C’est la mort dans l’âme qu’ils passent inaperçus auprès des spectateurs, qui n’ont d’yeux que pour les joueurs présents sur l’aire de jeu. Cette attitude un peu ingrate est cependant loin de décourager les dizaines de jeunes écoliers qui, par amour ou par passion, se ruent aux portes des stades, uniquement dans le but de servir le football.
Un sacerdoce, puisqu’ils n’en tirent aucun bénéfice en contre partie sauf, peut-être celui de regarder les matches. En revanche, pour la direction du stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé, le plus grand employeur du pays avec 28 mineurs à ses services, c’est une aubaine.
En majorité, ils sont élèves de différents établissements primaires et secondaires de Yaoundé. Mais quelques-uns viennent des centres de formation de football de banlieues. Il y a enfin une dernière catégorie qui est recrutée sur la demande expresse de leurs parents, auprès de la direction des stades. Pour ces bambins dont la moyenne d’âge est de 10 ans environ, la passion du gain est moins forte que le simple plaisir de courir derrière des ballons traînant hors de l’aire de jeu. C’est un travail, mieux une exploitation en deux équipes de 14 ramasseurs chacune. Des groupes qui alternent au fil des journées. Une rotation à laquelle veille un cadre de la direction des stades, M. Sama. Ce coordonnateur veille sur la piste d’athlétisme, pour s’assurer du respect des consignes données à ses » lieutenants « , tant au cours des réunions d’avant match, qu’au cours des séances d’évaluation et d’autocritique d’après-match. Les ratés et autres dérapages observés durant la partie constituent le centre de discussion de ces débats.
A la fin de la rencontre, en contre partie des bons et loyaux services rendus, chaque ramasseur ne perçoit qu’une somme insignifiante. » Le montant varie en fonction de la recette de la journée. Juste de quoi payer son taxi « , explique le directeur des stades, Bella Eves. A la fin des matches de la sixième journée ayant opposé Cintra de Yaoundé à Victoria United de Limbé et Renaissance de Ngoumou à Coton Sport de Garoua par exemple, chaque ramasseur de service ce jour-là a perçu 500 francs Cfa.
Dimanche dernier par exemple, lors de la huitième journée, les ramasseurs ont arboré des Tshirts frappés du logo de la Mobile telephone network (Mtn), durant les deux rencontres de la septième journée du championnat: Canon-Tonnerre, en lever de rideau de Cintra-Renaissance. Guinness semble quant à elle avoir fait des finales de la Coupe du Cameroun sa chasse gardée. Ce qui aurait normalement dû être suivie d’un meilleur traitement pour les dizaines de ramasseurs de balles transformés en agents de publicité ambulants.
Et pourtant, c’est la même rémunération, en monnaie de singe. Même si Bella Eves refuse de parler d’escroquerie organisée » la direction des stades ne perçoit même pas un seul franc de ses sponsors. Cet argent est directement versé dans les caisses de la Fédération camerounaise de football, parce qu’elle est propriétaire de l’événement. Par conséquent, c’est elle qui devrait payer les droits de pub aux ramasseurs « . L’absence d’un statut du ramasseur de balles vient encore compliquer davantage cette situation. Chiche !
Jean R FOUDA