Formé à la Kadji Sport Academy (KSA) avant une longue carrière de footballeur dans des clubs de D3 d’Allemagne (Offenbach) et de France (Tours Fc, Paris Fc), Michel Tadoun est aujourd’hui agent de joueurs. Forcé de raccrocher en 2012 suite à une blessure, il est de retour au Cameroun où il s’investi dans la formation de jeunes talents à travers son Centre, TAD Academy basé à Yaoundé.
Mais comme tout formateur, il s’interroge sur l’avenir du football jeune au Cameroun où les joueurs attendent toujours leur championnat. Or dit-il, «ce n’est pas la jeunesse d’ailleurs qui va venir bâtir le Cameroun de 2019, de même que ce ne sont pas les Lions de l’époque actuelle qui feront 2019, mais les jeunes que nous aurons formés durant ces quatre années». Entretien.
Comment est-ce que vous faites pour maintenir vos joueurs en activité, en ces moments où l’on attend toujours que le championnat jeune débute de façon effective ?
La situation est simple : nous dépendons de la Fédération et de la Ligue de football professionnel. En ce moment, il y a un blocus qui est dû à la crise électorale qui continue de faire son chemin à la Fécafoot. On repart sur six mois de prorogation de la normalisation, ce qui fait que, que ce soit au niveau des Ligues régionales ou départementales tout est à l’arrêt, et on se demande : qu’adviendra-t-il du football jeune durant les six prochains mois ? Nous, en tant que promoteurs et présidents de Centres de formation, on essaie de s’organiser au maximum avec non seulement des mini-tournois que nous lançons nous-mêmes, et aussi des matchs amicaux. La réalité est que c’est difficile pour ces enfants qui sont sacrifiés. C’est une situation qui interpelle tous ceux qui ont le pouvoir de décision dans notre pays, et dans notre football. Il faut un véritable réveil des consciences. On est en train de sacrifier tous ces jeunes, or le Cameroun est parti pour organiser et remporter la Coupe d’Afrique 2019. Et il ne faut pas qu’on se mente : ce n’est pas la jeunesse d’ailleurs qui va venir bâtir le Cameroun de 2019, de même que ce ne sont pas les Lions de l’époque actuelle qui feront 2019, mais les jeunes que nous aurons formés durant ces quatre années. Nous voulons que les champions régionaux soient mieux organisés, au niveau des minimes et cadets.
Les jeunes jouent de moins en moins au football, et c’est un gros danger pour l’avenir de notre pays. Quand je prends le cas de mon quartier, Biyem-Assi à Yaoundé, on y trouvait du potentiel à l’époque avec des joueurs incroyables comme Olembé, Atouba, Carlos Kameni qui jouaient les Coupes Top, des championnats minimes etc. On ne retrouve plus ça. Si les enfants ne sont pas en compétition de façon régulière, c’est clair que lorsqu’on aura besoin de joueurs pour les sélections, on ira toujours supplier des binationaux qui eux-mêmes ne sont déjà pas intéressés.
A quoi est-ce que vous faites allusion quand vous dites que vous souhaitez que les championnats jeunes soient mieux organisés ?
En Europe, où j’ai passé plusieurs années au cours de ma carrière de footballeur, les jeunes sont régulièrement en compétition. Parfois ils jouent jusqu’à trois matchs par semaine. Forcément quand il faut former une sélection nationale minime par exemple, ce sont seulement les meilleurs qui sont retenus. Et nous au Cameroun, quand on regarde des enfants européens jouer, on dit : non, ce ne sont pas des gamins, ils sont trop forts. On a l’impression que les autres font de la magie, mais c’est regrettable. Il nous faut d’abord un championnat réserve assez relevé. Cela veut dire que toutes les équipes de première division doivent avoir chacune une équipe réserve de qualité. On peut former jusqu’à 23 ans. Puis, il faut des championnats régionaux plus compétitifs. Actuellement il y a un mélange, et la conséquence c’est que les équipes ne se valent pas. Alors il faut faire la part des choses avec par exemple une équipe de région de première zone, une équipe de région de deuxième zone etc. Cela va nous permettre d’avoir l’embarras du choix pour nos sélections inférieures, tellement il y aura de la matière et de la qualité.
Tout ce que vous dites est intéressant, mais croyez-vous que l’environnement camerounais permet d’avoir une telle organisation ?
Le problème du Cameroun est simple : chacun est dans son coin en train de monter son Académie sans consulter les autres, sans collaborer avec les tutelles et même l’Etat. On ne peut aller nulle part avec ce genre de comportement. Il faut qu’on travaille ensemble. Il faut qu’on se mette en règle. Aujourd’hui, près de 80% des équipes n’ont pas des agréments. Ce n’est pas normal, or c’est par-là que ça devrait commencer. Les gens créent des Centres dans l’illégalité, entraînent des enfants en espérant en vendre un ou deux à l’étranger et puis c’est fini. Il faut plus de sérieux chez les promoteurs de Centres de formation. Maintenant, l’Etat, la Ligue et la Fédération doivent plus s’intéresser à ces jeunes parce qu’ils sont l’avenir. Au Cameroun, on se focalise seulement sur les sélections A et sur les clubs de première division, mais on a tort de le faire. Les Lions cadets, juniors, espoirs et même amateurs n’arrivent plus à se qualifier pour des compétitions continentales, tout simplement parce qu’ils n’ont pas le niveau. Et ce niveau, c’est dans la formation qu’on le trouve. On a raté la dernière Can, on se prépare pour des matchs amicaux et on rappelle les mêmes qui étaient à la Can…pour quels résultats ? On a un championnat de deuxième division où les garçons ne sont pas capables d’aligner quatre passes, et on s’étonne que les stades soient vides ? Où est passée la formation ? Il faut sortir de cette routine, changer un peu de méthode en mettant plus d’énergie et d’attention sur le football jeune.
Mené par Arthur Wandji