Après une brillante carrière, des dirigeants sportifs convoitent désormais des postes de députés ou se lancent à la conquête de mairies. Ils bifurquent ainsi vers la politique, comme pour se munir d’une cuirasse.
Une popularité bâtie sur le football permet de se fabriquer une personnalité respectée, adulée, enviée… Ce qui ouvre des portes hermétiques, et procure des faveurs que le profane, homme de la rue, ou le supporter de base, ne peuvent concevoir. Les victoires en sport confèrent une telle popularité que même l’argent, beaucoup d’argent, ne pourrait acheter. Les fins stratèges politiques l’ont compris, eux qui, d’une élection à l’autre, enrôlent les hommes du football dans leur caravane.
Les cas sont légions. Théophile Abéga l’ancien capitaine des Lions indomptables, Ballon d’or africain 84, après trois mandats passés à la tête de la sous-section Mfoundi IV, tient désormais les commandes de la section du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). Le président de Canon de Yaoundé, casquette, survêtement… à l’effigie du parti, a laissé de côté ses activités politiques, pour renouer avec les grandes émotions des stades. Un retour sous fond de campagne. Il espère ainsi gonfler les rangs du parti, sans distinction de condition sociale, ni d’origine tribale…
Dans le Sud, l’ex président du club de football de première division, Association sportive de la mairie de Yaoundé 1er, Asmy, devenue plus tard, Association sportive de la mairie d’Ebolowa, Asme, Bertrand Magloire Mendouga, porté à la tête de la Section Mvila Nord, à l’issue du renouvellement des bureaux des organes de base du Rdpc, a mis en avant sa célébrité, pour faire triompher le parti au pouvoir, au cours du double scrutin municipal et législatif tenu le 22 juillet.
D’autres candidats s’appuient sur l’organisation des championnats de vacance. L’ex ministre des Travaux publics Dieudonné Ambassa Zang, s’est forgé une place au soleil par l’organisation de compétition, dénommée « Mfou, sports vacances ». Ce tournoi a fait de la petite bourgade située à 20 km de Yaoundé, un véritable lieu de pèlerinage, pour des personnes de tout âge et des deux sexes. Le promoteur de l’un des championnats de jeunes les plus courus de la province du Centre a brigué un mandat à l’assemblée nationale, le 22 juillet.
Incompatibilité
Au plus fort de la crise des lendemains de la coupe du monde France 98, le caractère apolitique de la Fédération camerounaise de football est brandi par ses responsables pour tenir à l’écart les autorités ainsi disqualifiées. Attitude que vinrent renforcer les mises en garde de la super puissance Fifa, qui n’hésita pas à frapper le Cameroun d’une suspension, contraignant le chef du gouvernement à se désolidariser du ministre de la Jeunesse et des sports de l’époque.
Curieusement, c’est depuis ces évènements malheureux que l’engouement politique des dirigeants du football s’est développé. Le député Alioum Aladji est devenu trésorier de la Fécafoot, après avoir créé un centre sportif à Maroua. Samuel Wembe a quant à lui mis en avant sa reprise de Racing de Bafoussam pour s’attirer la sympathie des populations. Charles Emedec a capitalisé la popularité acquise depuis son entrée dans les sphères de la Fécafoot, en 1996, pour se hisser à la tête de la mairie de Bakou. Gabriel Mbongning, président de Unisport de Bafang, à la commune rurale de Bandja…
Dans le même registre, figure Lucas Tchoffo, dont la popularité avait décuplé avec la montée en D1 de Bamboutos de Mbouda, après 18 ans de purgatoire en deuxième division, Emmanuel Ava Ava, emblématique président d’un brillant Canon de Yaoundé, et Joseph Lima, président de la ligue du Littoral, 2è adjoint de Douala 2ème, dont le maire Abraham Tchato, est membre influent de l’Union. Les hommes en noir ne sont pas totalement en reste sur cette liste, avec l’ex arbitre international, Aka Amuan, député de la Menchum… La liste est longue et inquiétante.
Jean Robert Frédéric Fouda à Yaoundé