Il y a pratiquement deux décennies que je n’avais pas assisté à une rencontre entre le Canon et le Tonnerre, les deux frères dits » ennemis » de la capitale. Du championnat national de D1, je me suis jusque-là contenté de quelques chiches commentaires dans les colonnes de journaux dont Mutations.
Dimanche dernier, pressé par quelques copains et ayant succombé au matraquage des médias, je me suis rendu au stade pour ce qui était alors présenté comme la rencontre phare de la 8ème journée du championnat.
Première surprise : le match se joue en lever de rideau, c’est-à-dire sous la chaleur caniculaire de fin de saison sèche à Yaoundé. Un apéritif en quelque sorte, avant le plat de résistance. Il paraît que c’est ainsi depuis des années, depuis que les deux équipes de choc des décennies 70/90 ont été supplantées sur leur propre terrain par des blanc-becs. Sur le terrain, que voit-on ? Un spectacle complètement insipide. Un jeu décousu. Essentiellement physique, trop physique même. Même si l’aire de jeu est totalement bosselée, on s’est cru dans une partie de « baby-foot ». Des insuffisances et incohérences tactiques criardes. D’un côté, une équipe du Tkc totalement désarticulée : deux attaquants totalement perdus, sans relais à l’arrière ; ce qui oblige les lignes arrières à » balancer » les ballons aux » pompeurs « , comme au flipper.
En défense même, de sérieux problèmes de positionnement. Un latéral gauche avec un physique de trois-quarts de rugby, incapable de faire la moindre passe. C’est donc tout naturellement qu’il fauchera son vis-à-vis, offrant l’égalisation au Canon à travers le penalty accordé par le juge central. Les nostalgiques cherchent en vain les dignes successeurs des Djonkep, Ebongué, Dotoua et autres. En face pendant ce temps, une meilleure occupation du terrain certes, mais globalement les mêmes faiblesses pour des joueurs que l’on vante dans les tribunes. Ngon à Djam ? Peu inspiré. Rien à voir avec un Manga Onguéné ou même un Jacques Nguéa, malgré le même profil longiligne. Zoalang ? Ntieche ? Zéro pointé.
Les acteurs les plus en vue restent paradoxalement les encadreurs. Tant par leur nombre que leurs vociférations sur le banc de touche. Trois pour le Canon et trois pour le Tonnerre.
Côté Tkc, deux anciens Kalara boy : Hans Agbo qui semble réduit aux questions d’intendance et Gilbert Mballa, le gardien du milieu de années 70, dont la carrière a brutalement pris fin par une fièvre subite lors d’un duel contre le Kaloum Star de Conakry, après deux tirs d’Ali Sylla » Tostao » sur la transversale. Chassé par la grande porte en début de saison dernière pour résultats insuffisants, il vient d’être ramené par la fenêtre. Le résultat est le même : le jeu chatoyant du Tkc d’antan, fait de courtes passes à une touche de balle fait place à un jeu à l’emporte-pièce, sans inspiration. Essono Pie, où es-tu ?
Mais c’est du côté du Canon que l’attelage est des plus curieux : Dieudonné Nké, un » sans grade « , est » secondé » par un Belge et… Pierre Ndjili, qui a pourtant un solide curriculum vitae avec de solides références au même poste il y a quelques années.
Finalement, où trouvera-t-on le Kalara, ce jeu élaboré ? Dans la deuxième rencontre qui, somme toute, méritait bien de constituer le plat de résistance de la soirée. Renaissance de Ngoumou, un bleu, malgré sa défaite (0-2) devant Cintra, émerveillera le public par la qualité de son jeu collectif tout proche de celui des Macky Stéphane, Dibongué, Bertin Ollé… Ce qui n’est pas un hasard : c’est la touche personnelle et l’esprit d’Alexandre Belinga, un des » peintres » du Tkc des années 70-80. Un coach dont on parle peu. Heureusement donc qu’il y a eu cette deuxième rencontre. Sinon je me serais résigné à ne plus remettre les pieds au stade. Finalement, je serai bien au rendez-vous de la phase retour, à la 23ème journée, pour revoir le Kalara… d’Alexandre Belinga.
Alphonse Soh