Combien existe-t-il de Camerounais qui ont gagné la Coupe du Cameroun de football et le titre de champion de France amateur ? Pas beaucoup. Combien de footballeurs camerounais ont et le CEPE, et le BEPC, et un DEUG, et une licence, et une maîtrise et un DESS ? Un seul, je crois. Combien de footballeurs camerounais ont pour ami Michel Larqué, de TFI ? Un seul connu. Combien de footballeurs camerounais se sont fait appeler Koulou sans être Koulou ? Un seul.
Un seul. Combien de footballeurs camerounais, enfin, ont pour frère Mvé Elemva, le capitaine des Lions qui a perdu la seule Coupe d’Afrique organisée chez nous ? Un seul. Au moins Cogefar aussi, mais c’est rien. Celui qui compte, c’est Jean-Pierre Djemba Elemva, à ses heures gentleman farmer à Zouameyong, éditorialiste, patron de presse, color commentator à la CRTV, fondateur de la Dynamique des amis du football et, accessoirement, candidat à la présidence de la Fécafoot.
Mais attention : candidat obligé de poser sa candidature, comme un vulgaire quidam, alors que la connaissance footballistique héréditaire des Elemva, son statut de « sportif instruit » et sa connaissance de la courbe de la demande de l’énergie eussent suffi pour qu’il est ne fût pas tenu de demander ce qui lui revient de droit. Les gens sont méchants, vous savez ? M. Djemba semble dire, sous la plume de M. Mohamadou Houmfa, l’hagiographe qui a signé une niaiserie nauséeuse sur le candidat le 12 décembre dernier, que les gens ne lui ont jamais donné ce à quoi il avait toujours droit
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Prenez par exemple le poste de directeur général de la Fécafoot auquel il avait postulé. Pouvez-vous croire que M. Iya a eu l’outrecuidance de choisir un autre, un certain Jean Lambert, et non Jean-Pierre ? Mais il n’y a pas que M. Iya qui fait de la résistance. Le pays entier, le Cameroun, refuse obstinément de faire appel aux compétences et aux capacités de Jean-Pierre. On lit et on entend tout ça, alors on se demande : amer, Jean-Pierre ? Pas du tout : en direct avec le candidat annoncé, aucune amertume ne sourd de ses paroles. Je lui ai parlé pendant vingt-cinq bonnes minutes, et le seul mauvais sentiment qu’il n’a pas pu contenir, c’est la rage que lui inspire la personne de M. Iya. Pour le reste, c’est avec beaucoup de calme, de chaleur et de clarté que M. Djemba parle de la Fécafoot, du MINSEP, des Lions et de ses plans. Contrairement à ce qu’on m’a fait croire, sur la foi de l’entretien que j’ai eu, M. Djemba n’est pas la brigade légère qui va à sa destruction face aux orgues de Staline de M. Iya.
Considérez par exemple, pour commencer, l’idée qu’il se fait du rôle du MINSEP dans la gestion du football. Incontournable, qu’il dit, parce que la promotion de l’activité physique est une des missions régaliennes de l’État, dont le bras séculier ici est, pour l’instant, M. Edjoa. S’il est élu, M. Djemba entend se concerter avec le MINSEP au moins une fois par semaine, une façon de reconnaître et d’admettre que c’est celui qui paie le bal qui mène la danse. Le rôle du MINSEP sera d’autant plus central et plus clair que celui de la Fécafoot sera défini de façon plus précise, parce qu’il consistera essentiellement dans la recherche du confort des joueurs.
La Fécafoot nouvelle naîtra d’une logique nouvelle. Un organisme qui consacre 80 % de son budget à son fonctionnement a nécessairement perdu le sens de sa mission et ne s’intéresse plus qu’à sa survie. Le problème de la Fécafoot n’est qu’un simple problème de gestion, que M. Djemba entend régler en redéfinissant le rôle de cette institution et en réorganisant sa structure interne en fonction de ce rôle. Un directeur ou un secrétaire général coordonnera le travail de trois directions stratégiques, à savoir le contrôle de gestion et le budget, les opérations et le marketing et la communication. La Fécafoot aura ainsi pour tâche principale de veiller au bien-être des joueurs et des clubs de football en leur donnant les ressources financières et matérielles adéquates pour vivre. Elle imposera des normes de gestion aux clubs, que ces derniers devront observer pour être admissibles à ses concours et à son aide.
Les Lions indomptables, tout ce qui a un rapport avec cette équipe, martèle le candidat, représentent un aspect technique de la gestion du football au Cameroun. Ils relèvent donc de la Fécafoot. C’est à la Fécafoot qu’il appartient de sélectionner et de rémunérer le coach et ses adjoints, de payer les primes des joueurs et d’assurer leur confort. La Fécafoot, pense M. Djemba, en a les moyens. C’est la volonté d’agir qui fait défaut. Toutefois, même sur le plan technique, il n’est pas avisé d’écarter l’État. En fait, il faut renforcer la collaboration à cet égard en mettant en place un programme visant à amener la Fécafoot à assumer à terme, en relative indépendance, la gestion technique du football.
Les anciens footballeurs, les anciens Lions surtout, M. Djemba y tient, doivent être ramenés sur la scène du football au Cameroun, en particulier dans les domaines techniques. Le candidat cite les cas de Patrick Mboma et de Rigobert Song, que le pays risque de perdre parce que rien n’est prévu pour eux, rien ne leur est proposé, rien n’est fait pour qu’ils continuent d’animer la pratique du foot dans notre pays.
La présence de M. Edjoa à la présentation de la deuxième livraison du « 10 de DAF », le journal d’analyses que dirige M. Djemba, a créé une confusion dans les esprits qui n’a pas lieu d’être. Sa candidature, fait-il remarquer, n’a rien à voir avec le ministre, dont il n’a cherché ni l’aval ni le soutien. Voire ! Il reste que M. Djemba, s’il est élu, deviendrait le premier patron d’une institution indépendante qui ne se réserverait aucun domaine de compétence exclusif. Même si je ne crois pas qu’il aura les nerfs suffisamment solides pour s’accommoder aisément d’une présence plus prégnante encore du MINSEP, M. Djemba, si on le prend mot, ne sera pas par qui le scandale arriverait. À lui l’intendance, au MINSEP la politique. Paix garantie. Pourquoi pas ?
Mais la paix n’est pas le seul avantage que présente la candidature de M. Djemba. Le Koulou du fameux Cameroun – Zaïre de 1974, douloureusement scotché dans la mémoire des plus vieux comme le plus grand rateur de buts du pays, tient à ne pas rater l’occasion qui s’offre à lui. Jean-Pierre Tokoto n’est peut-être plus là pour lui servir des caviars, mais il va à la bataille avec un atout non négligeable : avec lui, il n’y aura pas de cumulard à la tête de la Fécafoot. En effet, on ne connaît pas à M. Djemba un job qui le confine à un bureau ou à un atelier huit heures par jour cinq jours par semaine. Ce n’est pas négatif.