieur. Ce qui signifie qu’il y a quelque chose de sérieux dedans. Et que les mêmes problèmes que nous avons eus à Khartoum, nous pourrons certainement les retrouver à Lupopo. Donc c’est à nous de nous préparer pour que nous soyons à l’abri de toute déconfiture.
Certains estiment que vous avez préservé des joueurs contre El Merrikh pour la rencontre déterminante de dimanche face à Coton Sport de Garoua…
Ceux qui le disent ne connaissent pas la maison Canon. Dans le Kpa Kum, nous ne préservons pas les joueurs. Nous avons besoin des résultats à tout moment. Donc si nous avons la fine fleur sous la main, nous allons l’utiliser. Par ailleurs, ceux-là qui le pensent, devraient savoir que nous avons des joueurs qui ne sont pas qualifiés à la Caf. Pour l’instant, il faudrait attendre l’étape des quarts de finale pour que d’autres rentrent dans le jeu.
Et comment entrevoyez-vous la rencontre de dimanche ?
Elle sera à l’image du championnat, des joutes Coton Sport-Canon : extrêmement disputées, difficiles. Nous devons nous préparer pour être à la hauteur des attentes du public et, surtout, des fanatiques du Canon, laver l’affront subi au Soudan. Nous sommes conscients de l’enjeu de cette rencontre. Nous allons travailler en conséquence pour que rien ne soit laissé au hasard.
* Durant l’interview, M. Ndjili ne prononcera en aucun moment le nom de son adversaire des 1/16ès de finale : El Merrikh.
Propos recueillis par Bertille M. Bikoun