Avec la descente en seconde division de Etoile Filante, Garoua est orpheline des matchs de l’Élite. On est en 1986. La Sodecoton décide de mettre en place Coton Sport pour combler le vide et égayer son syndicat de producteurs. Ses dirigeants pensaient alors que la montée en division 1 ne serait qu’une formalité. En 1992, le club est champion provincial du nord. Il sera promu en première division après un bon parcours lors du tournoi Interpoules. L’ambition de Gabriel Mana est de hisser le club parmi les meilleurs du Cameroun et de jouer les premiers rôles en championnat. Des ajustements seront nécessaires et dès 1996, la suprématie de Coton Sport sur le championnat s’installe, reléguant aux oubliettes les clubs mythiques qui ne lui vouaient que du mépris.
Dès lors, le club du septentrion a fait main basse sur le football d’élite, ne terminant jamais plus bas que le second rang du championnat. À ce jour, Coton Sport c’est 17 titres de Champion du Cameroun et 7 titres de Vainqueur de Coupe.
Au niveau africain, le club de Garoua atteint la finale de la Coupe de la CAF pour la première fois de son histoire en 2003. Ce ne fut pas la bonne. Il va atteindre le même niveau en 2008 en Ligue des Champions. Ce sera le stage des demi-finales de la même compétition en 2011 et en 2013.
Des frais de transferts records
Les années 2008 à 2017 ont été des années fastes en termes de transfert de joueurs. Ce qui a permis au club de Garoua de collecter plus de 3 milliards de FCFA de frais de transfert de joueurs. L’ex président Gabriel Mbairobe, visionnaire hors hiérarchie, va s’appuyer sur l’expérience du génie de la finance, Maxime Nana, qui est aussi l’un des meilleurs agent de joueurs d’Afrique, pour financer son vaste centre technique. Situé en banlieue de Garoua, d’une superficie de 10 hectares, il comprend plusieurs terrains de football, des salles de musculation, des dortoirs, des piscines et des bureaux, ainsi que l’académie de football du club. Les ventes de plusieurs talents, à l’instar de Vincent Aboubakar, Edgar Salli, Brice Owona, et plus tard Marius Moudjilmandji, Moise Sakava et Christian Dyo Ngakolé, ont rempli les caisses.
Avec cette domination écrasante, les autres clubs sont-ils en mesure de les challenger la suprématie de Coton Sport?
Cela semble difficilement envisageable sur le court terme. Les clés de la réussite de Coton Sport sont connues.
Il y a une réelle vision, du management et une structuration. C’est tout simplement l’équipe la mieux organisée, l’équipe qui a le plus de ressources, l’équipe qui a mis en place les standards professionnalisation. C’est pourtant un exemple à suivre mais pas encore suivi du fait des réticences et de l’enracinement aux méthodes anciennes.
Certains de ces équipes qui ont pourtant fait le bonheur du football camerounais dans les années 70 et 80 souffrent. Des sempiternelles luttes internes pour le pouvoir ne contribuent pas à leur redressement. Il va falloir changer de registre. Quelque soit sa forme, chaque club doit opérer une mue. Dans certains pays, l’impulsion est venue de la fédération.
La Tunisie avait mis en place une véritable feuille de route pour les équipes de l’élite. Et le cahier de charge y afférent devait être respecté pour avoir accès aux compétitions.
Au Canada, la mue a bien réussi. En quelques années, les clubs de tous les niveaux ont été restructurés. Il faut cependant une réelle volonté de la fédération qui doit y consacrer un budget et une organisation stricte.
Comment rivaliser ?
Coton Sport de Garoua a aussi un accompagnement de multiples sponsors. L’image qui reste dans les mémoires est le maillot que Marou Souaibou lance à ses supporters après son but en finale de la Coupe du Cameroun. Un autre l’attendait au banc de touche. Certains clubs de nos championnats d’élite utilisent le même maillot pour toute la saison. Le sponsor maillot du club fournit suffisamment de matériel.
Pour réussir à rivaliser avec Coton Sport, les autres clubs doivent résolument se tourner vers la professionnalisation. Sans cette prise en compte managériale, inutile de penser à rivaliser.
L’autre axe de travail est de définir la politique de développement du club et y intégrer un véritable directeur sportif. Plusieurs clubs européens, à l’instar de Ajax Amsterdam, Borussia Dortmund, Porto, Sporting Lisbone, etc, vivent de la revente des joueurs. Autant dire qu’il faille s’appuyer sur des professionnels qui ont fait leur preuve. Plusieurs présidents, mus par l’appât du gain, s’associent à des agents de joueurs véreux. Certains affichent leur proximité aux anciennes vedettes pour manipuler des signatures. Au final, on brade de bons joueurs à des prix ridicules. Ils prennent des directions exotiques avec l’espoir de « percer » un jour.
Coton Sport a déjà été dans ce modèle d’exemplarité. Il doit cependant passer un autre cap et planifier les futurs succès. Et cela passe par des trophées continentaux. Ces dernières années cependant, on n’a pas souvenir de transferts mirobolants qui viendraient donner un visage différent au club. Comme si les dirigeants actuels sont gentiment heureux de s’assoir sur leurs lauriers. Et pourtant, l’académie fournit en joueurs de talent. Il va falloir probablement réajuster le tir pour que Coton Sport puisse rester éternel. Cela contribuera a l’assoir comme le véritable chef de file des clubs au Cameroun.